Nous aussi, on veut une rentrée !

Profiter d’un blog maraîcher pour faire de la pub pour la chorale de Pierrefitte, c’est scandaleux ! Venez vous plaindre nombreux le lundi 7 septembre à 20h00.

Bon, c’est vrai qu’à tout choisir, c’est surtout de vacances dont on aurait besoin mais chaque chose vient en son temps… En attendant, il y a un moment que nous attendons avec impatience pour sortir un peu la tête du jardin : la rentrée de la Fanfare de Diou ! Ça fait depuis mars qu’on a du abandonner nos activités musicales, à cause d’un certain virus… Pour Fabrice, il s’agissait de cours de hautbois. Ceux qui ont été hébergés aux Grivauds cette année ont pu quelques fois l’entendre taquiner la double hanche, histoire de ne pas perdre la main (et la lèvre). Ces cours d’instrument et de solfège, on les doit à la Fanfare de Diou et à Lydie Curtil, qui s’est débrouillée tant bien que mal pour garder le contact avec ses élèves via Skype pendant le confinement. En ce qui me concerne, ce qui m’a manqué pendant la période, c’est la petite chorale qui s’est mise en place cette année à Pierrefitte, toujours sous la tutelle de la Fanfare. Cette chorale, constituée d’une douzaine de chanteurs, commençait tout juste à donner ses premiers concerts. L’arrêt brutal de ses activités nous obligera sans doute à reprendre un peu les choses au début : le souffle, la posture, le placement vocal, la justesse… Sans oublier les mélodies et les paroles. Les cours d’instruments reprennent cette semaine et la chorale la semaine prochaine. Bien entendu, il y aura un protocole sanitaire à respecter mais ça nous fera du bien de nous retrouver, c’est certain ! En fait, c’est même plus que ça : pour nous, ce décloisonnement est capital ! Il nous permet de nous souvenir d’une chose qu’on aurait tendance à oublier : il existe une vie en dehors de notre ÉcoJardin. Et ça fera baisser le stress accumulé en cette fin de saison.

Ça c’est juste la récolte des tomates cerise ! À gauche, Sandra, en stage chez nous pour 10 jours ; à droite, Mathilde venue en renfort pour faire tomber de la Datterini !

«Stressés ? Vous ? Avec votre cadre idyllique, vos papillons et vos chats ?» Eh bien oui, un peu comme tout le monde, j’imagine, lorsqu’une activité tient trop à cœur. On est devenus très exigeants et on a envie de tout réussir. Et en ce moment, aucun relâchement n’est permis ! Les récoltes vont bon train, notamment dans les haricots. Si bien que le marché de Vichy nous prend quasiment une journée et demie à préparer. Vendredi, malgré la pluie matinale, on est quand même dehors pour récupérer les haricots, les courgettes, les carottes, les poireaux, les salades, les blettes, les choux, les céleris branches, le maïs, etc. Le samedi, le réveil sonne de plus en plus tôt (4h45 pour ma part) tellement le stand est devenu long à monter. On ajoute à ça les Amaps de Bourbon-Lancy (qui ont eu le droit à des poireaux cette semaine) et de Dompierre (qui ont profité de nos haricots verts et de nos carottes) et on voit que la semaine est déjà très remplie. Or, les installations de légumes ne sont pas terminées ! Dans le champ, il nous reste des radis d’hiver à planter ainsi qu’une série de mâches. Et dans les serres, c’est toute l’intersaison qui doit être mise en place : blettes, persil, laitues, chicorées, mesclun. À voir la taille de nos plants, on sent qu’on a déjà une grosse semaine de retard et ça ne risque pas de s’arranger ! Il y aurait une nouvelle tournée de désherbage à effectuer dans les carottes, le liseron dans les poireaux d’hiver, les bords de serre à tondre, les oignons qu’on n’a toujours pas fini de récolter… Bref, on est de nouveau à la bourre !

Bon, allez, je vous laisse, j’ai des partitions à préparer pour la rentrée de la chorale.

À la semaine prochaine !

Une décision qui donne la jaunisse

Chez nous, les betteraves n’ont pas la jaunisse (nananère). Pour voir à quoi ressemble cette maladie, faîtes vous-même une recherche, non mais !

