Ça fait un certain temps qu’on réfléchit avec Fabrice à ajouter un volet «formation ésotérique» à notre activité. Les légumes, en soi, c’est quand même vachement terre-à-terre (surtout les carottes). Admettez : même si vous regardez une pomme de terre droit dans les yeux pendant de longues heures, ça n’est pas comme ça que vous apprendrez quoi que ce soit des secrets de l’univers. Et puis, le maraîchage, c’est pas super rentable. Fabrice rêvait d’un petit coupé-cabriolet un peu nerveux et moi je me verrai bien m’offrir une montre hors de prix ostentatoire (pour pouvoir râler quand Cécile n’est pas à l’heure dans le champ après la pause méridienne). Bref, on s’oriente vers de la formation alternative à prix modique (on pensait commencer par demander 500€ par personne et par jour et augmenter si ça prend bien). En plus, on a un atout de choc pour attirer de nouveaux publics : Fabrice a plus ou moins des faux airs de Pierre Rabhi (en plus jeune). Toutes les chances sont donc de notre côté. Reste à définir l’orientation générale. Biodynamie, électroculture, soin des plantes par la musique, tout ça, c’est déjà pris. Nous, on veut frapper très fort : on va faire de l’alchimie ! Et comme on est sympas, on vous offre gratuitement notre première leçon : comment transformer des tomates en épinards ?
Tout commence à partir d’une plantation de tomates un peu fatiguée par de longs mois d’été torrides. Important : la plantation doit avoir été convenablement paillée au printemps. D’abord, on récupère les fruits qui pourraient encore mûrir et on retire le palissage. Ça, vous voyez, on l’a fait la semaine dernière sur deux fois 40 mètres de culture en serre. Ensuite, on broie tous les rémanents (les pieds de tomates, la paille et toutes les adventices). On obtient un joli mulch qui sent encore la feuille de tomate. Et là, attention, suivez bien, ça devient technique. On ramène tout le mulch sur les bords de nos planches de telle sorte à bien voir le sol. Maintenant, il s’agit de repérer toutes les racines qui n’ont rien à faire là (pissenlits, potentilles, renoncules, etc.) et de les retirer. On peut éventuellement s’aider d’un sécateur si le sol est trop dur. Chez nous, le sol est devenu tellement souple (à force de manger de la paille) qu’il suffit d’élever la voix un peu fort pour que la potentille sorte toute seule du sol en s’excusant, ce qui constitue un gain de temps précieux. On profite que le sol est à nu pour le réhydrater généreusement par aspersion. Ensuite, on réinstalle la paille sur la planche. La dernière opération consiste à bêtement planter des épinards à travers la paille. Attendez quelques semaines et hop ! vous avez des épinards.
«Quoi ? Mais qu’est-ce que c’est que cette arnaque ? Y a rien de magique là-dedans ! Avec la pierre philosophale, au moins, on transforme du plomb en or !» Alors, déjà, arrêtez de crier, vous couvrez le chant des oiseaux et Fabrice risque de louper un vol de pigeons à cause de vous. Et ensuite, c’est bien gentil votre pierre philosophale mais personne ne sait où elle a été rangée, alors on se rabat sur ce qu’on peut. Et en l’occurrence, un petit itinéraire technique pour plantation d’automne sous serre, c’est ce qu’on a de plus magique en stock : c’est simple, c’est terriblement efficace et ça produit de délicieux épinards, plein de calcium. Bon, il faut admettre que la vitesse d’exécution de ces différentes tâches a été très largement démultipliée cette semaine, grâce à notre joyeuse équipe de petites mains : Cécile, notre saisonnière, Fabienne, notre stagiaire et Samuel, son mari, qui s’offre une petite semaine de wwoofing chez nous en guise de vacances…
En fait, si vous passez cette semaine visiter la ferme et que vous l’avez connue en été, vous constaterez plusieurs petites révolutions. Vous l’avez compris, la serre 2 contient désormais deux planches d’épinards. Mais en plus, presque toute la serre 4 a été nettoyée et les plantations d’automne y vont déjà bon train : salades et mâches. Les dernières courges sont récoltées et on a fait rentrer nos betteraves de garde. Et en plus, on se paie le luxe de faire quelques allers-retours à la déchetterie pour virer ces affreux tas de déchets qui nous encombraient depuis le printemps. Là, à ce stade, vous devriez hausser un sourcil de scepticisme. Auraient-ils trouvé le secret de la semaine de 10 jours pour pouvoir y faire entrer autant de travail ? Non pas, notre secret est bien plus prosaïque : nous ne sommes pas allés à Vichy. Pourquoi ? Eh bien, justement pour pouvoir mettre un coup de fouet à tous ces chantiers d’implantation sous serre. On en avait marre de n’avoir le temps de rien et de systématiquement planter nos plants avec plus d’une semaine de retard. Voilà, maintenant, on est à jour et on est prêts à retourner à Vichy, le stress en moins, la joie d’avoir bien travaillé en plus ! Merci Fabienne, merci Samuel et merci Cécile !
À la semaine prochaine !
PS de dernière minute : Aujourd’hui (samedi), je suis allé faire un tour aux portes ouvertes des Jardins de la Brouette Bleue. Mais si, on vous en a déjà parlé, c’est un magnifique verger planté par Aurélie Cleenwercke à Saint-Aubin-sur-Loire. Cette année, elle a récolté ses premières pommes. Les choses vont aller en s’accélérant avec la maturité des arbres. On a hâte de pouvoir goûter leurs fruits !
Il lui manque « quand même » une paire de bretelles pour ressembler à notre bon St Pierre Rabhi !
Comme chaque semaine je me régale de la lecture de vos exploits et qui vois-je ? Samuel qui se trouve être mon petit cousin.
Incroyable hasard !