Le plastique, c’est mal. C’est nul. C’est moche. Ça pollue. C’est fait avec du pétrole, et le pétrole, c’est caca. Faut le laisser dans le sol le pétrole, ça tout le monde le dit. Le plastique, c’est LA matière favorite du capitalisme. Facile à produire et rapidement périssable, c’est le symbole de l’industrie cheap par excellence. Dans les cercles msvistes[1]les groupes facebook sur le MSV ou quelques collègues anti-plastiques-100%-naturels-pasdeçachezmoi, j’ai fréquemment entendu dire que faire du sol vivant (MSV) et mettre des bâches plastiques sur le sol c’était antinomique. Que le plastique, ça asphyxie les sols. Que ça les pollue. J’aimerais leur donner raison. Vraiment. Mais, malheureusement, la réalité est bien plus complexe, comme toujours.
Il y a quelque chose qui m’a toujours fasciné, c’est de lever une toile tissée et de constater à quel point le paillage plastique dope l’activité des vers de terre ! Les planches qui sont bâchées l’hiver possèdent une densité de turricules[2]déjections que laissent les vers de terre anéciques au-dessus du sol bien supérieures à celles qui ne le sont pas. La paille y est plus dégradée, ou, du moins, plus ingérée par le sol. La raison est très simple : il fait tout simplement plus chaud sous une bâche noire, et les vers de terre peuvent travailler sur une période plus longue, car la température du sol descend moins bas en hiver que sous une simple paille. Et il n’y a pas que les vers de terre qui travaillent mieux : souvent, sous une bâche plastique, ça grouille de vie ! Cloportes, fourmis, araignées, carabes, campagnols, limaces, tout le monde s’en donne à cœur joie ! C’est aussi pour une question de réchauffement du sol qu’on installe une écrasante majorité de nos cultures d’intersaison sur toiles tissées. Les choux-fleurs, les navets, les salades, tous ces légumes peinaient à démarrer dans nos sols froids avant qu’on ne se décide à investir dans du plastique.
Une culture sur toile tissée (ou sur polyane), c’est une culture qui s’enherbe moins. C’est du temps de gagné pendant la culture, parce qu’on n’a pas besoin d’aller éliminer le mouron de 100% de la surface de la planche, mais juste des trous qu’on a ouverts pour planter les épinards. C’est aussi du temps de gagné lorsqu’on passe à la culture suivante : les potentilles et autres rampantes ne sont pas venues sournoisement s’inviter dans notre mulch et on peut rapidement transformer un mesclun en semis de carottes. Dernier avantage : dans une année humide comme celle qui vient de se terminer, la paille peut poser des problèmes sanitaires sous les salades. Au contact de la paille constamment mouillée, des champignons se forment sur les feuilles et on perd beaucoup de temps à nettoyer la salade avant de la récolter. Pour être parfaitement sincères, reconnaissons qu’au printemps, lorsqu’il commence à faire chaud dans les serres, les salades sur paille sont souvent les plus saines.
Pourquoi, alors, continuer à pailler nos cultures avec des matières organiques ? Eh bien, tout simplement pour nourrir le sol. Car c’est le principal défaut du plastique : si on se contente d’occulter sans nourrir, alors le sol perd en fertilité d’année en année. On peut placer un mulch organique sous les toiles tissées pour trouver un compromis entre nourrir et réchauffer (c’est ce qu’on fait pour les courgettes de printemps par exemple). On peut aussi utiliser un bâchage plastique après un engrais vert (c’est le cas de nos choux). On peut aussi choisir d’alterner, sur une même planche, des cultures sur plastiques et des cultures sur paille. Et puis, en plein été, au moment des canicules, les cultures sur paille prennent beaucoup moins de brûlures que celles sur plastiques, ce qui est logique.
Alors, si le MSV demande une certaine dose de plastique, peut-on tout de même dire qu’il s’agit d’une pratique vraiment écologique ? Il faut se souvenir que le travail du sol est une activité à la fois consommatrice d’énergie fossile (quand elle est mécanisée) et polluante, du fait de la dégradation des sols qu’elle engendre. Le MSV limite l’érosion et le lessivage des éléments minéraux. Et permet d’y stocker plus d’eau et plus de carbone. Notre pratique du MSV nécessite un peu de plastique, certes, mais réduit énormément notre consommation de carburant. Un mal pour un bien ? À vous de juger…
À la semaine prochaine !
PS : une publication qui compare les rendements d’une culture de courges en fonction du type de paillage (toile tissée, paille, chanvre et BRF) : https://ecophytopic.fr/sites/default/files/2021-01/cr_paillage_courge_producteur.pdf Attention : l’étude est menée sur sol travaillé… Mais, n’empêche, ça laisse songeur.
Une réponse sur “Plastique et sol vivant : une dépendance paradoxale”