C’est l’été ; les journaux font la météo des plages, ou se plaignent que les guêpes, trop nombreuses cette année, viennent pirater le melon de l’honnête touriste venu se la couler douce sur son lieu de villégiature privilégié. On aurait tort de gâcher la fête. Surtout pour vous parler de néonicotinoïdes. D’abord, parce que ce mot – néonicotinoïde – est imprononçable, avouez-le. Ensuite parce que lorsque vous en entendez parler, c’est toujours en rapport avec une histoire de «Jaunisse de la betterave», un virus qui affecte les plantations de betteraves sucrières. Et que un virus par an, c’est déjà bien suffisant. Bon, passons à autre chose. Qui reprend des merguez ? Tututut ! Pas si vite ! En fait, on va quand même vous gâcher l’apéro avec un machin polémique et on va même monter un peu le ton. Et pas seulement pour se plaindre de la météo (ça, on l’a déjà fait la semaine dernière). Non, on va se plaindre du retour en France d’un des pires pesticides qu’on ait jamais inventés. Pire que le glyphosate ? Oui.

Sur ce chénopode, on distingue une syrphe et une coccinelle (cliquez pour agrandir), qui sont deux auxiliaires qui mangent des pucerons. Si vous empoisonnez les pucerons avec des néonicotinoïdes, est-ce que vous pensez sérieusement que leurs prédateurs s’en sortiront indemnes ?

Les betteraves se sont choppé la jaunisse à cause des pucerons. En agriculture, le puceron, c’est une valeur sûre : tout est toujours plus ou moins de sa faute. Il faut dire qu’ils pullulent cette année… Notamment à cause du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique, le gouvernement n’y peut rien ; la priorité du moment, c’est de relancer la croissance. Commencez pas à faire les fines bouches avec vos histoires de CO2, on vient tout juste de survivre à une pandémie planétaire, alors c’est l’heure de faire la fête, de consommer massivement et de retourner au boulot (non mais). Alors, on fait comme la FNSEA le demande : on autorise de nouveau les insecticides néonicotinoïdes. Le genre de truc tellement efficace qu’il dégomme aussi au passage tout plein d’autres insectes, comme les abeilles et les bourdons. Bon d’accord, c’est extrêmement persistant, on en retrouve partout (y compris dans les sols et les nappes phréatiques) et ça porte atteinte à des espèces vivantes qui n’étaient pas ciblées : insectes (abeilles, papillons…), prédateurs d’insectes (oiseaux, souris, taupes, mulots, chauve-souris), vers de terre, êtres humains. Êtres humains ? Oui, accessoirement, il semblerait que ces charmantes molécules agissent sur le développement de notre cerveau. Et pas dans le bon sens visiblement… Notez le paradoxe du cas français : les néonicotinoïdes ont été interdits en 2016 grâce à … Mme Pompili, alors Secrétaire d’État à la Biodiversité. Et ils sont de nouveau autorisés en 2020 grâce à … Mme Pompili, devenue Ministre de la Transition Écologique. Et, histoire d’en rajouter une couche, ajoutons qu’on autorise ces poisons pour sauver la filière de la betterave, c’est-à-dire pour sauver une industrie qui nous file des caries et qui nous colle du diabète. Joie. Bon, d’accord, me direz-vous, mais qu’est-ce qu’on y peut ? Si c’est pour se faire des nœuds au cerveau, autant aller se resservir un pastis.

Aux Grivauds, les mantes religieuses font partie des auxiliaires qui contrôlent les insectes. Ici, Mme Mante mange une syrphe pendant que Monsieur fait son affaire…

Mais nous, aux Grivauds, on aime bien se faire des nœuds au cerveau. Le gouvernement et la FNSEA font le choix de simplifier le problème : un parasite -> un produit phyto. Nous, on préfère le complexifier. On prend le temps d’étudier le parasite (ici le puceron) sous tous les angles : que mange-t-il ? Comment se reproduit-il ? Comment se déplace-t-il ? Et surtout… par qui est-il mangé ? Et là, on découvre qu’il y a une myriade d’acteurs qui peuvent contrôler le puceron : les larves de syrphes, les coccinelles, les chrysopes, les cécidomyies et même certaines guêpes et certaines punaises. Et le puceron n’est qu’un exemple parmi d’autres. De manière générale, l’agriculture conventionnelle paie le prix d’un manque flagrant de biodiversité. La monoculture, les grandes parcelles, la destruction des haies, tout ça agit de façon préjudiciable sur les auxiliaires de culture et force les agriculteurs à dépendre toujours plus de la chimie. Et à empoisonner ce qui reste de biodiversité au passage. Un vrai cercle vicieux dont il est temps de sortir.

