Il va s’écouler quelques semaines avant que le stress ne retombe aux Grivauds. C’est qu’il se joue en ce moment une partie serrée entre notre savoir-faire horticole et l’imprévisibilité des lois végétales. Entre d’autres termes : allons-nous réussir nos greffes de tomates et d’aubergines ? L’année dernière, nous avions (ou plutôt : Fabrice avait) eu de bons résultats avec les tomates mais pas avec les aubergines. Cette année, on retente notre chance. Ce qui a changé, c’est qu’on dispose désormais d’un caisson hermétique pour maintenir nos plants tout juste greffés dans une atmosphère chaude et humide. Pour faire simple, on a tendu un plastique de serre au dessus d’une structure métallique. Le plastique est lesté avec des tasseaux en bois. Par dessus, pour éviter les coups de chauds, on place une ombrière. Le tout est installé sur notre sol chauffant et recouvert d’un P17 (voile de forçage). Voilà.
Mardi, la première série d’aubergines a donc été greffée. Pour le moment, on a du mal à savoir si la partie est gagnée ou non. Les cotylédons sont souvent encore un peu mous mais les feuilles centrales ont l’air turgescentes. C’est angoissant de ne pas savoir. Et c’est seulement le début… En attendant, Miroux (entre autres) est considéré comme persona non grata dans la serre à plants : hors de question qu’il ne vienne tout gâcher avec un coup de patte malencontreux…
Alors, pourquoi greffe-t-on, me direz-vous. Plusieurs raisons à ça. D’abord, ça nous permet de contourner le problème du Corky Root (Racine Liégeuse). Ce pathogène nous posait de gros problèmes, notamment dans les tomates. Passé mi-juillet, le pied présentait des signes de faiblesse et aucun nouveau fruit ne se formait. En choisissant un porte-greffe résistant, on s’affranchit complètement du problème. Ensuite, pour les aubergines, ça nous permet de gagner en précocité. La greffe permet d’obtenir un système racinaire de tomate, capable de «fonctionner» à des températures plus basses que celles des aubergines. Enfin, la greffe lisse la production et augmente la vigueur générale des plants. Que du bon ! C’est pour cela qu’on se risque à cette délicate opération.
La semaine a été particulièrement productive ! Outre les récoltes pour la dernière livraison de l’Amap et pour le marché de Vichy, il y a eu de nombreuses plantations (choux-fleurs, salades, choux-raves, choux-chinois et épinards) et préparation de planches (dont les premiers oignons et les premières carottes de plein champ). Il faut dire qu’on doit beaucoup de cette efficacité à nos petites mains de la semaine. D’abord, on a eu le droit au retour de Mickaël, qui effectue sa deuxième semaine de stage chez nous. Toujours aussi enthousiaste et curieux, on lui doit une belle récolte de mini-poireaux pour le marché (entre autres). Ensuite, il y a Thibault. Thibault, c’est un wwoofeur qui a déjà eu plusieurs vies et qui réfléchit à la suivante. Maraîchage ? Pourquoi pas. Mais en attendant, il visite et il «goûte» au métier. Il a toujours un petit carnet sur lui et il prend des notes un peu toute la journée. Du coup, ça nous donne l’impression de dire des trucs intelligents. Le soir, il recopie ses notes au propre… Quand on vous dit que les petites mains ne plaisantent pas ici !… Mentionnons que Guillaume (wwoofeur 2021) est passé faire un petit saut, en voisin, pour assister Fabrice dans le chantier des greffes d’aubergine. Bref, on s’est sentis une nouvelle fois très bien entourés cette semaine !
Pour une fois, on va faire court. Oh, c’est pas les sujets de discussion qui manquent en ce moment, hein ! Ça me démange d’ailleurs de vous donner mon avis sur le plan européen de réduction des dépendances énergétiques[1]REPowerEU, dans lequel on cherche des sources d’énergie alternatives au gaz russe sans évoquer une seule fois l’hypothèse de la sobriété – et je n’ai même pas parlé de décroissance, qui semble être un concept qui a tout simplement disparu de l’espace politique… Pourtant, nous, aux Grivauds, on aime bien cette idée de sobriété : faire simple, avec peu d’énergie fossile, peu de mécanisation et une dose raisonnable de temps humain. La sobriété, on la retrouve dans nos modes de vie et de consommation et elle ne fait pas de nous des gens à plaindre, bien au contraire ! Il y aurait là quelque chose à creuser, mais ça nous éloignerait un peu du jardinage.
