Composer avec le vent

Des arceaux tordus, de la paille envolée, une bâche au sol : le vent est passé par là !

Jeudi, milieu d’après-midi, le jardin est surplombé d’un ciel menaçant. Il a plu par intermittence ces dernières heures mais rien de très significatif. Fabrice et Lucie travaillent dans la serre nº3 au palissage des petits pois, pendant que je m’affaire dans la serre 7 à préparer le semis de carottes du lendemain. Tout à coup, tout devient bruyant, mouvant : le vent s’est levé. C’est toujours impressionnant en serre car on a l’impression que toute la structure métallique devient vivante. Un grain se prépare à l’horizon. Fabrice et moi sortons au même moment de nos serres respectives pour inspecter rapidement le champ et évaluer tout ce qui menacerait de s’envoler. Les bâches d’occultation clapotent bruyamment : depuis le début de l’hiver, on ne cesse de les remettre en place. À chaque nouveau coup de vent, on rajoute de nouveaux lestes aux points les plus fragiles, est-ce que ça suffira aujourd’hui ? À gauche de la serre nº5, on a installé un tunnel nantais de 50m le long, sous lequel on a semé des carottes lundi. Le vent frappe le tunnel de profil et les arceaux semblent résister pour le moment. La bâche est retenue par des ficelles, elles-mêmes attachées aux arceaux. Alors que tout semblait sous contrôle, de puissantes rafales balaient le champ et la bâche du tunnel nantais se sauve, partiellement retenue ici et là. Je décide d’aller la plaquer au sol pour l’empêcher de s’envoler, de se déchirer ou même de se déformer. Alors que je commence à rouler la bâche contre une providentielle rangée de choux, la pluie démarre, brutale, froide. Soufflée en bourrasques sauvages, on a l’impression qu’elle tombe horizontalement. Je ne traîne pas et une fois la bâche rabattue, je cours me mettre à l’abri. La pluie ne durera pas plus de 5 minutes. Très rapidement, le ciel se dégage, le vent s’apaise et on constate qu’on s’en tire à bon compte, finalement.

Nos bâches d’occultation sont lestées par des barres de fer.

Le vent, ça joue avec la patience des maraîchers, qui craignent toujours pour leurs voiles, leurs filets, leurs bâches voire leurs serres. Or, on sait maintenant que le réchauffement climatique s’accompagne aussi d’une augmentation des phénomènes convectifs (coups de vent, tempêtes, orages, tout ça). Là où est situé notre jardin, on est assez loin des côtes et on imagine comment un maraîcher breton ou normand doit galérer pour garder ses serres debout pendant l’hiver… Dès lors, comment s’y préparer ? Notre projet de haies fruitières pour casser le vent dans notre champ devient d’une criante actualité… Un jour, on s’y mettra pour de bon, c’est promis ! En attendant, on bricole comme on peut et on cours après nos voiles…

Plantation des navets nouveaux avec Lucie

Le lecteur attentif aura noté qu’on a tout de même fait deux semis de carottes dans la même semaine ! Une partie en plein champ pour le début de l’été et une partie en serre pour la fin du printemps. Notre technique de semis est bien rodée : semis sur le sol, on couvre les graines avec du compost tamisé et on paille les inter-rangs. On arrose et voilà ! On n’a pas chômé non plus le reste de la semaine : récolte des derniers navets (un peu plus de 80kg, stockés en chambre froide), plantation des roquettes, des navets, des salades, des choux chinois… Les deux nouvelles serres se remplissent à toute vitesse ! Et en plus, on a re-semé environ 18m de radis après une grosse récolte de mâche (serre nº2) et on a palissé nos petits pois (avec un mois d’avance…). Bref, encore une semaine bien productive !

À la semaine prochaine !