Camille et Sergio, nos nouveaux wwoofeurs. Faute de fleurs, ils s’offrent des bouquets de persil ; c’est ça le nouveau romantisme !

Quant on ne râle pas, aux Grivauds, on fait un peu avancer le boulot dans les champs : désherbages des carottes, des panais, des poireaux, etc. On prépare la future planche de mâche et la prochaine plantation de navets. Et surtout, on récolte ! Le marché nous prend quasiment deux jours à préparer et nos clients vichyssois y ont découvert pas mal de nouveaux légumes : du céleris-branche, du maïs doux, des piments et … des melons ! Le mardi, on note un certain chasser-croiser dans notre ÉcoJardin : le matin, on dit au revoir à Gwen et Claire, nos deux bretons sur tandem ; l’après-midi, on accueille la relève : Camille et Sergio. Ces deux-là sont d’authentiques urbains venus de la grande ville, mais ne vous y méprenez pas : ils s’y connaissent déjà en légumes. Ils ont déjà effectué un wwoofing avant d’arriver ici et Camille a même eu d’autres expériences maraîchères, dont un stage sur des toits albertivillariens pour y faire pousser des légumes. Avec son expérience dans la pharmacie, Camille a déjà une certaine connaissance des plantes et sa reconversion est déjà bien engagée. On profite des origines espagnoles de Sergio pour faire des allers-retours entre nos deux cultures. Un dépaysement qui nous fait du bien et qui nous aide à supporter les derniers coups de chaud de l’été…

À la semaine prochaine !

Quand les arbres perdent leurs feuilles avant le 15 août…

On voit à travers la haie de charmes/noisetiers… pas bon signe !

… c’est jamais bon signe ! On aimerait bien vous parler d’autre chose. Mais force est de constater qu’on n’en a pas fini avec les sécheresses… Et chaque année, on creuse un peu plus le déficit hydrique du sol. 2019 avait été terrible pour nos cultures et pour nos arbres, notamment à cause de la succession d’épisodes caniculaires de forte intensité. Plusieurs arbres y avaient perdu des branches, voire n’y avaient pas survécu. Cette année, les coups de chaud sont plus rares mais les pluies sont quasiment absentes. Curieusement, la végétation se comportait pas trop mal jusqu’à présent, sans doute à la faveur d’un mois de juin très arrosé, qui avait rechargé le sol en eau. Mais depuis quelques semaines, il y a des signes qui ne trompent pas : les pommes tombent, les mûres changent de couleur avec plusieurs semaines d’avance, les feuilles jaunissent et tombent… Notre haie de charmes et noisetiers, le long de la serre 4, est particulièrement touchée et on a des impressions automnales quand on la longe.

Planter des navets tout en enjambant une caisse de plants, nos wwoofeurs sont parfois très créatifs pour inventer des positions inconfortables…

Côté cultures, la situation est moins mauvaise que l’année dernière. Notre station de pompage toute neuve y est pour quelque chose ! Comme on peut lancer les lignes d’aspersion 2 par 2, on peut arroser chaque planche jusqu’à deux fois par semaine, ce qui est capital pour les carottes ou les haricots par exemple. Les trois petits millimètres d’eau tombés cette semaine sont venus mouiller une plantation de navets toute fraîche avec beaucoup d’à-propos ! Ce qui est d’autant plus intéressant que les altises sont de retour au jardin et qu’elles nous avaient beaucoup embêtés l’année dernière. Désormais, on s’en méfie comme de la peste : on arrose la plantation pour les chasser et on place immédiatement un filet anti-insectes. Résultats : les altises reviennent par dessus le filet et se contentent des feuilles les plus hautes, ce qui préserve les feuilles de cœur. Comme on le dit souvent : on essaie de ne pas faire tout le temps les mêmes bêtises…