Faire simple, c’est aussi ce qui nous a guidé pour notre approvisionnement de compost[2]compost de déchets verts. La plateforme de compostage la plus proche est celle du Sictom Nord-Allier, à Chézy. Mais ils ne livrent pas en dessous de 28 tonnes, avec des gros camions qui n’auraient pas la place de manœuvrer dans notre parcelle. On envisage d’abord la location d’un petit camion benne pour faire des allers-retours à Chézy et récupérer péniblement quelques tonnes du précieux or noir. Finalement, Fabrice a l’idée de contacter une entreprise du Puy-de-Dôme, Écovert Boilon, spécialisée dans le recyclage des déchets. Eux acceptent de nous livrer 12 tonnes dans un camion benne de taille raisonnable. Et nous voilà avec de quoi couvrir nos semis de carottes et de radis pendant 6 ans ! Et un problème de réglé !
Au rang des chantiers qui ne sont plus à faire, il y a la plantation des fraisiers en plein champ. Ça fait bien quelques années qu’on en parle et qu’on n’avait jamais franchi le pas. C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai mis en terre tous ces magnifiques plants ! Pour rappel, nous avons multiplié les fraisiers cet automne en utilisant les stolons produits par nos plantations de fraisiers historiques. Ils ont tranquillement développé leurs racines tout l’hiver et les voilà prêts pour affronter la dure vie qui sera la leur. Oui, parce que le printemps, ici, il n’est pas toujours de tout repos. Notamment sur le plan météorologique… Et où sont-ils plantés ? Eh bien, tout simplement sur une de nos buttes d’arbres fruitiers. Le temps que les arbres se développent, on n’a pas à craindre la concurrence et ça permet d’occuper la butte de façon productive. Tout simplement.
Oh non ! Pas eux ! Pas les légumes ! On aimerait tellement que l’inflation actuelle les épargne, qu’ils restent cette denrée populaire qu’on peut se mettre sous la dent sans craindre de jamais se ruiner[1]Sauf si vos légumes préférés sont les asperges, les haricots verts et la salade en mesclun…. L’année 2022 ne fait que commencer mais il y a gros à parier que les prix des légumes devront augmenter assez fortement. Pourquoi ? Tout simplement parce que les charges de fonctionnement des maraîcher·ères vont augmenter. En cause, deux facteurs distincts. D’abord, la hausse du prix du pétrole, dont on vous a déjà parlé précédemment. Et ensuite le fait qu’on sorte d’une mauvaise année agricole, ce qui augmente le prix des graines, des plants de pomme de terre, des bulbilles d’oignons, etc. Pour vous donner une idée, on s’est amusés à relever quelques prix tirés de nos factures de cette année et de l’année dernière. Pour chaque référence, on a été piocher chez les mêmes fournisseurs, histoire de comparer ce qui est comparable.
Quoi ?
Fournisseur
Prix début 2021
Prix début 2022
Taux d’augmentation
Gasoil (1 litre)
Bi1
1,38 €
1,73 €
+ 25 %
Plateau de mottes
Sabio d’Argile
3,00 €
3,00 €
–
1000 plants de poireaux Tadorna
Earl Fleury
50,60 €
52,60 €
+ 4 %
25 kg de bulbilles d’oignons Sturon
MonJardin
81,30 €
89,00 €
+ 9,5 %
25 kg de plants de pomme de terre Agata (cal. 28/35)
MonJardin
43,80 €
45,00 €
+ 2,7 %
250 Graines enrobée de Laitue Analotta
AgroSemens
16,20 €
16,70 €
+ 3,1 %
Toiles tissées 130g/m2 1,65m x 100m
Chipier
85,80 €
114,10 €
+ 33 %
Gants Maxidry T9
Triangle Outillage
10,20 €
8,50 €
– 17 %
Ce tableau ne prétend pas être très rigoureux : nous avons choisi quelques produits, sans méthode particulière. Néanmoins, on a la nette sensation que la hausse des charges de fonctionnement qui pèse sur les activités agricoles est bien supérieure à l’inflation (1,6 % en 2021). Et c’est particulièrement vrai pour ce qui est directement issu des industries pétrochimiques (gasoil +25% et toiles tissées en plastique +33% !). Cette hausse s’ajoute à celle des cotisations MSA. Cette année, la cotisation intègre les résultats 2020, qui ont été plutôt bons pour tout le monde. Sauf que … l’année 2021 a été nettement plus difficile et les trésoreries, à la sortie de l’hiver, ne sont pas toujours prêtes à affronter toutes ces augmentations. Donc, oui, malheureusement, il y a gros à parier que les maraîcher·ères répercuteront ces augmentations sur les prix des légumes… Est-ce déjà perceptible ? Je vous propose un deuxième tableau, présentant les prix moyens au kilo de certains légumes bio en décembre 2019, 2020 et 2021, pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les données sont issues des sondages effectués par la Frab AuRA auprès des producteur·ices bio.
