Courges : l’impossible culture ?

Après la grêle : on perd toute la première génération de fruits dans les courges et les pieds sont très abîmés.

C’est ma cinquième année aux Grivauds. Et c’est la troisième fois qu’on assiste impuissants au massacre de nos courges par un orage de grêle. 2019, c’était début juillet. 2021, c’était fin juillet. 2022, c’est fin juin. D’ailleurs, rien ne nous garantit qu’on n’en reprendra pas une dose dans l’été… Cette fois-ci, les glaçons étaient si gros qu’ils ont perforé les bâches de serre. Les dégâts sont vraiment importants. La bâche de la serre 2 est bonne à jeter. Bon, c’était une bâche déjà très ancienne qu’il aurait fallu changer cet hiver. Mais, là, pardon, on avait d’autres chats à fouetter. Ah oui, parce que, c’est peut-être ça qui nous fait le plus râler : on était suffisamment débordés pour ne pas avoir envie de gérer les conséquences d’une grêle pendant les chantiers poireaux et choux… Genre éplucher deux cents pieds de blettes pour qu’elles repartent du cœur. Genre rustiner les bâches de serre pour éviter qu’il ne pleuve sur nos tomates. Début janvier, je me souviens avoir fait le vœu d’une «année calme», histoire de souffler un peu après 2021, qui avait été particulièrement difficile à gérer. Vœu non réalisé. Ma dernière année aux Grivauds me laissera l’impression d’avoir constamment couru dans tous les sens…

Cette année, on a quand même progressé d’un cran dans notre anticipation de la grêle. On a couvert les salades et les courgettes avec un filet anti-insecte. Résultat : partout où le filet a tenu sur les courgettes (c’est à dire quand le vent n’est pas venu malicieusement le soulever), les pieds ont été parfaitement sauvegardés ! Pour les salades, le résultat est mitigé. Les grêlons ont stagné sur le haut des salades et ont brûlé les feuilles, laissant d’importantes traces noires derrière eux. On va quand même tenter de vendre ces salades abîmées à Vichy. Par contre, les courges… on n’a rien protégé du tout. De nombreux pieds sont cassés. Il va falloir attendre un peu pour qu’ils se refassent une santé. Et toute la première génération de fruits (notamment de magnifiques potimarrons) est bonne à jeter. On aura quand même des courges. Mais, comme l’année dernière, on sait déjà qu’on n’aura pas assez pour passer l’hiver. Dans ces conditions, désormais, faut-il ou non inclure dans le prix de vente le risque important de se faire grêler la culture ? Ça paraîtrait légitime. Des solutions existent pour protéger les cultures extérieures mais elles sont laborieuses. On pourrait souscrire à une assurance récolte pour les courges. Mais est-ce rentable ? À étudier. Certain·es collègues investissent déjà dans du filet anti-grêle. En tout cas, il parait impensable désormais de ne pas penser à la grêle dès l’installation.

On n’est pas restés les bras croisés cette semaine : 400 choux ont été plantés, ainsi que la quatrième série de concombres et la deuxième série de poireaux. Les plants de la troisième série de poireaux attendent déjà dans notre chambre froide… On a taillé, palissé et paillé une grosse partie de nos tomates et nos poivrons sont enfin désherbés (merci Nadia !). Tout ça en préparant en même temps nos paniers d’Amap et notre marché du samedi… Allez, on ne fléchit pas : l’été ne fait que commencer !

À la semaine prochaine !

Paradoxe aux Grivauds : comment la réussite de notre printemps handicape notre été

À Vichy, notre stand n’a jamais été aussi complet à cette période de l’année ! Plein de courgettes, de concombres, de petits pois… Jeu : reconnaissez-vous la vendeuse de la semaine ? C’est une «petite main» historique des Grivauds ! (Cliquez pour agrandir)