Pierre-Yves (Ferme Joca), grand maître de la canne à planter

Dimanche dernier, on a profité d’une petite sortie pic-nic (et baignade) près de la Loire pour aller rendre visite à Pierre-Yves (Ferme Joca), un confrère installé en maraîchage depuis l’année dernière entre Pierrefitte et Diou. Premier constat positif : le jardin est encore bien vert ! C’est que, comme chez David (Jardins de Mirloup), toutes les planches sont irriguées en goutte-à-goutte. Chez nous, les goutte-à-goutte sont plutôt réservés aux serres et aux planches bâchées (courges, courgettes et choux). Ce type d’irrigation permet d’économiser beaucoup d’eau et d’être très efficace pour satisfaire les besoins hydriques des plantes. Par contre, rien de vaut une bonne aspersion (ou mieux encore : une bonne pluie d’orage) pour mouiller l’ensemble du sol, y maintenir la vie microbienne et encourager la plante à effectuer une plus vaste prospection racinaire. Chez Pierre-Yves, on est impressionnés par la quantité de cultures mises en place ! Les techniques utilisées sont plus variées que chez nous : travail du sol, occultation, paillage de foin et de BRF, cultures sur compost, etc. Bref, un jardin prometteur, qui vient s’ajouter au petit réseau de maraîchers du coin (Mangetouts, Joca et Grivauds).

À la semaine prochaine !

Tomates : les raisons d’une prodigalité éphémère

Des fruits sur les premières grappes mais pas après.

Une ombre plane au dessus de nos tomates. Une vague malédiction semble vouloir systématiquement nous priver de grosses récoltes après le 15 août. Le front plissé, nous consultons les livres sacrés de notre profession (Itab, La Note Maraîchage Bio, E-phytia, etc.). L’apocalypse y prend des noms barbares, cladosporiose, alternariose, mildiou, et ça nous épouvante encore plus. «Mais qu’est-ce qui vous inquiète précisément ?» seriez-vous en droit de me demander. Eh bien, c’est un ensemble de symptômes : flétrissement, décoloration générale, feuilles abîmées, croissance ralentie, mauvaise nouaison à partir de la 4ème grappe (parfois dès la deuxième grappe pour certains pieds). Bref, maintenant qu’on a récolté les premiers fruits de chaque pied, on sent que la suite va être beaucoup moins marrante…

Histoire de mieux suivre l’évolution de nos rendements, on a décidé de peser systématiquement chaque récolte. Les résultats (provisoires) apparaissent dans le graphique ci-contre. Pour l’instant, on voit surtout qu’on fait un bon début de saison, le meilleur depuis longtemps. Curieusement, les pieds plantés les plus tard sont ceux qui restent les plus vigoureux. Et comme on a planté en trois vagues successives, la production est plus lissée que l’année dernière. La première planche donne ses derniers fruits – les premiers pieds de Saint-Pierre sont complètement vides, par exemple – alors que la troisième série entre en ce moment en pleine production. À partir de la semaine prochaine, le gros de nos récoltes viendra de ces pieds-là. Alors qu’on peine à vendre le surplus de cette semaine (les jardiniers commencent à en avoir aussi), on s’attend déjà à des semaines où il faudra choisir entre les Amaps et le marché. Heureusement, on va bientôt commencer à récolter nos premiers poireaux d’été, on devrait se faire pardonner comme ça…

Racine liégeuse (Corky root)

