Haie alors ?

Attention évènement : Fabrice reprend la plume ! Et cette fois-ci, il nous livre une réflexion autour de l’importance écologique des haies. Avec l’exemple des Grivauds en arrière plan, il montre comment ces alignements d’arbres peuvent venir enrichir le jardin en biodiversité. Mais pas seulement…

Une haie diversifiée en espèces et étagée, composée de chênes, frêne, saule marsault, aubépines, prunelliers, églantiers et ronces.

De la perte de biodiversité, il en est question. Qui ignore encore aujourd’hui que la richesse spécifique de notre planète est mise à mal, et que nous en sommes les seuls responsables ! Même si sur bien des choses nous ne pouvons agir que collectivement pour inverser ce phénomène d’érosion et d’extinction, nous pouvons aussi agir chacun individuellement ! De nombreux éléments du paysage, nécessaires à notre faune pour vivre, sont devenus trop rares comme les mares, les prés humides, les friches, les bois et forêts mélangées, les murets,… Dans cet article il sera question d’un des éléments essentiels de nos paysages de campagne, présent aussi bien en zones humides que sèches, du nord au sud, d’est en ouest, de la plaine à la montagne, il s’agit de la haie !

« Une haie est une structure végétale linéaire associant arbres, arbustes et arbrisseaux (fruticée), sous-arbrisseaux et autres plantes indigènes qui poussent librement », telle en est la définition (source : Wikipédia)

Si le linéaire arboré français était encore bien dense et diversifié jusque dans les années cinquante, les différents choix opérés par la politique agricole ont abouti à la destruction de plus de 70 % de cette richesse en un siècle ! Et même si nous avons l’impression que le paysage bocager est encore bien présent, on peut admettre que ses fonctions premières ne sont plus, sa quasi seule vocation est d’ordre physique, elle marque la limite et le contour des parcelles agricoles et résidentielles !

Et pourtant la haie est un élément protecteur contre le vent, un élément qui induit des micro-variations climatiques au sein d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles, la haie permet le déplacement des espèces d’un point à un autre (c’est le fameux corridor écologique), elle permet d’accueillir une faune très diversifiée qui trouve abri en son sein pour se protéger, se reproduire et se nourrir quelle que soit la saison. Et c’est vrai pour toute la faune, des plus grands animaux aux plus petits ! La flore qui se développe dans et aux abords d’une haie est très riche en espèces.

Et nous dans tout ça, comment on gère dans notre Écojardin ?

Eh bien on laisse s’élargir et grandir nos haies, les quelques 700m de linéaires qui entourent nos parcelles de production se sont grandement épanouis, diversifiés en espèces végétales et animales pour notre plus grand bonheur. Larges d’au moins 4 mètres et hautes de 3 à 5 mètres, composées de chênes, frênes et saules marsault, d’aubépines, prunelliers, fusain d’Europe, troènes, néfliers, cornouillers, noisetiers, sureaux, mais aussi d’églantiers, ronces, chèvrefeuilles, lierres et autres plantes herbacées (stellaire holostée, germandrée scorodoine, gaillet mollugine,…), elles ont profité d’un certain laisser aller pour devenir de merveilleux refuges pour notre faune auxiliaire. Quelques coups de sécateurs sont tout de même nécessaires pour les contenir !

Vous avez dit faune auxiliaire, mais quelle est-elle ?

Nombreuses baies d’aubépine, dont raffolent les merles et les grives notamment. Ce matin, j’ai dénombré plus de 15 merles sur 100m de haie !

Nous pouvons être fiers d’accueillir une très nombreuse diversité d’oiseaux (au moins 15 espèces nicheuses dont 5 de fauvettes), de mammifères (hérissons, musaraignes), de reptiles (lézard vert) et d’amphibiens (grenouille agile, rainette arboricole) et de nombreux insectes. Dans nos haies on peut voir nicher à peu près tous les oiseaux qu’il serait possible d’accueillir à part ceux ayant besoin de cavités (mésanges, rougequeues, rouge-gorges par exemple), on peut aussi croiser de nombreux oiseaux l’hiver qui viennent se délecter de toutes les baies présentes, au printemps la floraison est intense et tous les insectes pollinisateurs sont présents, les abeilles domestiques certes, mais aussi les abeilles sauvages, les papillons,… Cette biodiversité est une force dont nous nous servons pour produire sans utiliser tout ce que la chimie a à nous offrir !

