Gris, gris… et encore gris !

Le temps passe vite, très vite même ! Janvier est passé, février est déjà entamé et les activités au jardin commencent à bien occuper mes journées. Ce premier mois en solo a été l’occasion de reprendre mes marques sur les différentes activités dont je ne m’occupais plus vraiment depuis deux/trois ans, la préparation des paniers pour l’amap, l’implantation des jeunes légumes semés en mottes et l’encadrement des wwoofers. D’autres activités qu’on faisait à deux, avec l’aide de nos petites mains, qu’il a bien fallu reprendre seul en anticipant d’avantage, pour ne pas se retrouver pris de court pour la vente à la ferme du vendredi et ne pas charger le camion à la frontale pour le marché du samedi ! Et sur le marché, Denis s’occupait d’une bonne partie de la présentation des légumes sur l’étal pendant que j’effectuais les aller-retours du camion à la mezzanine avec le chariot chargé de nos bons légumes. Je dois avouer que tout faire, avec 2 jambes, deux bras et un cerveau, demande beaucoup plus de temps, et surtout un sens de l’organisation et de l’anticipation bien plus développé ! Mais bon, avec l’expérience et quelques adaptations, notamment pour la vente, je m’en sors bien. Je réussis même à me mettre à l’écriture !!!

Et puis, les petites mains ont repris le chemin des Grivauds, le planning est déjà bien chargé jusqu’à fin avril. Durant les deux dernières semaines j’ai partagé de très bons moments avec Audrey, cheffe de salle en restauration depuis une vingtaine d’année. Originaire de l’Aveyron, près de Villefranche-de-Rouergue, la quarantaine, un accent bien marqué, dynamique et souriante, elle est arrivée au moment le plus gris et le plus froid de l’hiver.

Audrey, emmitouflée, sème les petits pois, avec le sourire s’il vous plaît !

Hyper volontaire et rigoureuse, elle a participé aux différentes activités du moment, quelques petits désherbages et récoltes, en compagnie de Claire (qu’on ne présente plus !) de passage à Pierrefitte, des préparations de paniers pour l’amap de Bourbon-Lancy et des semis, en mottes, de navets et petits pois (23 caisses dans la journées, rien que ça !!!). Très active aussi à la maison, elle a beaucoup apprécié d’être entourée par la gent féline et notamment Tartine, le petit gabarit gris, bien partie pour devenir la nouvelle mascotte des Grivauds, dans la lignée de Ramsmouth, son aïeule, dont les plus anciens lecteurs du blog se souviennent !

Et le jardin me direz-vous ? Il est au repos, ce ciel gris omniprésent depuis près d’un mois, ne donne pas envie aux légumes verts de parfaire leur feuillage. Il ne donne pas bien envie non plus au maraîcher de s’activer à la préparation des planches de cultures. Et pourtant il y a bien à faire ; le tempétueux Gérard a balayé de ses rafales les toiles tissées occultant le sol, les projetant contre la clôture séparant le jardin de la pâture des ânes. Cet épisode venteux terminé, nous aura permis, à Audrey et moi, de remettre de l’ordre dans tout ça. Espérons qu’aucun autre coup de vent ne viendra me faire perdre du temps avant la mise en culture ! J’ai tout de même réussi à semer mes premiers radis, le sorgho semé en juillet vient tout juste d’être broyé, le trèfle bien caché sous couvert va enfin pouvoir jouer son rôle d’engrais vert.

Le sorgho broyé à 10cm au dessus du niveau du sol pour épargner le trèfle incarnat

L’idée de cet essai était de produire de la paille pour l’apport de carbone, nécessaire pour nourrir le sol et ses habitants, et en même temps de produire un couvert qui, une fois broyé, apportera l’azote nécessaire à l’implantation des cultures gourmandes, comme les courges et les choux. À ce jour l’expérience est prometteuse. Et du coup, ce sorgho, en produisant une multitude de graines, a permis à de nombreux oiseaux de s’alimenter pendant tout l’hiver. C’est très satisfaisant de pouvoir nourrir le sol, qui nourrit les légumes, qui nourrissent les gens, et nourrir les oiseaux, qui se nourrissent des insectes, qui se nourrissent des légumes !

Les semaines à venir vont être importantes pour la réussite de la saison, les premiers semis de tomates et aubergines sont fait, ainsi que les porte-greffes qui viendront les supporter. Les serres vont commencer à se remplir, de choux, navets, carottes, salades, radis, pois, etc. Le vrai démarrage se prépare, tant pour le jardin que pour la nature.

A bientôt pour la suite de l’aventure grivaldienne !

Notre ÉcoJardin, un îlot de biodiversité, une terre d’accueil pour la vie !

Cette semaine, c’est Fabrice qui prend la plume pour nous présenter un pan important de la biodiversité des Grivauds : sa faune exubérante ! En quoi est-elle un atout pour notre activité maraîchère ? Quelles stratégies a-t-il mis en œuvre aux cours des années pour la développer ?

Des haies imposantes, des bandes fleuries (ici, on distingue les chicorées et les millepertuis), un peu de laisser-aller et la biodiversité prend son envol.

Quand je décide de m’installer pour faire du maraîchage biologique, deux choses me tiennent à cœur, produire de bons légumes et produire de la biodiversité. Je débarque sur un site déjà exceptionnel par la richesse de ses arbres et arbustes, par sa prairie naturelle et je comprends très vite qu’avec un peu de « laisser-aller », quelques aménagements et de la patience je réussirai à en faire un jardin très accueillant et un havre de paix pour la faune. D’autant plus que je possède de très bonnes connaissances naturalistes que je cultive depuis plus de 20 ans.