Nos tomates ont toujours été un peu malades mais pas à ce point. L’alternariose, par exemple, nous accompagne depuis un certain temps. Et comme les spores sont aussi présents dans les graines et qu’on fait nos graines sur des plants atteints, on sait qu’il va falloir «faire avec». Pour expliquer le mauvais état sanitaire de nos cultures, on a d’abord soupçonné les pucerons d’avoir contribué à accélérer les contaminations. Dans le doute, toujours accuser les pucerons, c’est un principe maraîcher. Et puis, finalement, Fabrice a lâché le mot qui tue : «Corky root», la racine liégeuse. En déracinant un plant très atteint, on constate que certaines racines sont effectivement abîmées. Il s’agit d’une maladie cryptogamique qui peut survivre plusieurs années dans le sol. C’est pour cela que les rotations sont recommandées pour les tomates. Il faut bien admettre que chez les petits maraîchers et chez les jardiniers, ce sont des cultures qui ne changent pas beaucoup d’emplacement… Tant que ça se passe bien, on ne touche à rien. Un jardinier ne va pas se mettre à déplacer sa serre à tomates tous les ans, soyons pragmatiques ! Et puis, nous, on est contents de cet emplacement parce que ça permet de limiter les convoyages des tomates vers la bergerie, et ça, ça compte ! Dès lors, que faire ? Il y a une piste à envisager pour l’année prochaine : le greffage des plants. À condition, bien entendu, de choisir un porte-greffe résistant au Corky Root. Si certains d’entre vous pratiquent déjà, merci de nous raconter comment ça se passe et si vous en êtes contents.

Claire et Gwenegan à la récolte des aubergines

«Bon, mais à part se lamenter sur vos tomates, qu’avez-vous fait de la semaine ?» Eh bien, d’abord, on a beaucoup récolté ! Les tomates, les aubergines, les haricots, les courgettes, tout ça prend beaucoup de temps. On plante un peu de salades, de choux chinois, on sème des radis et des navets, on désherbe nos carottes… Cette semaine, on est accompagnés de deux wwoofeurs atypiques : ils sont venus de Bretagne en … tandem ! Après avoir sillonné leur région, Claire et Gwenegan ont suivi la Loire pour arriver jusqu’à nous. Quel honneur ! Dans le jardin, on sent bien qu’ils ne sont pas vraiment débutants et qu’ils ont déjà quelques heures de jardinage et de wwoofing derrière eux ! Cerise sur le gâteau, ils sont aussi naturalistes et Fabrice peut enfin se faire pleinement comprendre quand il s’extasie sur un passage de cigognes ou de guêpiers…

À la semaine prochaine !

Ces plantes qui n’existaient pas

Les altheas qu’on a plantés au printemps fleurissent.

Dans la haie de mon voisin, les altheas (Hibiscus syriacus) sont en fleurs. C’est un arbuste de la famille des Malvacées (la famille des mauves), qu’on peut mener en haie ou de façon isolée au jardin. La floraison est tardive et vient égayer la fin de l’été. Jusqu’à cette année, je n’avais jamais remarqué ces grosses fleurs violettes. Pourtant c’est vraiment magistral ! En circulant en vélo à travers mon village pour aller rejoindre les Grivauds, je me suis rendu compte que j’en croisais dans une bonne dizaine de jardins, tout au long de mon chemin. Comment se fait-il que je ne m’en sois jamais rendu compte ? Ces plantes ne viennent certainement pas d’être plantées et elles ont du fleurir les années passées. Pourtant, mes yeux ne les ont pas vues et ma mémoire les a oubliées. Comment est-ce possible ? Et pourquoi ces fleurs s’imposent-elles à moi précisément cette année ? Répondons d’abord à cette dernière question. Au printemps, un peu après le confinement, on a planté quelques arbustes devant la serre 4. Ils avaient vécu en pot dans la serre à plants pendant de nombreuses années et on les a mis en terre sur un coup de tête. Il s’avère qu’il y avait 5 altheas parmi eux. Et qu’ils mettent des fleurs en ce moment. Je passe devant tous les jours en allant récolter les concombres et je vérifie d’un coup d’œil qu’ils ne souffrent pas trop de la sécheresse. Ainsi donc, c’est une plante dont je ne connais le nom que depuis quelques mois et dont je ne connais bien la floraison que depuis quelques semaines. Tant que je ne savais pas nommer ces arbustes, je ne les voyais tout simplement pas ! Ceux qui sont passés par les Grivauds savent que je suis attentif à mon environnement naturel et que je sais déjà reconnaître de nombreuses plantes, notamment grâce à Fabrice. Néanmoins, je suis comme tout le monde : lorsque je ne connais pas une plante, je suis tenté de l’ignorer… Surtout si elle ne pousse pas aux Grivauds. Les altheas s’ajoutent cette année à mon herbier mental, ce qui me permet d’apprécier enfin cette belle floraison estivale.