La haie abrite aussi bien la faune auxiliaire que celle qualifiée de « nuisible » ! Je n’aime pas ce mot, dans la nature tout le monde a un rôle (à part peut-être l’…… mais je m’égare !), ce qui veut dire qu’un être vivant quel qu’il soit assure une mission d’utilité écologique ! Les mauvaises herbes dans le jardin ne sont pas là pour embêter le jardinier, leur rôle en tant que plantes pionnières est de restructurer le sol, de lui redonner une certaine cohérence pour l’aider à résister aux différentes agressions humaines et climatiques.

Et c’est quoi la différence entre vos haies et celles de vos voisins ?

Un exemple de « clôture arbustive » sans aucune fonction écologique !

Il faut savoir que quasiment aucune espèce d’oiseaux ne peut nicher dans une haie monospécifique de prunelliers taillés 2 fois par an, d’un mètre de large sur un mètre de haut ! Je crois bien que le seul qui peut s’en accommoder est le tarier pâtre ! La floraison de printemps est quasi inexistante donc aucun fruit ne sera produit et disponible aux oiseaux l’hiver pour se nourrir et passer la mauvaise saison ! Ces linéaires que je nomme à juste titre « clôtures arbustives » ne permettent pas aux espèces d’y trouver refuge en cas d’intempéries, les déplacements entre deux espaces boisés éloignés ne sont pas possibles en toute quiétude ! Et autre chose dont je suis persuadé, il n’y a pas plus de vent aujourd’hui qu’avant, il y a beaucoup moins de haies qui en freinent la force !

Nous pensons, nous paysans naturalistes, que si chacun réserve un petit coin de vraie nature dans son jardin, dans sa parcelle, sur son balcon, que la biodiversité ordinaire peut renaître ! Laissez un petit coin de pelouse non tondu à partir du printemps, un petit tas de branches dans un coin du jardin, un petit tas de pierres, une taille de haie plus raisonnée (et raisonnable!), choisir des espèces d’arbres et arbustes plus adaptés et attrayants pour notre faune ! Et pour finir, installez des nichoirs pour les oiseaux cavernicoles mais aussi les chauve-souris !

C’est d’ailleurs ce que nous allons débuter cet hiver ! Au programme nous avons une petite quinzaine de nichoirs à installer tout autour des cultures dans les plus hauts arbres des haies, nous avons choisi d’accueillir la devenue rare Huppe fasciée, le grimpereau des jardins, les mésanges bleues et charbonnières, les rougequeues noirs et à front blanc. Et pour parfaire l’ensemble, 5 haies fruitières diversifiées vont être implantées au milieu des cultures à partir de cet hiver ; l’idée étant de produire des fruits de consommation et des baies pour les oiseaux, d’accueillir plus d’auxiliaires, de permettre le déplacement de la faune à travers le jardin et, actualité oblige, nous permettre de tamponner les effets des changements climatiques sur notre production !

Et pendant ce temps au jardin ?

Une semaine plutôt calme et encore douce, un semis de mâche, le dernier pour cet hiver ! Un arrosage sous serre avant la période beaucoup plus fraîche annoncée Une petite vente la veille de noël et la fin du chantier de bâchage de la future zone de courge ! Denis en congés pour un repos bien mérité et la semaine prochaine c’est mon tour !

A la semaine prochaine !

Fabrice

Le stade rosette

Lever de soleil sur notre petite mare

Voici venue la saison des longues nuits. La saison où, dans la torpeur des petit matins laiteux se trame le repos végétatif. Épuisée de tant de passions printanières et estivales, la Nature s’autorise enfin une pause. Le jardinier s’étonne tout d’un coup de voir l’écosystème qui l’entoure s’immobiliser progressivement, lui qui s’était habitué à compter de nouvelles fleurs chaque jour. Après la dernière tonte d’automne, aucune plante ne se risque plus à se lancer à l’assaut des hauteurs. À part quelques interventions insolentes du rouge-gorge ou de la mésange charbonnière, la faune vient étourdir la flore d’un assourdissant silence. Le naturaliste attentif, néanmoins, sait que cette immobilité n’est que de façade. C’est que l’action qui se joue sur ces planches a quitté la temporalité humaine pour s’installer dans la clandestinité ouatée des imperceptibilités. Et c’est au ras du sol que se dessine la nouvelle saison à venir, que se récite la promesse du retour des fleurs. L’Homme, dans sa grande brutalité, dans sa grande bêtise, piétine l’incipit du puissant poème qui se réécrit chaque année, ne pouvant comprendre ce qui se joue à un niveau si bas. Or que voit-on à travers la prairie, à travers la pelouse, sur le bord des chemins, des routes et des bois ? On voit de petits cercles de feuilles, toutes issues d’un même point central : les rosettes. Point de tige, point de fleur, juste des feuilles.

