Un champ bleu et vert

Une photo qui montre à la fois qu’on a été sérieux question occultation et qu’on a vraiment un temps tout pourri

Nous, on aime bien l’herbe. Toutes les herbes. Les graminées, les annuelles de tout poil, les vivaces joyeusement rampantes, les pissenlits inamovibles et les fiers rumex. Mais on n’est pas naïfs non plus : on ne fait pas pousser des salades dans un champ d’herbe. Alors, avant toute mis en culture, on fait comme tous les jardiniers du monde : on désherbe. Mais nous, vous l’avez compris, il faut qu’on réussisse à éliminer les plantes spontanées sans retourner notre sol[1]1er principe du MSV : ton sol tu ne travailleras point. Pour cela, on a une arme ultime : le glyphosate. Ah non, pardon, je recommence. Pour cela, on a une arme ultime : l’occultation. Concrètement, ça consiste à poser une bâche sur son sol et à attendre suffisamment longtemps. La végétation sous la bâche s’épuise, voire brûle et finit par abdiquer. Pour venir à bout d’une graminée, trois mois suffisent. Pour une potentille, c’est minimum six mois. Or, nous, des potentilles, on en a de jolies quantités… Si on veut un sol propre au printemps, il faut bâcher avant que les sols ne se soient trop refroidis (septembre, c’est parfait). Pour l’été, il suffit de bâcher en hiver. Le plus tôt est le mieux évidemment. Là, c’est presque un peu tard pour nos besoins de l’année à venir mais il a fallu faire avec les urgences automnales (dont les plantations d’épinards et de mâches).

Aux Grivauds, pour occulter, on utilise de la toile tissée (de couleur bleue et verte, d’où le titre de cet article, légèrement tiré par les cheveux, certes). C’est plus résistant que de la bâche d’ensilage. Et ça laisse passer l’air et l’eau, ce qui n’est pas à négliger. Par contre, c’est moins efficace. En jardin, on peut aussi utiliser du carton (à condition qu’il ne soit pas traité). Ou alors, on peut s’allonger sur son gazon tout l’hiver. Au choix.

C’est ça de la toile tissée. En jardinerie, on appelle aussi ça de la «toile de paillage».

Dans notre champ, on va d’abord s’occuper des zones qui ont connu des cultures sur bâche en 2020 (dont les courges et les courgettes). On retire la bâche trouée avant que les graminées ne se soient trop installées dans les trous de culture et on la remplace par une bâche pleine. Sous ces bâches, il n’y a déjà presque plus d’herbe et on peut espérer que ce sera bien propre au printemps. Ensuite, on couvre quelques planches déjà récoltées (pommes de terre) et on occulte une nouvelle zone de prairie pour nos futures courges. Cette semaine, on a mis un gros coup d’accélérateur à ces chantiers en occultant pas moins de 8 planches de 100m. Du beau boulot ! Merci à Hélène et Manon (notre nouvelle wwoofeuse) pour avoir héroïquement œuvré dans la grisaille et la pluie. Oui, parce que, niveau climat, d’ailleurs, on aurait de quoi se plaindre. Mais c’est pas notre genre.

Pauvre Manon qui, pendant une semaine, a entendu parler jardinage jour et nuit…

Cette semaine, le travail ne s’est pas arrêté en passant la barrière du jardin : Hélène se prépare à prendre un poste de chef de culture au printemps prochain et la constitution de son premier plan de culture l’a obligée à se poser de nombres questions. Comment on construit une gamme ? Comment on choisit une date de semis, une densité, une variété ? «Non, Hélène, on ne trouve pas d’oignons blancs en bulbille.» – «Mars, c’est trop tôt pour un semis direct de betteraves !» C’est là que je me rends compte que notre métier est délicieusement technique, qu’il demande une grande quantité de connaissances variées, une bonne dose d’organisation et une petite pincée d’audace : «est-ce que je prends le risque de planter mes tomates mi-avril, sachant qu’elles risquent de geler ?». Et tout en répondant d’un ton docte à ces interrogations légitimes, je fais sauter la dernière chayotte de l’année pour la mettre en omelette. Non mais.

À la semaine prochaine !

References

References
1 1er principe du MSV : ton sol tu ne travailleras point

Immortels fraisiers

Ça y est, les fraisiers sont enfin plantés !

Les fraisiers, c’est des vivaces. C’est-à-dire que ce sont des plantes qui ne meurent pas d’une année sur l’autre et qui restent en place un certain temps sur la planche. Genre plusieurs années. Après, on les déplace. Pourquoi on fait ça ? Parce qu’ils ont besoin de voyager et de voir du pays ? Non, non, pas du tout. C’est juste qu’à force de produire des fruits, ils finissent par «épuiser» le sol et perdre en productivité. Alors, nous, plus malins que tout le monde, on s’est dit : «si on veut que nos fraisiers soient éternels, il suffit de leur donner constamment à manger». C’est à dire de les re-pailler tous les ans. Mais du coup, ça signifiait qu’on n’aurait pas la possibilité de les planter sur une bâche. Et donc, de contrôler l’enherbement par occultation. «Pas grave, qu’on s’est dit, il suffira de désherber rapidement la planche en hiver et le tour est joué». Sauf que… Sauf que l’enherbement des fraisiers, c’est de la potentille, du chien-dent, du liseron et du lierre terrestre. Et, tous les ans, c’est l’enfer de venir nettoyer cette planche ! On y a usé force stagiaires et wwoofeur·euses.