Légumes
Prix décembre 2019 (en €)
Prix décembre 2020 (en €)
Variation 2019/2020
Prix décembre 2021 (en €)
Variation 2020/2021
Carotte
2,76
2,75
-0,4%
2,85
+3,6%
Betterave
2,80
2,82
+0,7%
2,89
+2,4%
Blette
3,06
3,12
+2,0%
3,23
+2,9%
Chou lisse
2,68
2,78
+3,7%
2,79
+0,4%
Courge Butternut
2,73
2,72
-0,4%
2,77
+1,8%
Pomme de terre chair ferme
2,33
2,26
-3,0%
2,33
+3,1%
Oignon jaune
3,08
3,07
-0,3%
3,14
+2,3%
Salade au poids
4,40
4,32
-1,8%
4,57
+5,8%
Poireau
3,37
3,42
+1,5%
3,40
-0,6%
Ces variations sont à comparer avec l’inflation moyenne de 2020 (+0,5%) et celle de 2021 (+1,6%). On le voit, 2020 a été une bonne année pour les producteur·ices et certains prix ont pu baisser. Par contre, en 2021, à part l’inexplicable baisse des poireaux, quasiment toutes les variations de prix sont au dessus de l’inflation. Mais elles restent modérées pour le moment. La hausse des charges n’a pas encore été complètement répercutée. Le sera-t-elle ? Les producteur·ices attendront-ils de savoir si leur année est bonne avant de modifier leurs prix ? Sur le marché de Vichy, nous, on a commencé à augmenter légèrement certaines références, ne le cachons pas. Tant que nos finances ne nous permettent pas de tirer des salaires régulièrement, on se considéra légitimes à le faire. Mais ça n’empêche pas qu’on n’a pas envie de nous couper d’une clientèle populaire et d’être considérés comme des «maraîchers luxueux»… Aussi, pour continuer à maîtriser nos prix, nous aussi, nous tablons sur une meilleure réussite de nos cultures cette année. Néanmoins, il reste une incertitude sur nos débouchés estivaux. L’année dernière, nos ventes s’étaient brutalement contractées en été et en automne, une tendance constatée à l’échelle nationale pour l’ensemble du secteur de la Bio[2]https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/l-essoufflement-du-bio-ne-signe-pas-la-fin-du-marche-mais-sa-necessaire-remise-en-question-150592.html. Un contexte difficile donc pour établir une stratégie à long terme.
Cette semaine, c’est Fabrice qui joue les rédac’ chef sur le blog. Ne vous laissez pas impressionner par la longueur de l’article : on vous raconte là quelque chose d’important ! Loin des jérémiades coutumières de la profession, les maraîchers auvergnats ont décidé de se réunir pour anticiper les problématiques liés au réchauffement climatique. Vous vous en doutez : l’EcoJardin des Grivauds se devait de participer à une telle entreprise…
Partant du constat qu’il était de plus en plus difficile de produire certains légumes et notamment l’été avec des canicules de plus en plus fortes et longues, mais aussi en raison d’aléas climatiques de plus en plus marqués, les maraîchers auvergnats ont décidé qu’il serait intéressant et nécessaire de pouvoir mettre en place des actions collectives pour repenser leur activité afin de faire face à tous ces changements. Après les deux dernières journées des maraîchers de janvier 2018 et 2019, nous avons évoqué l’idée de créer un collectif qui réfléchirait aux moyens à mettre en œuvre pour limiter notre impact sur le réchauffement et trouver des solutions techniques pour y faire face.
