On a encore envie que vous nous plaigniez un peu… Figurez-vous que notre camion bleu, celui qu’on vient d’acheter à crédit, vient de passer une semaine au garage pour une histoire de relai dans une boite liée au démarrage… Et que dans le même temps, la vessie de notre pompe a éclaté, nous laissant sans arrosage pendant plusieurs jours de suite. La série noire continue. Vous me direz, l’arrosage, en ce moment, hein, on peut s’en passer, même sous serre, vu comme le temps est sombre et les températures peu poussantes. Bon, d’accord. Mais d’ailleurs, puisque vous me parlez de météo, apprenez que, pour couronner le tout, l’humidité et le manque de lumière sont en train de nous jouer un mauvais tour.
Oui, je sais, ça fait deux articles de suite sur les tomates. Mais dîtes-vous bien que la tomate, pour des maraîchers, c’est un peu le nerf de la guerre, le beurre dans les épinards, le Graal sur la Table Ronde. Et comme elles sont arrivées très tard cette année, on les surveille comme le lait sur le feu. L’année dernière, passé le 15 septembre, la saison des tomates était pliée pour nous à cause du Corky-Root (maladie de la racine liégeuse). Alors, pour 2021, compte-tenu des moyens mis en œuvre, on aimerait bien tenir jusqu’à mi-octobre. C’est pour ça que lorsqu’on a vu le mildiou faire son entrée dans nos serres, on a froncé les sourires, on s’est exclamés «ah non, pas ça!» et on a sorti les sécateurs.
Depuis que je suis arrivé aux Grivauds, le soin des tomates a toujours consisté à se concentrer sur la prophylaxie. On fait le maximum pour que les plantes poussent dans un environnement sain et fertile. Et ensuite, on les invite à se débrouiller un peu toutes seules. Pas d’effeuillage, pas de pulvérisation d’anti-fongique. La bonne réponse immunitaire des plants de tomates est en partie due à notre pratique du MSV : nos sols fournissent tout ce qu’il faut à la plante pour qu’elle puisse se défendre. On veille à ce que nos sols restent hydratés pour que la prospection racinaire se fasse bien, ce qui signifie que, en temps normal, on pratique l’aspersion. Mais seulement le matin, par une belle journée ensoleillée, pour que les feuillages soient secs le soir. Et pour lutter contre le Corky-Root, on a greffé une grosse partie de nos plants, comme on vous l’expliquait la semaine dernière. Bref, tout est fait pour qu’on n’ait pas besoin d’intervenir lorsqu’une tâche un peu suspecte apparaît sur nos feuillages. Mais, cette année, rien ne se passe comme prévu. Le temps est sombre et l’air est constamment humide. Du coup… les champignons foliaires se développent joyeusement. Un peu trop joyeusement pour qu’on ait envie d’en sourire…
Devant la variété des bizarreries constatées sur nos pieds de tomate, on a dû passer un peu de temps sur E-Phytia. Ce qui nous a permis de distinguer 4 problèmes différents (en se limitant aux parties foliaires) : le mildiou (oomycète dont les tâches ne sont pas compartimentées), l’alternariose (oomycète, dont les tâches sont entourées d’une chlorose), le botrytis (ascomycète générant une pourriture grise) et les viroses (créant des chloroses d’aspect variable, les virus étant véhiculés par les pucerons). Pour les trois premiers problèmes, une même règle prévaut : éviter que les feuilles ne restent trop humides. On se décide à effeuiller le bas des plantes pour faire circuler plus d’air au ras du sol. On désherbe, pour éviter que les adventices ne viennent mouiller les feuilles de tomates, par évapo-transpiration ou par guttation. Du mildiou, on en a rarement, et, en général, la plante finit par éliminer toute seule les feuilles contaminées. Sauf que, samedi matin, lorsque je me suis retrouvé face à la dernière série de Previa, dans la serre 1, j’ai pris peur : en 24h, le nombre de feuilles attaquées a doublé. C’est la rançon du succès : les pieds greffés ont des feuilles si grandes que l’air y circule mal. On se dit que, l’année prochaine, ça ne serait pas une mauvaise idée de conduire ces pieds en rang unique mais sur deux brins (en Y). Mais en attendant que faire ? Eh bien, on coupe. On tranche dans le vif, on élimine les feuilles contaminées et on les sort de la serre.
Je laisse mon regard se promener sur la flore spontanée des Grivauds et je fais les constats suivants. D’abord que, cette année, nos prairies et nos bords de chemin sont restés très verts. Ensuite que nombre de plantes sont aussi atteintes d’une grande variété d’agressions fongiques (mildiou et alternariose) ou parasitaires (acariens, pucerons, chenilles et autres larves mineuses). Je vous mets quelques exemple dans la galerie.
Et je vous souhaite une belle semaine !
Toujours en train de se plaindre ces paysans Quan il pleut pas ça va pas, quand il pleut ça va pas non plus. Qu’est-ce qu’il vous faut ?