On a fini par s’y résoudre et on a enfin pris la décision de déplacer ces malheureux fraisiers sur une nouvelle planche, en les plantant cette fois-ci sur bâche. La préparation de la planche a été faite avec soin : compost, paille et BRF. Nos fraisiers sont comme des coqs en patte dans ce mulch généreux. On les plante en leur souhaitant tous nos vœux de prospérité et en attendant de voir ce qu’ils voudront bien nous offrir dans les années à venir…

Installation d’une couche de BRF avant installation de la toile tissée des fraisiers

En dehors de cette plantation tant attendue, d’autres chantiers ont avancé à grandes enjambées ces dernières semaines : des récoltes de betteraves, de patates douces et de céleris-raves pour la conservation et le re-bâchage des anciennes planches de courges. Un travail titanesque effectué de mains de maître par Adri·e (voir l’article de la semaine dernière) et Hélène (qu’on ne présente plus). Adri·e qui repart des Grivauds avec, notamment, quelques idées pour gérer mieux les limaces dans son jardin. Cadeau.

À la semaine prochaine !

Pierrefitte, ma douce Pierrefitte

Pierrefitte-sur-Loire, mon joli petit village

Novembre vêtu de gris. Novembre au froid tendre. Depuis quelques jours, alors que je regagne le bourg après ma journée de travail, je mets systématiquement pied à terre pour admirer le ballet des étourneaux. Un soir, je décide de pousser jusqu’au plan d’eau pour prendre quelques photos dans la lumière du couchant de ces nuages mouvants. Je répète l’expérience en haut du petit pont qui surplombe le canal et je regarde les oiseaux dessiner des formes énigmatiques au dessus du village. Mes yeux s’attardent sur les toits bien tendrement tassés les uns contre les autres, sur le clocher, sur les tours du château… Et soudain je réalise : décidément, je l’aime beaucoup mon village !

Vol d’étourneaux au dessus du canal

J’aime son élégance sobre, j’aime ses petites rues calmes. J’aime la proximité du canal, qui draine tant de voyageur·euses à nos portes et qui est le lieu privilégié de mes promenades. J’aime le vaste plan d’eau autour duquel je tourne paisiblement lorsque je dois passer de longs appels à de lointain·es ami·es et parent·es. J’aime le fait que la Loire soit si proche – j’y ai mes petits coins secrets pour de rafraîchissantes baignades d’été. Il manquerait une belle forêt autour du village pour que le tableau soit parfait mais il y a tout de même quelques bois accessibles d’un coup de pédale et c’est déjà ça. J’aime le fait que le bourg, en dépit de sa faible envergure (500 âmes, à tout casser), soit doté d’autant de services ! Il y a une Poste, deux supérettes, un bistrot, un restaurant et un camping. Il y a aussi un salon de coiffure, tenu par Adilia. Vous savez le genre d’endroit d’où on sort sans savoir pourquoi on est heureux, si c’est parce qu’on se trouve beaux·belles avec notre coupe toute fraîche ou si c’est pour la qualité de la conversation. Dans l’une des supérettes, on trouve du pain venant de la boulangerie de Diou. En particulier, il y a la Ribatte, sorte de grosse baguette torsadée, au levain. Au jardin, c’est le pain avec lequel on se donne un petit coup fouet à la pause de 10h30. On étale une bonne couche de beurre ou de purée de cacahuète, selon les goûts et ça nous sustente parfaitement, jusqu’au repas. C’est aussi à l’Épicerie du Paradis que j’achète la presse locale et que je peux faire tout un tas de petites emplettes complémentaires. Mentionnons aussi que le mardi soir, un certain Stéphane, pizzaiolo en tee-shirt à toutes saisons, gare son camion place de l’église et nous offre un rituel gourmand, auquel les petites mains des Grivauds n’échappent pas…

J’aime la façon dont on se sent rapidement accueilli ici. Je me souviens que lorsque je suis arrivé, alors que je ne connaissais encore pas grand monde, on me saluait déjà copieusement. On m’a aidé à trouver un très chouette logement, où je suis comme un coq en patte et où nos petites mains sont reçues quand il fait trop froid pour habiter la caravane. Il y a une certaine modestie et une certaine gentillesse chez le·la pierrefittois·e qui rend les échanges faciles et qui permet de repartir en toutes circonstances avec un sourire ou un encouragement. Oui, décidément, c’est bon d’habiter à Pierrefitte-sur-Loire. Heureusement qu’il y a cette chaleur humaine, d’ailleurs, parce que niveau climat, pardon, mais il y aurait à redire… C’est quand même souvent qu’on a le droit à des températures alsaciennes en plein hiver, que les gelées de printemps sont très tardives et que les étés sont extrêmement secs et chauds. Bon d’accord, pas cette année. Mais n’empêche, jardiner dans de telles conditions, c’est raide. Qu’on n’aille pas s’étonner que les Grivauds consomment autant de glaces et de sorbets de juin à septembre…

Adriel·le à la récolte des rutabagas

Comme on vous l’annonçait la semaine dernière, on a joué l’école buissonnière avec Vichy et on est restés à travailler au jardin. Grand bien nous en a pris : on avait un retard qu’on commence à rattraper. De fait, les épinards sont enfin tous en terre, ainsi qu’une grosse série de mâche et un peu de mesclun. Une nouvelle planche de tomates a été désinstallée et désherbée. En serre 6, une série de salades et de basilic peuvent d’ores et déjà être remplacés par des mâches. Bref, ça turbine ! Au milieu de toute cette fébrilité, il y a Adriel·le, le·la wwoofeur·euse de la semaine, avec qui on parle pêle-mêle de jardinage, de politique, de vie en collectivité, d’écologie et de non-binarité. Le temps passe vite dans ces conditions…

À la semaine prochaine !