Double intérêt de ne pas tondre en été : permettre aux carottes de fleurir et laisser des tiges hautes pour accueillir des insectes (ou des araignées) prédateurs.

Cette petite anecdote vaut bien une morale, vous vous en doutez… Pour apprécier les écosystèmes qui nous entourent, il faut les connaître. Et quand je dis «apprécier», je ne parle pas seulement en termes esthétiques – même si ça compte. Je parle aussi d’en comprendre le fonctionnement, la composition, les interactions qui relient chacune de leurs parties. Depuis que je suis aux Grivauds, avec l’aide de Fabrice, j’essaie de reconnaître un maximum de plantes, d’insectes et d’oiseaux. Soyons modestes : je ne sais précisément à quoi peut bien me servir une telle quantité d’informations mais, au moins, elles me permettent de voir mieux les choses. Il y a des plantes très discrètes mais qui ont des propriétés fabuleuses, comme l’odeur glaciale de la menthe Pouillot ou l’élégance rosée de la fleur de la Gesse de Nissole. Comment distinguer quoi que ce soit dans une prairie quand on désigne tout ce qui y pousse comme étant «de l’herbe» ? Quand ça n’est pas de la «mauvaise» herbe… Avec nos wwoofeurs et nos stagiaires, nous faisons beaucoup de botanique. Nous utilisons le matériau offert par la saison et on essaie de jouer à reconnaître et classer les plantes. Quelle famille ? Vivace, annuel, bisannuel ? Intérêt gustatif et/ou médicinal ? Cultivé ou spontané ? En désherbant des carottes avec Alice cette semaine, on s’amuse à citer le nom de chaque plante qu’on coupe. Alice reconnaît désormais plusieurs espèces d’amarantes et de chénopodes et distingue sans problème le Panic Pied de Coq (Echinochloa crus-galli) de la Digitaire et du blé. Que ce soit avec Cécile les semaines passées ou avec les wwoofeurs et stagiaires qui lui ont précédé, on n’a eu de cesse de décrire et expliquer le monde végétal qui nous entoure, nous nourrit, nous émerveille et (même) nous soigne. Avec le réchauffement climatique, notre écosystème est soumis à rude épreuve et on resterait à la surface des choses si on se contentait de considérations générales. Seule une connaissance fine des plantes permet de distinguer les dynamiques à l’œuvre : assèchement des sols, appauvrissement de la biodiversité, augmentation du parasitisme et des maladies qui y sont liées : bactérioses, viroses, etc. Mais aussi, et c’est très encourageant, de constater à quel point un écosystème peut s’enrichir quand on veut bien lui f**tre la paix !

Sauvetage de crépine… Rassurez-vous, j’ai pris une douche juste après ma baignade.

Le plaisir qu’on tire de ces études et de ces moments de partage nous aide à passer le cap de cette période quelque peu harassante, où les récoltes de haricots verts s’intensifient pile au moment où le mercure vient flirter avec les 40°C. On profite aussi réellement de l’effet d’ombre procuré par le blanchiment de nos serres. Certaines récoltes auraient même été impossibles sans cela (comme celles des poivrons et des tomates cerise à 11h30 passées vendredi matin). L’année dernière, on déplorait des pertes dans les tomates lors des coups de chaud : elles cuisaient sur pied. Cette année, ça n’arrive presque jamais. La semaine se termine sur deux fausses alertes. D’abord, notre belle station de pompage s’est mise à présenter des signes d’essoufflement. Rien de grave : la crépine était simplement envasée. Ensuite, le compresseur de notre chambre froide a cessé de fonctionner la nuit qui a précédé le marché. Là encore, rien d’important : il s’était mis en sécurité pendant le coup de chaud et un simple «reset» a remis les choses dans l’ordre. Avouez que c’est agaçant de voir des appareils neufs tomber en carafe au moment où en a le plus besoin…

À la semaine prochaine !