Petite compta entre amis

Bon, la compta, jusqu’à présent, c’était pas notre truc. Nous, on fait des légumes et pour le reste, on délègue, voilà comment on résonnait jusqu’à présent. Allez savoir, finalement, c’est presque sur un coup de tête qu’on a décidé de participer activement à la création de l’AFOGC de l’Allier. L’idée, c’est de réunir des agriculteurs pour les former à la comptabilité-gestion et pour qu’ils s’entraident. Dans notre département, l’association a été créée il y a quelques mois seulement, sous l’impulsion d’un petit collectif de producteurs. Elle compte actuellement une quinzaine d’adhérents. Les séances de formation permettent la prise en main du logiciel tout en s’appuyant sur les pièces comptables effectives de chacun. En terme de coût, c’est nettement moins onéreux que de faire appel à un cabinet comptable mais ça n’est pas notre motivation principale. L’intérêt est surtout de gagner en autonomie sur notre gestion et de donner du sens à nos chiffres.

La récolte d’épinards pour l’Amap de Bourbon-Lancy. La pesée est surveillée par Victor.

La semaine a été marquée par d’imposantes récoltes pour nos Amaps et pour le marché. Au total, on a récolté plus de 32kg d’épinards, 11 kg de mâche et une centaine de salades (batavias, scaroles et frisées). À quoi on ajoute la préparation des légumes racines (dégermer les pommes de terre, laver les carottes, éplucher les céleris raves, etc.). Lucie, présente à partir de mercredi, nous accompagne vaillamment dans ces longues récoltes. L’année dernière, nous n’avions pas assez de légumes pour tenir un stand sur le marché en février. Pour nous, traverser l’hiver sans faire relâche, c’est nouveau ! On découvre qu’à cette période, il y a peu d’exposants à l’étage producteurs mais qu’il y a beaucoup de clients ! Du coup, on voit fondre nos caisses de salades et d’épinards à une vitesse impressionnante. Sandrine m’accompagne cette semaine et elle n’en revient pas : à 11h00 le stand est vide !

Repiquage des tomates par Lucie

Finalement, on fait peu avancer nos plantations cette semaine mais on réussit tout de même à repiquer les solanacées (tomates, aubergines et poivrons) semées il y a quinze jours (dans des grosses mottes de 7cm) et à semer notre deuxième série de tomates et aubergines. Fabrice installe une nouvelle bâche au sol de la deuxième serre à plants et y place aussitôt nos caisses d’oignons rouges. On sème aussi une nouvelle série de radis et on plante nos choux de printemps (enfin !). Le paillage des rhubarbes est aussi commencé. La semaine prochaine, il va falloir accélérer le tempo : il y a beaucoup de plants qui réclament une plantation rapide ! Des salades, des navets et de la roquette notamment. Il faudra aussi qu’on sème des carottes et qu’on réfléchisse sérieusement au palissage des petits pois, qui poussent à une vitesse vertigineuse !…

À la semaine prochaine, donc !

Ça chante dans le jardin !

Signe du printemps qui vient : la serre à plants commence à se remplir sérieusement !

Le printemps semble avoir de l’avance cette année : on croise déjà très régulièrement des bourdons, des abeilles, des guêpes, des mouches et même quelques coccinelles. D’ailleurs, en se penchant sur l’ail en plein champ, on aperçoit des piqûres de mouche mineuse du poireau ; pour éviter la catastrophe, on place un filet anti-insecte sur toute la longueur de la planche. Et puis, les oiseaux commencent à chanter. Les mésanges bleues et charbonnières se font entendre depuis un certain temps, les moineaux font un beau raffut dans les haies et une alouette lulu nous salue depuis le champ du voisin. On se sait pas si cette douceur est de bonne augure pour le reste de l’année mais c’est vrai que l’hiver a été plus «poussant» que les années précédentes : tout démarre très vite, tant les salades et les radis que les petits pois.

Installation des bâches des nouvelles serres avec Clément, Lili et Charles

C’est surtout samedi, vers midi, qu’on a entendu d’autres chants : ceux de satisfaction de la petite bande venue aider à la mise en place de la bâche de nos nouvelles serres : Lili, Charles et Clément. Le travail avance si vite que je ne trouve même pas le temps de faire des photos ! Pourtant, il y a eu des moments spectaculaires, notamment quand Didier, notre voisin éleveur, est venu avec son Manitou pour qu’on puisse dérouler la bâche par dessus les arceaux. Quelques jours plus tôt, c’est le vent qui est venu nous siffler de drôles de mélodies, pleines de violence et de menace. Surtout jeudi, lorsqu’il nous a emporté une toile tissée juste sous nos yeux et qu’au même moment des trombes d’eau se sont mises à nous tomber dessus ! Lucie, qui était de la partie ce jour-là, a fini mouillée jusqu’à l’os en nous aidant à retenir la bâche…

Les tomates et les aubergines ont bien germé !

