Nous paysans, oubliés de la Macronie

Ça y est, notre président Macron a lâché du lest aux gilets jaunes. Il paraît que ça se chiffre à une dizaine de milliards pour l’État, ce qui serait un geste conséquent. En découvrant la liste des mesures prises pour redonner du pouvoir d’achat aux classes laborieuses, on constatera, une fois de plus, que nous, les paysans, avons à nouveau été complètement oubliés. En cherchant un peu sur le web, on tombe sur une étude menée en 2017par la MSA dont les résultats étaient édifiants : «En2016, près de 20% des exploitants ne pouvaient pas se verser de salaires alors que 30% d’entre eux touchaient moins de 350 euros par mois.» En ce qui nous concerne, c’est seulement de justesse qu’on est passés à cette deuxième catégorie cette année. Nous payons nos charges mais notre salaire est principalement composé des légumes que nous ramenons chez nous. Et pour ce qui est du temps de travail, nous battons des records : un agriculteur travaillerait en moyenne 53h par semaine (selon la même étude). Nous, en maraîchage diversifié, on dépasse largement cette moyenne.

Cette semaine, Sandrine vient apporter sa touche personnelle à notre stand sur le marché de Vichy : un délicieux gâteau à la courge !

« Mais alors, nous direz-vous, que faites-vous encore dans vos champs ? » Eh bien, il y a trois explications à ça. D’abord, nous pratiquons un travail qui nous épanouit, physiquement et psychologiquement. Nous aimons vaquer dans notre jardin, voir nos légumes pousser, voir la nature environnante changer de palette de couleurs à chaque saison, voir évoluer autour de nous insectes, oiseaux, chats et ânes. Ensuite, notre travail est reconnu socialement : nos clients sont satisfaits de nos légumes et nous le disent. Ça aide beaucoup, surtout lorsqu’on sort d’une semaine glaciale comme celle qui vient de se terminer. On a encore pu le constater ce samedi sur le marché de Vichy : nos légumes s’arrachent littéralement ! À 10h nos caisses sont presque vides et on ré-étale nos courges pour donner l’impression d’un stand encore un peu fourni…

«La transition écologique, c’est nous !»

Oui, même pour tailler nos haies on travaille à la main !

Mais le plus important pour nous, c’est que notre travail est en adéquation permanente avec nos valeurs écologistes. Par notre choix d’un travail essentiellement manuel, par notre pratique MSV (Maraîchage sur Sol Vivant), par notre choix de vendre en circuits courts, nous stockons plus de carbone que nous n’en émettons. Si demain le cours du pétrole devait s’envoler, nous pourrions encore travailler et produire de la nourriture. Quel autre secteur d’activité pourrait en dire autant ? Nos sols, constamment couverts, ne s’érodent pas, ne se lessivent plus et se chargent en humus et en vie souterraine. Nos longues haies un peu hirsutes, nos prairies peu entretenues, notre petit étang, tout ça permet à une biodiversité impressionnante de s’installer chez nous. Pour faire un peu pompeux, notre activité a des externalités positives : elle contribue à l’amélioration de l’écosystème qui l’accueille, et ce faisant a des répercussions positives sur la santé de ceux qui la fréquentent ou l’entourent. Dans un pays avec un taux de chômage élevé, qui se targue de vouloir promouvoir une certaine «transition écologique», il faudra bien qu’on se décide rapidement à créer tous ces emplois qui allégeraient la charge de travail des paysans et leur permettraient de satisfaire la demande croissante en produits bio et locaux.

Télescopage malheureux de l’actualité, c’est aussi cette semaine que nous avons reçu un courrier de la DDT nous informant que nous pourrions avoir à rembourser une partie de la DJA (Dotation Jeunes Agriculteurs) que Fabrice avait reçue au moment de son installation. Motif : Fabrice n’a pas réussi à se dégager un SMIC au bout de 5 ans d’exercice… Cette condition ubuesque, complètement inadaptée aux petites exploitations maraîchères, fait peser sur nous une lourde menace économique. Nous nous défendrons, évidemment, car notre cause est juste. Mais que d’énergie et de temps perdus !

Que notre lecteur nous excuse de la tonalité un peu amère de cet article, mais il y a des colères qui doivent s’exprimer. Et notre activité nous laisse peu de temps pour du militantisme… Alors il nous restait la plume. On retournera dans nos champs un peu plus légers, préparer les dernières distributions d’Amap avant la coupure des fêtes.

À la semaine prochaine !

Cliquez sur les photos ci-dessous pour les agrandir et lire les légendes.

5 réponses sur “Nous paysans, oubliés de la Macronie”

  1. C’est vraie qu’elle est belle Quenelle ! Et puis, les poireaux pour le marché, ils sont aussi beaux qu’ils sont bons ; c’est bien simple, on a tout vendu sur le marché !!

  2. Alors, le gâteau a bien été apprécié des clients et des passants qui passaient sans acheter et ça leur a donné des idées. Normalement, la prochaine fois, ils achètent toutes les courges ! 😉😉😉

  3. Je suis resté admiratif de votre travail, un jour peut être on se rendra compte que l’argent ne se mange pas, mais ce jour là Sigismonde aura des dents !
    J’ai tellement envi de revenir vous voir, promis dès que j’en ai l’occasion je descend ! Un gros bisous à tout le monde

    1. Salut Vivien ! Merci pour ce message sympathique ! Et toi ? Raconte-nous ce que tu deviens ? Est-ce que tu t’es installé à Clermont finalement ?
      Amicalement,
      Denis

      1. Je ne me suis malheureusement pas installé suite à un aléa, malgré que j’avais trouvé un appartement, mais je garde le projet sous le coude !
        J’aï trouvé un job en Alsace en attendant

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