Notre mare, à deux pas du champ et des serres

Après 8 années de labeur, des haies devenues imposantes qui fleurissent et produisent des baies, une mare creusée et végétalisée naturellement, des zones de friche, des zones fleuries, des tas de pierres, de branches, des arbres épars et bientôt des haies fruitières, un sol non travaillé couvert en permanence et voilà un agro-écosystème complexe à souhait qui accueille une faune très diversifiée et très utile !

Une trentaine d’espèces d’oiseaux, sur moins de 10ha, nichent ici dont la rare fauvette babillarde qui est inféodée aux haies de vieux prunelliers et aubépines. Notre jardin accueille des espèces communes mais aussi la tourterelle des bois, le rossignol philomèle, l’hypolaïs polyglotte. Nous pouvons nous vanter d’accueillir 5 espèces de fauvettes nicheuses. Ces oiseaux trouvent un endroit très favorable pour se reproduire et se nourrir. Ils ont tous un rôle privilégié, ils limitent le nombre de chenilles, de mouches et d’autres insectes, c’est aussi le cas des mésanges, des merles, des rougequeues noirs par exemple.

Bruant des roseaux

L’hiver, même si bon nombre d’entre eux nous quittent pour des zones plus chaudes, nous accueillons des oiseaux venus du nord comme le bruant des roseaux et le pipit farlouse qui raffolent des graines des herbes sèches laissées en place. Par leur action ils permettent de limiter le nombre de graines au printemps, et pour le maraîcher c’est autant de plantes qu’il n’aura pas à désherber !

L’inventaire en cours me permet d’avancer le chiffre de 101 espèces d’oiseaux fréquentant plus ou moins régulièrement le site. La mare est bien entendu le lieu le plus fréquenté avec des visiteurs prestigieux comme le martin-pêcheur, le Bihoreau gris, l’aigrette garzette, la bécassine des marais et le chevalier cul-blanc mais aussi des espèces rares comme la Rémiz penduline, le chevalier gambette et le chevalier sylvain qui y trouvent un site favorable pour une halte migratoire. L’hiver avec les baies dans les arbustes, les pommes non récoltées on peut apercevoir les 4 espèces de grives présentes en France, la musicienne, la draine, la litorne et la plus rare mauvis. L’hiver encore, les haies sont parcourues par les mésanges bleues, charbonnières, nonettes et les longues queues, le roitelet huppé et le grimpereau des jardins. De belles surprises certaines années avec le tarin des aulnes, le sizerin flammé, le bouvreuil pivoine, le gros-bec casse-noyau et le pinson du nord. Toutes ces espèces sont de plus en plus rares quelque soit le moment de l’année parce qu’elles ne trouvent plus les conditions favorables à leur survie ! La raréfaction des haies, des friches et globalement de toutes les zones naturelles c’est moins de nourriture disponible et d’abris, tant pour nicher que pour passer l’hiver.

Cliquez sur les images de la galerie ci-dessous pour les agrandir et lire les légendes :

Campagnol des champs, un rongeur très présent dans nos sous-sols

Les mammifères, bien que moins nombreux, ne sont pas en reste avec une bonne quinzaine d’espèces dont certaines comme la fouine, la belette et le renard, accusées à tort de tous les maux, sont de véritables alliés car ils se nourrissent de rongeurs comme les campagnols et les mulots et permettent d’en limiter la population à un niveau acceptable pour le maraîcher. Plusieurs espèces de chauve-souris fréquentent le jardin comme la pipistrelle commune, les moustiques n’ont qu’à bien se tenir !

Parmi les amphibiens, sur les 8 espèces rencontrées on peut noter la présence du crapaud calamite, du triton crêté et de la magnifique rainette verte arboricole qui se nourrissent de limaces et d’insectes. Les reptiles, dont la couleuvre à collier, régulent les amphibiens. Tout le monde a un rôle bien défini dans la nature ! Point de cruauté, juste la vie !!

Les centaines d’espèces d’insectes, d’arachnides qui nous entourent ont aussi un rôle. Des nuisibles me direz-vous ? Certainement pas ! Cette foultitude de petits êtres, des libellules aux papillons (diurnes et nocturnes), des sauterelles aux grillons, des mantes aux guêpes, des abeilles aux bourdons, des coccinelles aux araignées tout le monde est utile quand on cherche à recréer un équilibre. Les vers luisants et les carabes, insectes très discrets, sont de redoutables prédateurs des escargots et limaces. Mais tout ceci ne fonctionne qu’à une seule condition, ton sol tu ne travailleras point !

À l’ÉcoJardin des Grivauds, le travail du sol est délégué aux vers de terre !

Et dans ce sol non travaillé, des milliers d’êtres vivants dont nos plus fidèles compagnons, les vers de terre à qui on doit la fertilité ! Je n’ai pris conscience de cette biodiversité cachée que très récemment, et pourtant c’est sûrement la plus active et la plus importante pour le maraîcher !

Notre rôle dans tout çà est clair, il faut observer, comprendre et s’adapter à ce système complexe qui fonctionne parfaitement, et surtout accepter de ne pas être le maître de ce monde !

Fabrice Landré