Rosette de laitue vireuse (Lactuca virosa) au milieu des mâches (qui, elles aussi, sont au stade rosette)

On a tellement pris l’habitude de s’appuyer sur les tiges et les fleurs pour percevoir et identifier les plantes, qu’on a énormément de mal à apprécier ce qui se joue à ce stade végétal précoce. D’ailleurs, je dis précoce, mais certaines plantes, comme les pissenlits, ne quittent jamais le stade rosette et émettent leurs fleurs directement au centre de ce rond de feuilles, sans faire l’effort d’aller les accrocher à une tige. La rosette change radicalement de forme si elle est composée de feuilles avec pétiole (c’est cette petite «tige» qui relie le limbe d’une feuille à la tige ou à la rosette) ou de feuilles sessiles (sans pétiole). Les géraniums font partie de la première famille, les pissenlits de la deuxième. Les rosettes avec pétioles ont un aspect souvent plus érigé, plus hirsute. Certaines plantes (comme les vesces ou les pois) ne passent jamais par ce stade. Les astéracées et les brassicacées de leur côté n’envisageraient pas d’émettre leur tige sans cette forte assise foliaire. Et c’est d’ailleurs souvent à ce stade que ces plantes sont comestibles. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : toutes les rosettes ne sont pas comestibles. Prenez le temps de bien connaître et identifier la plante avant de la consommer, ça va sans dire… En réalité, les jardiniers connaissent bien les rosettes, même parfois sans le savoir. Car figurez-vous que les légumes dits «feuilles» ne se consomment qu’à ce stade : les laitues, les blettes, le persil, les épinards, les mâches, les poireaux, les choux, etc.

(Pour agrandir les photos de la galerie ci-dessous, il faut cliquer plutôt vers le haut de la vignette. Normalement le curseur de votre souris doit se transformer en loupe.)

La laitue se récolte au stade rosette.

«Tu ne récolteras pas ta salade montée» est l’un des commandements sacrés du maraîcher. On dit qu’un légume «monte» justement lorsqu’il quitte le stade rosette et que la tige apparaît. À ce moment, différents mécanismes biologiques conduisent à la dépréciation gustative et nutritive des feuilles : production de fibres, mobilisation des minéraux, des vitamines et des sucres dans la construction de la tige et dans la floraison, apparition d’une certaine amertume, etc. Rien qu’à la forme des feuilles, les connaisseurs savent si les épinards qu’on leur présente sont issus de plants «montés» ou non. Nous, ce qui nous amuse en ce moment, c’est de repérer les rosettes de plantes adventives qui s’installent au milieu des mâches et des épinards (qui se récoltent donc au stade rosette si vous avez bien suivi). Certaines sont d’excellents comestibles, comme la Cardamine hérissée (Cardamine hirsuta) qui a l’odeur et le goût d’un cresson piquant. Dans quelques semaines, ces plantes, stimulées par la montée en température des serres, seront les premières à fleurir dans notre jardin (souvenez-vous, j’y avais consacré un article l’année dernière).

Histoire de renforcer un peu plus cette impression de quiétude dans notre jardin, notez que Fabrice sera seul à travailler la semaine prochaine et que ce sera l’inverse la semaine suivante. Il n’y aura a priori pas d’article de la semaine pendant les semaines à venir et on se retrouve donc en janvier pour de nouvelles aventures !

Qrop : l’outil qui change tout

Ça, c’est vraiment typique de la pusillanimité de l’auteur de ce blog. Comme il est incapable d’assumer le fait qu’il s’apprête à écrire un article chiant comme la pluie sur un obscur logiciel de planification agricole, il détourne l’attention avec des photos de la stagiaire du moment qui contemple une physalis sur fond de buttes fraîchement paillées. Et vous allez voir qu’il va même trouver le moyen de vous écrire un premier paragraphe complètement sur-vendu où il va essayer de noyer le poisson dans un style fin-de-siècle prétentieux. Tant de prévisibilité, c’est tout simplement navrant.

