La reproduction sexuée, on peut s’en passer. Surtout quand on est une plante. Pour cela, il suffit de trouver une manière de produire des clones. Et ça, la plante, elle sait bien faire : n’importe quel bourgeon est un clone en puissance. La preuve, il suffit bien souvent de prélever une branche et de la mettre en terre pour qu’elle fasse des racines ! C’est le principe de la bouture. Certaines plantes, plus malignes que d’autres, émettent une tige au ras du sol, dépourvue de feuilles et de fleurs, mais formant de nouveaux bourgeons de proche en proche. Bourgeons qui se développent et s’enracinent dès qu’on a le dos tourné. C’est ce qu’on appelle un stolon. C’est comme ça que les fraisiers se multiplient, d’ailleurs. Toutes ces plantes qui ont cette capacité de couvrir le sol autour d’elles avec des clones sont dites rampantes. Deux exemples bien connus des jardiniers : la renoncule rampante et la potentille rampante. Et si le stolon est sous-terrain, alors, on appelle ça un drageon ou un rhizome. Ainsi le chiendent se fraie-t-il un chemin à travers les prairies et les champs… Ce petit coquin.
Ces plantes rampantes constituent une source majeure de préoccupation pour le maraîcher en MSV. L’absence de travail du sol rend leur progression inexorable et elles s’invitent joyeusement dans nos planches, faisant fie de nos paillages. Seule manière de les limiter : l’occultation. On les prive de lumière suffisamment longtemps et on est tranquilles. Oui, mais… Oui, mais, attention, les stolons sont capables de se développer et de survivre dans des zones même faiblement éclairées. Lorsqu’on lève une bâche d’occultation, les zones proches des bords sont souvent encore colonisées de stolon de potentilles ou de renoncules, fraîchement enracinés. C’est pour cela qu’il est préférable d’occulter une large zone du champ, plutôt que des planches isolées. C’est pour cela aussi qu’ici, aux Grivauds, on commence à entourer nos planches de serre de toile tissée, pour éviter d’avoir sans cesse à désherber les rampantes qui s’installent sans cesse sur nos entrées de serre.
La grande haie qui longe la route est principalement composée de prunelliers, arbustes garnis d’épines qui ont le bon goût de drageonner joyeusement. Évidemment, on retrouve des drageons jusque dans nos planches de culture, et en particulier dans les futures planches de fraises. Alors on prend notre courage et nos drageons à deux mains et on tire sur toutes ces insolentes pousses de prunellier. Non mais. Notre wwoofeur du moment, Nicolas, participe vaillamment à l’opération et en est quitte pour quelques suées et quelques piqûres fourbes. Il était venu pour apprendre la permaculture, on commence d’emblée par lui faire arracher des arbustes à mains nues. Bienvenue aux Grivauds, Nicolas. Dis-toi qui si on a de belles fraises à l’avenir, ce sera grâce à toi. Voilà voilà…
À la semaine prochaine !