Et quand on parle du «demi-gros», on n’est pas en train d’évoquer un maraîcher des Grivauds qui aurait mangé trop de glace tout l’été. Non. Demi-gros, ça veut dire qu’on ne vend pas directement ses légumes au consommateur mais à un tiers qui se charge de les vendre pour nous. Par exemple à une épicerie bio. Ou à un autre collègue qui souhaite élargir sa gamme. À l’heure où tout le monde vante les mérites de la vente directe, tant d’un point de vue éthique que qualitatif, quel intérêt y aurait-il à s’intéresser encore au demi-gros ?
Depuis quelques semaines, nous sommes pris d’une vague inquiétude. Il semblerait que nos ventes, en Amap et sur le marché de Vichy, commencent à régresser. Nous avons vécu en 2020 une année un peu euphorique où le moindre légume était vendu avant d’être produit. En novembre, on enregistrait des ventes dépassant les 1200€ en une matinée avec plus de 145 clients. Cette année, c’est rare qu’on dépasse 850€ avec environ 120 clients. Pendant longtemps, on s’est dit que c’était du à la faiblesse de notre production 2021 : des tomates tardives, peu de haricots, peu de poireaux. Mais, maintenant qu’on tient des stands énormes mélangeant les tomates et les légumes d’hiver (dont les épinards et le mesclun), on est obligés de se rendre à l’évidence : on plafonne à Vichy… Il faudrait disposer de statistiques mais je pense qu’on peut facilement évoquer deux hypothèses. La première est évidente : on a de nouveaux collègues sur le marché. C’est un phénomène auquel il fallait s’attendre : il se forme en ce moment beaucoup de nouveaux maraîchers (on en voit défiler quelques uns comme stagiaires aux Grivauds d’ailleurs) et l’offre va donc logiquement augmenter. La deuxième est plus complexe à comprendre : il semblerait que la demande en légumes bio se contracte. Pas que en légumes bio, du reste : en légumes tout court. Voire même en produits alimentaires. Un article récent de la montagne en témoigne d’ailleurs : «De plus en plus de besoins et de moins en moins d’argent». La faute, sans doute, à l’explosion de la précarité et à la hausse du coût de la vie. Dès lors, il n’apparaît pas absurde pour un·e jeune maraicher·ère de diversifier ses débouchés et de se tourner d’emblée vers du demi-gros.
En Auvergne, en 2018, quelques maraîchers ont décidé de se réunir et de monter une plateforme d’échange entre producteurs et revendeurs (magasins, collectivités, collègues). Ça s’appelle Auvabio et c’est déjà tout a fait fonctionnel. Tout est expliqué sur leur site internet. Nous, cette année, on a décidé de s’adresser à eux pour acheter nos pommes de terre d’hiver. Le seul hic, c’est que, pour le moment, il faut venir retirer la marchandise à Malintrat, dans le Puy-de-Dôme… Heureusement qu’on ne le fait qu’une fois par an et pour un gros volume parce que ça n’est pas la porte d’à côté…
La semaine prochaine, on sera absents du marché de Vichy. Non, pas parce qu’on boude, non. Mais parce qu’on a pris trop de retard dans nos plantations de légumes d’hiver (3ème série d’épinards, mâche, 3ème série de mesclun, salade, ail, fraisiers). Du coup, on s’autorise à consacrer les jours dévolus aux récoltes (jeudi et vendredi) et à la vente (samedi) pour mettre un gros coup d’accélérateur dans nos cultures.
À la semaine prochaine !