Ami, prête l’oreille. Ne sens-tu pas quelque subtile modification de la trame du temps et de l’espace ? Quelque chose s’est produit. Une déflagration lente qui déferle par vagues dans nos petites existences maraîchères. La nouvelle se propage, d’abord doucement, comme un son qui aurait été émis par une corde trop ténue. Et soudain, tout le monde sait. Vendredi soir, alors que mon cœur bat d’un nouveau courage et que l’hiver prend subitement une dimension prospective, je reçois un message de David, notre ami-ex-stagiaire-collègue-maraîcher-du-Morvan : «est-ce que vous aussi vous savez ?». Et la réponse est oui. Car Jean, un autre ami-ex-stagiaire-futur-collègue-maraîcher, nous avait éventé la prophétie au printemps, à un moment où nous n’étions pas encore prêts à mesurer l’ampleur de la révélation. Avec Maxime, un ami-ex-saisonnier-futur-collègue-maraîcher, nous avions alors caressé délicatement l’ampleur des possibles que nous offrait ce nouvel agencement de l’univers et nos mains encore malhabiles avaient tremblé d’excitation. Ami, l’heure des hésitations n’est plus ; redresse la tête et, les pieds solidement posés sur ton sol (qu’on espère paillé, hein), laisse ton regard vagabonder sur tes planches de culture sénescentes et vois comme le futur s’y inscrit déjà, ourlant chaque contour végétal d’un fin liseré mordoré. Et ce futur porte un nom gourmand, semblant croquer la vie à pleines dents : Qrop.

Qrop 0.4.5. Et allez, une capture d’écran parfaitement incompréhensible mais avec des jolies couleurs. Si ça n’était pas pathétique, on pourrait presque s’émouvoir de voir l’auteur se débattre comme un forcené pour rendre son article un minimum digeste. Il ne manque plus qu’une allusion à Mi-Roux et on aura eu droit à toutes les vieilles recettes usées jusqu’à la corde du blog des Grivauds…

C’est au sein de l’Atelier Paysan, sous la main inspirée d’un certain André Hoarau, qu’est né Qrop. Qrop, l’outil qui change tout, le logiciel qui nous manquait et qui ringardise nos schémas sur feuilles volantes, nos feuilles de calcul sur tableur ou toute autre tentative de dessiner son jardin dans le temps et dans l’espace. Faisons factuel (pour changer) et voyons ce que l’outil permet. Premièrement, on y saisit toutes les séries de légumes à mettre en place au cours de l’année. Pour chaque série, on renseigne des données temporelles (dates de semis, de plantation, de récolte) et des données spatiales (quelle surface, quelle densité). À partir de ces séries, le logiciel est capable de lister la quantité de semences nécessaires pour chaque légume. Je vous laisse imaginer le temps qu’on va gagner lors de nos commandes de graines… Ensuite, il permet de dessiner un parcellaire simplifié et d’y placer les séries de légumes sus-mentionnées. Si tout est bien renseigné, alors on peut rapidement anticiper de quelle manière les cultures peuvent se succéder sur une même planche, ce qui est intéressant notamment lorsqu’on doit planifier des implantations d’épinards derrière des cultures d’été (genre tomates). Enfin, il offre la possibilité de faire un suivi des récoltes et de calculer des rendements. Bon, nous, on n’en est pas là… Pour la première année d’utilisation, le travail est fastidieux : il faut tout renseigner. Mais ensuite, pour les années suivantes, il suffira de faire des copier-coller des séries de légumes et d’ajuster en fonction des retours du terrain. C’est presque trop beau pour être vrai. Et comme si ça ne suffisait pas, figurez-vous que Qrop est un logiciel libre, ce qui n’est pas pour déplaire au hacker qui sommeille en moi. Incidemment, ça signifie que son utilisation est gratuite – vous pouvez d’ors et déjà le télécharger sur la page idoine. Qu’on vous prévienne tout de même : Qrop est en cours de développement et il reste encore quelques menus problèmes à résoudre. À noter, il existe un chat d’entraide assez réactif, où on peut même discuter avec le concepteur du logiciel.

Il pleut. Ou il bruine. En tout cas, il fait un temps à ne pas mettre un Mi-Roux dehors. Alors, aux Grivauds, ça pantoufle dur. Fabrice dépouille méthodiquement les relevés de compte et notre cahier de caisse. Il ne sera pas dit que ses formations auprès de l’Afocg Allier auront été vaines : notre bilan comptable pourrait être prêt encore plus tôt qu’à l’époque où nous le faisions faire par le CerFrance. Et dans le bureau, c’est là que s’ourdit notre terrible plan pour conquérir le monde, ou du moins pour planifier nos cultures 2021. Céline, une stagiaire-future-collègue-maraîchère-mais-plutôt-dans-le-Beaujolais, déjà présentée sur ce blog, est solidement installée devant Qrop. Derrière elle, fiévreux de faire accoucher l’année qui vient, votre serviteur épluche frénétiquement son journal de bord : «alors, l’année dernière, on a semé les choux chinois en février mais ils n’avaient rien donné. On va les placer en mars, d’accord ?». Au final, toutes les séries de légumes à semer entre janvier et fin-mars sont saisies. Et la semaine peut se terminer sur notre première commande de graines pour 2021. Ne vous placez pas sur notre chemin, nous sommes inarrêtables désormais !