En ce moment, avec Fabrice, on réalise un petit rêve : réussir à aller toutes les semaines sur le marché de Vichy, hors période de tomates. C’est inédit pour nous d’avoir autant de légumes à cette période. De même, en avril, on avait du rendre nos visites à Vichy plus régulières, pour écouler nos épinards et nos salades. Actuellement, ce qui embouteille notre chambre froide, ce sont les betteraves, les petits pois, les choux cabus, les courgettes et les concombres. Ah, et aussi quelques centaines de magnifiques salades de plein champ. Que s’est-il passé ? Les conditions météorologiques sont très favorables à une belle précocité, contrairement à l’année dernière. Et puis, on a encore fait des progrès, en termes de choix techniques : le réchauffement et l’hydratation des sols ont été mieux gérés. La fertilisation a été plus généreuse. Bilan : non seulement on a de la salade en continu (ce qui n’était pas le cas les années passées, où les premières salades de plein champ patinaient dans la choucroute), mais en plus elles sont énormes… Nos deux débouchés habituels (l’Amap de Bourbon-Lancy et le Marché de Vichy) sont à peine suffisants pour écouler tous ces beaux légumes, c’est fou !

Alors, oui, du coup, ça fait rentrer plus d’argent que les années passées. Et, ça, c’est quand même le but du jeu. Mais, et c’est là tout le paradoxe, ça nous laisse aussi beaucoup moins de temps pour planter, semer, désherber, palisser nos tomates. Mine de rien, préparer le marché de Vichy, ça nous prend une journée complète. La récolte des petits pois nous occupe trois bonnes heures, et on l’a effectuée deux fois cette semaine ! De plus, l’un de nous deux s’absente toute la matinée du samedi pour tenir le stand du marché. Alors, oui, semaine après semaine, le retard s’accumule. On se concentre sur l’imposant chantier des poireaux : pailler et planter les milliers de plants fraîchement reçus. Malheureusement, le soleil est si violent que les pauvres petits poireaux semblent brûler dans la paille, à peine installés dans le sol. On arrose pour calmer le jeu. Et on doute. Dans les serres, les tomates poussent tellement vite qu’on n’arrive plus à suivre leur croissance. Certaines s’écroulent, insuffisamment palissées. Les dernières séries de concombres et de salades patientent dans la pépinière. Et l’immense chantier choux est au point mort. De toute façon, c’est impossible de planter sur une toile tissée avec une telle température. Notre logiciel de planification ne cesse de nous seriner que nous devrions être en train de semer des carottes et des haricots verts. Bref, on est dépassés.

Des tomates qui s’écroulent aux Grivauds : ça aussi c’est du jamais vu…

Alors, oui, de nouveau, on envisage une embauche. Inutile de vous jeter sur votre clavier pour postuler : on a déjà quelqu’un sous le coude. On attend que ce soit officiel pour vous présenter l’heureux·se élu·e qui aura l’insigne honneur de redresser nos tomates. En attendant, je vais aller me baigner dans la Loire, pour éviter de terminer grillé comme un poireau des Grivauds…

À la semaine prochaine !

Légumes d’été : on fait le point

Elles sont mûres quand ces tomates ? Fin juin ? Début juillet ? Suspens…

«Alors, c’est quand les tomates ?» J’ai rencontré un jour un maraîcher qui répondait toujours de la même manière à cette question : «vous prenez votre première envie de tomates et vous ajoutez deux mois». Comme quoi, les bons mots, ça fait sourire, mais ça ne renseigne pas toujours. Nous, ce qu’on peut vous dire, c’est qu’on n’a jamais planté les tomates aussi tard (fin avril à mi-mai), mais qu’on n’a jamais eu une saison aussi précoce. Comme quoi, la franchise, ça fait du bien, mais ça peut aussi être source d’ambiguïté.

Vous vous en souvenez, cette année, les tomates sont toutes greffées et conduites sur deux brins. Deux fois moins de pied que l’année dernière. On les a plantées en rang central et on a placé des cultures de part et d’autre. On peut déjà en tirer un premier bilan. D’abord, on a choisi de privilégier un gourmand assez haut, pour assurer une bonne ventilation sous les pieds. Concrètement, on a gardé le gourmand situé sous la première grappe. Ce gourmand prend d’abord le temps d’émettre une série de feuilles avant de produire une grappe de fleurs. Ce qui signifie qu’on a deux fois moins de premières grappes que l’année dernière. Et ça, on ne l’avait pas tellement anticipé… Ça signifie qu’on aura une fin de saison beaucoup plus soutenue que le début de saison. Ensuite, on a pu constater l’impact des cultures adjacentes sur la croissance des tomates. Flanquée de salades ou de persil, la tomate prend nettement le dessus et pousse normalement. Le persil est même un peu stressé et certains pieds présentent déjà des signes de montaison. Entourée de betteraves et de choux chinois, la tomate semble souffrir de la concurrence et la croissance est retardée. Et malheureusement, des betteraves, on en a planté tout plein. Sous les betteraves, le sol est tout sec : on soupçonne une concurrence en eau. En dehors de ça, on est impressionnés par le port de notre série la plus précoce, qui est majestueux. Et par la croissance vertigineuse des tomates cerise. À suivre.