Les petits travaux succèdent aux grands chantiers : paillage des fraises en serre nº1, montage des pignons sur la deuxième serre à plants, décaissage des entrées de serre, tailles diverses et petits désherbages. Bref, tout avance bien ! Ça nous laisse même le temps d’admirer nos différents semis (les petits pois dans la serre nº4, les radis dans la serre nº2 et les solanacées en terrine)… On s’étonne d’être autant à l’heure cette année, pourvu que ça dure !

À la semaine prochaine !

Le secret du radis express des Grivauds

Fabrice en train de semer les radis, après une récolte de mâches.

On vous l’a déjà expliqué plein de fois : on est un peu fâchés avec les semis directs ! Pour ça, il faut un sol nu, ce qui assez rare chez nous, surtout en serre. Semer des radis à la volée dans un résidu de paille, on a fait… et on ne refera pas. On peut toujours semer après avoir dépaillé, mais du coup, c’est très difficile de maintenir les inter-rangs propres, car les lignes de semis sont très serrées pour le radis (10-15 cm) et qu’on ne peut pas mettre de paille sur si peu de largeur. Le problème s’est compliqué un peu plus il y a deux semaines, quand on s’est rendu compte qu’on n’avait pas vraiment prévu d’espace en serre pour nos premières séries de radis. On a alors envisagé un tunnel nantais en plein champ mais c’est beaucoup de boulot pour du radis… Que faire ? Une ébauche de solution nous est apparue après une récolte de mâches : voilà 6 rangs assez serrés (pas autant qu’ils devraient mais passons) constitués principalement du terreau des mottes de la mâche. On a alors bêtement semé dans ces sillons providentiels et on a recouvert de compost tamisé. On arrose et voilà ! Résultat : on a une belle levée (voir photo ci-contre) ! Du coup, on recommence l’expérience cette semaine, sur une quinzaine de mètres, en se promettant de recommencer toutes les semaines, après chaque récolte de mâche. Et nous voilà réconciliés avec le radis sous serre !

Semis de tomates en terrine

Autres semis emblématiques de la période : les semis de solanacées pour l’été ! Du moins, la première vague. On a donc semé de quoi faire une planche de tomates précoces, une demi-planche d’aubergines et une planche de poivrons. La première série de persil est semée aussi. On garde un œil sur nos semis de la semaine passée : les navets et les oignons ont levé. Pour les oignons, c’est surveillance rapprochée : pas question de se faire détruire le plant par les mouches mineuses comme ça a été le cas à l’automne avec les oignons nouveaux…

Planche des petits pois en cours de paillage

En dehors des récoltes pour les amaps et le marché, on trouve aussi le temps de pailler les petits pois, qui ont déjà bien poussé. On profite d’une journée exceptionnellement chaude pour enfermer un maximum de chaleur dans le sol. On poursuit la taille des haies et on prépare de beaux pignons pour notre deuxième serre à plants (celle qui sert pour l’endurcissement). La durée du jour s’allonge mais pas encore nos journées de travail. C’est que, finalement, on sort de cet hiver plutôt à l’heure sur notre calendrier. Tant mieux, ça laisse même assez d’énergie à Fabrice après le marché de samedi pour filer à la Journée d’Échange de Semences Paysannes à Luzy…

À la semaine prochaine !

Deux lignes de petits pois et quatre voies de RCEA

En haut, c’est le bourg ; en bas (en rouge), c’est la RCEA et au milieu, c’est nous.