À la semaine prochaine !

Urgence ?

Charly, son bonnet rose et sa grande résistance au froid

Charly est de retour. Il était déjà venu il y a quelques semaines aux Grivauds. À l’époque, il faisait encore suffisamment chaud pour travailler régulièrement en tee-shirt dans nos serres. La douceur automnale jouait les prolongations et une joie débridée remplissait les cœurs et les esprits, comme si un nouvel été était encore possible. En même temps que Charly, nous accueillions alors deux drôles d’oiseaux : Charlène et Yolande. Charlène avait beaucoup dessiné dans notre jardin et je lui avais laissé le soin de rédiger l’article de la semaine. Charly n’avait donc pas eu le droit à la traditionnelle présentation que je fais de nos petites mains à leur arrivée au jardin. Pauvre Charly, déjà qu’on t’avait noyé sans ménagement dans nos interminables discussions philosophiques, voilà qu’on t’évince en plus de notre blog. Bon, cela dit, je savais que tu reviendrais et que je pourrais donc me rattraper plus tard. Considère cet article comme la juste dédicace que tu mérites.

Oui Charly, il va falloir faire entrer toutes ces caisses dans le camion

Charly, c’est un stagiaire en BPREA qui nous vient du CFPPA de Neuvy, celui dont étaient issus Clément et Lili l’année dernière. Recevoir des stagiaires, on sait faire ici. Du moins, on a suffisamment l’habitude pour réussir à anticiper certaines de leurs attentes, pour essayer de leur offrir un cadre d’apprentissage serein et productif. En général, on s’appuie sur le projet du stagiaire pour personnaliser les tâches et les conversations. Avec Charly, on a été dès le début obligés de sortir de nos petites routines d’enseignement. Charly ne cherche a priori pas à créer une ferme pour vendre des légumes. Non, lui, ce qui le motive, c’est d’apprendre le plus vite possible à jardiner pour se préparer à l’effondrement à venir. Faisant sienne une hypothèse collapsologique de courte échéance, il se dirige à grands pas vers une nouvelle manière d’appréhender son alimentation et celle de la communauté dans laquelle il vit : selon lui, il va falloir rapidement devenir autonome. Après un an de volontariat dans une autre ferme maraîchère de l’Allier, Charly décide de passer le pas et se lance dans une formation agricole avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir. Soyons justes, cette envie d’autonomie, elle anime tous les écologistes un tant soit peu décroissants. Retrouver la simplicité d’un semis de petits pois, d’un pain dans le four, d’un vêtement confectionné soi-même. Se débarrasser progressivement des artefacts de la techno-structure qui nous entoure pour redonner sens à nos existences déconnectées. Poser sur la nature un regard nouveau, émerveillé, humble, reconnaissant. Vous qui nous lisez, sans doute avez-vous déjà effectué une partie de ce chemin. Charly et ses amis y ajoutent simplement une urgence et une radicalité que je ne veux pas partager. Lâcheté ? Peut-être. Ou peut-être simplement que je refuse de travailler avec ce stress au dessus de ma tête. Deuxième point de surprise : Charly casse les codes que notre société nous a fait si bien intégrer. Il est par exemple capable de formuler une question de jardinage de telle sorte qu’elle sonne comme un énoncé de philosophie. Il exprime ses sentiments sans filtre aucun, et notamment sa joie d’être là, qu’il brandit comme l’étendard d’un monde nouveau. Et quand il est bien entouré, on peut même l’entendre chanter des chants indiens à plein poumons…

Bruant zizi

Le froid s’installe et il n’est pas de matins où l’onglée ne vienne mettre à mal notre détermination à mener à bien nos tâches du jour. Pourtant le travail avance. Les futures planches de courges sont intégralement paillées, les fraisiers continuent à être désherbés et on récolte une impressionnante quantité de légumes pour nos deux Amaps et pour le marché de Vichy. De son côté, Fabrice, mettant à profit ses formations de l’Afogc, poursuit son travail de comptabilité et ne désespère pas de pouvoir annoncer un jour fièrement être à jour de ses saisies. Pendant ce temps-là, les feuilles n’en finissent pas de tomber et je peux de nouveau photographier les oiseaux du jardin à travers les branchages. La semaine se termine donc héroïquement avec quelques clichés de Bruant Zizi, de linottes et de mésange bleue.

À la semaine prochaine !