Aubergines en serre 4, entourées de fenouils

Les aubergines sont elles-aussi toutes greffées. Quel que soit le lieu où elles ont été implantées (on en trouve dans trois serres différentes), elles ont démarré avec une vigueur hallucinante. Certaines feuilles sont déjà immenses. Les premières fleurs se sont ouvertes depuis une semaine. L’occasion de nous extasier devant cette alliance insolente de jaune et de violet. Là aussi, il y a deux fois moins de pieds que l’année dernière. Mais, l’année dernière, les pieds non-greffés (qui étaient majoritaires) n’avaient presque pas donnés. Donc, que tout le monde se rassure : ça va partir en moussaka tout ça. Les poivrons sont bien plus vigoureux que l’année dernière, sans être éclatants pour autant. On a en plantés un peu plus : on a vraiment envie de pouvoir en mettre régulièrement à l’Amap. Pour le moment, il reste un épineux problème : où trouverons-nous le temps d’aller les désherber ? Beaucoup de blé pousse sur ces deux planches… Les concombres sont plutôt beaux. Il y a 9 pieds greffés. Pour le moment, on ne les trouve pas plus vigoureux que les autres. À voir s’ils ont une meilleure longévité. Les courgettes se portent joliment, en serre comme en extérieur. On a déjà pu en vendre pas mal, à l’Amap et sur le marché. Les haricots grimpants, c’est plus compliqué : la planche est plus irrégulière et on a déjà des attaques d’acariens. Quant aux semis de haricots nains en plein champ, reconnaissons-le, on a du retard…

Là, normalement, c’est le moment où je vous fais un topo sur les petites mains de la semaine. Mais, William, stagiaire de retour au jardin, a choisi de se présenter lui-même à travers une petite danse :

À la semaine prochaine !

Le mystère de la jeunesse du MSV

Le MSV, c’est facile. Et c’est confortable.

Ajout du 6 juin 2022 : Après relecture de l’article, Marine me suggère de mentionner l’existence d’un label pour l’Agriculture de Conservation des Sols : Au Cœur des Sols.

C’est si simple le MSV[1]=Maraîchage sur Sol Vivant, pour rappel… ! Vous voyez, dans la serre 1, on avait une jolie planche de carottes. On récolte, on broie[2]Sans broyeur, dans un jardin, on se serait contentés de rabattre les hautes tiges. Par exemple au sécateur. les herbes qui ont poussé, on repaille légèrement, on bâche et on plante des melons. Aucun travail du sol, aucun désherbage. Tout va très vite et ne demande quasiment aucune énergie, ni humaine, ni mécanique. C’est si simple, qu’on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt. Il y a encore quelques années, jardiner, c’était forcément se confronter à la fourche-bêche (ou à la grelinette) et à la binette sous les lourds soleils d’été. Se lancer dans le maraîchage, c’était apprendre à manipuler tout un tas d’outils barbares, genre charrue, herse étrille, rotavator, actisol et j’en passe…

Attention, Marine, je crois que Miroux essaie de se faire passer pour un panier d’Amap…

C’est le genre de discussions qu’on a eues avec Marine, la wwoofeuse de la semaine dernière. Marine, elle a travaillé à l’APAD, l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable. Son rôle était d’accompagner les agriculteur·ices en transition vers l’Agriculture de Conservation des Sols[3]Aussi appelée Agriculture de Conservation tout court, ou Semi Direct sous Couvert. Je vous l’accorde, ça n’est pas avec des appellations comme ça qu’on va faciliter … Continue reading. L’ACS, c’est un peu la grande sœur du MSV. Elle fait ses premiers pas aux États-Unis dans les années 50, avec pour but de réduire l’érosion des sols et d’améliorer leur fertilité. Mais c’est seulement à partir des années 90 qu’elle prend son envol. Les chiffres de 2016 montre que la surface mondiale en ACS dépasse les 12%[4]A. Kassam, T. Friedrich & R. Derpsch (2019) Global spread of Conservation Agriculture, International Journal of Environmental Studies, 76:1, 29-51, DOI: … Continue reading. Deux questions se posent : pourquoi est-ce que les produits de cette agriculture sont si peu visibles pour le grand public et pourquoi cette agriculture est-elle si récente ? Vous allez le voir, les deux questions sont liées.