Cette semaine, par plusieurs fois, un petit vent de sud nous a rappelé la présence de la RCEA à quelques centaines de mètres de notre ÉcoJardin. Pour ceux qui ne sont pas du coin, la RCEA, c’est l’autre nom de la N79, la grosse route à camions qui traverse notre département de part en part. Lorsque le vent est dans le bon sens, donc, la circulation devient un bruit de fond difficile à ignorer. On a beau se concentrer sur les chants des mésanges, rien à faire ! On a appris récemment que cette route allait être refaite pour passer à 4 voies. L’automobiliste se réjouit : il manquait un axe rapide pour relier Monluçon à Macon (en gros) ; ou, plus modestement, pour aller de Moulins à Digoin pied au plancher. La presse et nos édiles se félicitent : il y a 400 emplois locaux à pourvoir, c’est toujours ça de pris. Mais, moi, je ne suis pas très sûr de me réjouir. Je ne le dis pas trop fort pour ne pas casser l’ambiance, mais je suis dubitatif. L’urgence écologique ne nous impose-t-elle pas d’autres chantiers plus urgents ? Tiens, au hasard : tous ces camions ne seraient-ils pas mieux sur des rails ? On investit des millions dans des routes, en cette deuxième décennie du siècle, alors qu’il ne faut pas être grand sorcier pour prévoir qu’elles risqueront rapidement de devenir obsolètes si on vient à manquer de pétrole. C’est un peu comme si on se disait : le réchauffement climatique d’accord, mais la mobilité, c’est plus important. On pourrait penser que l’été qu’on vient de vivre avec ses canicules et sa sécheresse suffirait à refroidir ce genre de grand projet d’un autre siècle. Non, visiblement, non.

Aux Grivauds, le tracteur sert essentiellement à transporter la paille. Ici, le premier paillage de l’année se prépare : ce sera pour la planche des petits pois.

De notre côté, si nous laissons le tracteur au garage, ça n’est pas seulement pour mieux entendre les pépiements des bergeronnettes des ruisseaux venues s’abreuver à notre mare. Et même, ça n’est pas seulement pour limiter nos émissions de CO2 – je pense que, vue notre surface, nous ne pesons pas grand-chose de ce côté-là. C’est aussi et surtout pour réapprendre à cultiver la terre de la façon la plus sobre possible, énergétiquement parlant. Bien entendu, il faut assumer des rendements horaires inférieurs à ce qu’on peut trouver ailleurs. Nous sommes encore fragiles économiquement, mais il faudra juger l’expérience dans quelques années, quand les derniers investissements (serres et irrigation) seront derrière nous et que nos itinéraires techniques se seront stabilisés. Notre plan de culture de cette année témoigne de cet état d’esprit : on ne cultivera pas beaucoup plus que l’année dernière, mais on travaille à améliorer nos taux de réussite pour chaque culture. Au vu des défis qui nous restent à affronter, on serait en droit de nous contester toute légitimité à recevoir des stagiaires. C’est que, d’ors et déjà, nous produisons des légumes. Et puis, nous avons déjà de nombreuses connaissances sur lesquelles nous pouvons nous appuyer, qu’elles soient d’ordre agronomiques, botaniques ou écosystémiques. On ne se prive pas non plus de raconter nos doutes et nos échecs car ils sont aussi sources de réflexion. Au final, oui, on produit des légumes presque sans pétrole ; oui, on prépare un jardin qui résistera du mieux possible contre les défis de demain (réchauffement climatique et hausse des coûts de l’énergie) mais non, on n’a pas la prétention de s’ériger en exemple et de dire que le chemin est parsemé de roses.

Dès lundi, l’armature de la première serre était montée !

On a la tête dans le futur mais ça ne nous empêche pas de nous consacrer à fond à la saison qui vient : planter les petits pois et la salade, récolter les poireaux, désherber les carottes, etc. On a aussi semé nos oignons rouges (30 plateaux, tout de même). Et surtout, il y a le lancement du grand chantier du montage des nouvelles serres ! Clément et Lili, présents en début de semaine, sont sur tous les fronts et nous permettent d’avancer à grandes enjambées. Rapidement, les amarres se retrouvent en terre, la structure est élevée et les barres de culture sont installées. Concrètement, il nous reste à installer les pignons et … à bâcher. On tient le bon bout !

À la semaine prochaine !