Le temps des plantes et le temps de la lecture sont très similaires. Il faut quelques mois pour faire pousser un légume, du semis à la récolte. Et quand on a des journées bien remplies, comme c’est le cas pour vos maraîchers préférés, il faut aussi quelques mois pour venir à bout d’un bouquin de taille moyenne. En quelques mois, le jardin change de physionomie du tout au tout : une saison cède la place à la suivante, les formes et les couleurs évoluent, certaines cultures sont désinstallées et remplacées par de jeunes plants prometteurs. Quelques mois de lecture suffisent aussi à faire tourner la tête du jardinier et à lui faire vivre une petite révolution intérieure, modifiant parfois en profondeur le regard qu’il porte sur son petit territoire. Ça a été le cas pour moi à chaque nouvel ouvrage de Marc-André Sélosse, par exemple. «Jamais seul» (2017) m’a subitement fait voir des bactéries et des champignons à l’œuvre au sein de chaque entité vivante (végétale ou animale). «Les goûts et les couleurs du monde» (2019) m’a permis de percevoir l’incroyable contrôle des végétaux sur leur environnement à travers le prisme des tannins. Et son dernier ouvrage, «L’origine du monde» (2021), m’emmène faire un voyage biologique, physique et chimique au sein du sol. Et le sol, c’est important. Surtout en MSV, Pour moi qui n’ait pas étudié la biologie, ces livres de vulgarisation sont extrêmement précieux !
Rapidement, j’ai ressenti le besoin de constituer une petite bibliothèque pour les stagiaires et les wwoofeur·euses. Alors, d’accord, même pour une petite-main très motivée, deux semaines de lecture, c’est un peu court pour venir à bout d’un livre. Mais ne soyez pas de mauvaise foi : il suffit d’acheter le livre et de le finir à la maison ! En bonne place dans cette petite collection, il y a évidemment l’excellent livre de Gilles Domenech : «Jardiner sur sol vivant». L’ouvrage débute par une visite du sol, vu à hauteur de collembole (un insecte minuscule vivant dans la litière), se poursuit avec une agronomie simplifiée des sols non-travaillés et se conclut avec différentes réflexions autour de la façon de gérer la fertilité durable des sols (grâce aux mulchs et aux engrais vert notamment). «Des vers de terre et des hommes» de Marcel Bouché trouve aussi ici une place logique. Je ne vais pas vous faire une présentation détaillée des autres livres, vous trouverez des synopsis sur internet.
Marin, notre wwoofeur du moment, est aussi du genre «lecteur». Et il lit du très très bon. Parce que figurez-vous que c’est quelqu’un qui a débarqué chez nous après avoir longtemps fréquenté … ce même blog que vous êtes en train de lire ! Du coup, si j’écris ici «coucou Marin, est-ce que tu as apprécié ta buttercup ?», je suis sûr d’avoir une réponse lundi. Marin, c’est un maraîcher sans terre, comme il se définit lui même. Il a déjà officié longuement comme salarié et a fait fonction de chef de culture. Ça se sent dans ses gestes très sûrs et dans son recul par rapport aux modèles de ferme qu’il a rencontrés. Avec lui, donc, on plante des épinards (tâche pharaonique car il faut ouvrir des centaines de trous dans de la toile tissée avec un matériel rudimentaire…), on récolte nos dernières courges et on désinstalle les haricots à ramer. De nouveau, la semaine passe extrêmement vite, notamment à cause des abondantes récoltes que nous faisons pour le marché, pour l’Amap et pour la conservation (dont les betteraves). Nous sentons que, pour la première fois cette année, nous allons prendre du retard dans notre planning de plantations…
À la semaine prochaine !