En ACS, comme en MSV, on s’interdit de travailler le sol. Pas de labour, pas de binage. On plante ou on sème directement dans un couvert végétal ou dans un mulch[5]Couche de végétaux en décomposition sur le sol servant de paillage et/ou de nourriture pour le sol. Mois après mois, si rien n’est fait, les adventices[6]C’est le synonyme de «mauvaises herbes» que vous devez utiliser devant nous si vous ne voulez pas qu’on vous jette des potentilles dessus… s’installent. Genre des rumex. Genre du chiendent. Genre de la potentille rampante. Nous, en MSV, quand ça arrive, on dégaine une arme redoutable : la bâche plastique ! On pose une toile tissée sur les planches enherbées et, tintintin, les potentilles meurent au bout de quelques mois. C’est le principe de l’occultation. En jardin, on peut opérer avec des cartons, en faisant bien attention de choisir des cartons sans encre et sans traitement. En ACS, impossible d’opérer de cette manière-là… Alors, on dégaine les herbicides chimiques. Dont le glyphosate. Ce qui fait que, pour le moment, un produit issu de l’ACS ne peut pas être labellisé AB[7]En réaction à cet article, Nathalie Cerclé, de la Ferme de Layat, me mentionne qu’iels produisent des céréales sous couvert de luzerne permanent sans travail du sol et sans désherbant … Continue reading. Alors que la charrue, qui est une plaie écologique majeure, est autorisée en Bio… Pour le moment, aucun label n’existe pour aider le consommateur·rice à repérer les produits issus cette pratique. Et, de toute façon, l’usage du glyphosate ternit d’avance l’image de l’ACS. Ainsi, c’est la bâche plastique qui rend le MSV possible et ce sont les herbicides qui rendent l’ACS envisageable. D’où la jeunesse de ces pratiques. Je suis désolé de vous l’apprendre, mais on vit vraiment dans un monde dans lequel rien n’est simple…

C’est grâce à l’existence des toiles tissées que le MSV est possible : c’est comme ça qu’on peut planter à travers un couvert végétal sous avoir à retourner le sol.

On dit au revoir à Lucas, notre Brésilien de choc et on dit bonjour à Diane. Diane, qui est aussi une voyageuse hors-pair, et qui est prête à consacrer plus de deux heures de son après-midi pour aller en vélo acheter du sucre Bio à Digoin, afin de faire de la confiture de fraises. Les chantiers d’implantation ont ralenti avec la reprise des amaps mais on ne baisse pas les bras : il reste encore beaucoup de poireaux et de choux à planter !

À la semaine prochaine !

References

References
1 =Maraîchage sur Sol Vivant, pour rappel…
2 Sans broyeur, dans un jardin, on se serait contentés de rabattre les hautes tiges. Par exemple au sécateur.
3 Aussi appelée Agriculture de Conservation tout court, ou Semi Direct sous Couvert. Je vous l’accorde, ça n’est pas avec des appellations comme ça qu’on va faciliter l’appropriation du concept par le grand public…
4 A. Kassam, T. Friedrich & R. Derpsch (2019) Global spread of Conservation Agriculture, International Journal of Environmental Studies, 76:1, 29-51, DOI: https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00207233.2018.1494927?journalCode=genv20
5 Couche de végétaux en décomposition sur le sol servant de paillage et/ou de nourriture pour le sol
6 C’est le synonyme de «mauvaises herbes» que vous devez utiliser devant nous si vous ne voulez pas qu’on vous jette des potentilles dessus…
7 En réaction à cet article, Nathalie Cerclé, de la Ferme de Layat, me mentionne qu’iels produisent des céréales sous couvert de luzerne permanent sans travail du sol et sans désherbant chimique. À creuser !