Un GIEE (Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental), ce sont des agriculteurs qui s’associent pour permettre l’émergence d’une dynamique collective et locale, qui prend en compte l’aspect économique et l’aspect environnemental. Ces groupements sont encouragés par la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt du 13 octobre 2014. L’idée de ces groupements est de réfléchir à ses pratiques sur l’exploitation et d’améliorer ses performances économiques, environnementales et sociales ! Ça peut être de réfléchir à ses achats d’intrants (fertilisation, bâches,…), à sa consommation en énergie (électricité, gaz et essence), dans le but de diminuer ses charges de production et par la même occasion d’être moins dépendants en énergies fossiles et plus résilients.
Aux origines du projet
C’est dans ce cadre, en juin 2020, sous l’impulsion d’Alexandre Barrier-Guillot, le technicien maraîchage de la FRAB AuRA (Fédération Régionale de l’Agriculture Biologique Auvergne-Rhône-Alpes), qu’a été déposée une demande de financement d’un an pour la création d’un GIEE émergence « Maraîchage et Climat ». Ce projet devait permettre à un collectif de maraîchers représentatifs de la diversité des fermes auvergnates de travailler ensemble sur ce sujet d’actualité qu’est l’adaptation des fermes face aux changements climatiques ; le financement permettant de couvrir les coûts de pilotage et d’accompagnement par le technicien ! Un petit groupe de 14 fermes maraîchères (3 dans l’Allier, 1 dans le Cantal, 1 en Haute-Loire et 9 dans le Puy de Dôme) se réunit pour la première fois en mai 2020 en visioconférence. Cette première rencontre avait pour objectif que chacun présente sa ferme (les particularités de son système) et fasse part aux autres de ses inquiétudes sur l’impact des changements climatiques, vécus et attendus, sur son activité maraîchère et de ce qu’il a commencé à mettre en place pour y faire face. Dans un deuxième temps, il s’agissait pour chacun de définir ses attentes et d’exprimer ses motivations pour faire partie du groupe.
En novembre de la même année, nous nous sommes réunis, toujours en visioconférence, pour le lancement officiel de ce projet, intitulé « Aménager sa ferme et améliorer ses pratiques pour s’adapter et lutter contre le réchauffement climatique ». Nous avons tout d’abord réfléchi au mode de fonctionnement du groupe (salon sur Discord, lien vers tous les documents sur Dropbox fréquence des réunions, en visioconférence ou en présentiel,…), défini les objectifs à atteindre sur la première année avec l’idée de déposer un dossier GIEE reconnaissance pour 3 ans qui permettrait de prolonger et approfondir le travail mené.
Le temps du diagnostic
Le premier travail a été de réaliser un diagnostic agro-écologique de sa ferme avec un outil mis au point par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et l’ACTA, structure nationale de coordination des Instituts Techniques Agricoles. Cet outil, composé de 5 modules, traite des pratiques, des performances, des démarches (évaluation des résultats de l’exploitation sur les dimensions économiques, environnementales, sociales et sanitaires), de la synthèse (estimation du degré d’engagement dans la démarche agro-écologique) et des pistes de progrès. En gros il s’agissait de faire une photographie de sa ferme à un instant donné ; cet état initial permettant à chacun de connaître sa situation par rapport aux critères évalués.
Dans un deuxième temps chacune des fermes a été visitée par le technicien et les membres du groupe quand c’était possible. Pour ma part, j’ai pu me rendre à 3 visites et nous avons reçu sur notre ferme une dizaine de maraîchers (photo article sur la visite) en mars 2021. Ces visites devaient permettre d’avoir des discussions autour de l’aménagement de sa ferme face aux changements climatiques, de faire émerger les questions communes auxquelles nous pourrions répondre après un travail sur 3 ans dans le but de vulgariser et diffuser nos résultats aux autres maraîchers d’Auvergne et d’ailleurs.
Pour clôturer cette première année, nous nous sommes réunis lors de la dernière visite de ferme, chez Floraine dans le Puy-de-Dôme, pour faire le bilan de ce travail, identifier les besoins et envies en formation et définir notre plan d’action pour 3 ans pour déposer le dossier GIEE reconnaissance.
Notre grand regret sur cette première année, lié à la pandémie, a été de ne pas pouvoir faire le voyage d’étude que nous avions préparé pour visiter des fermes en région PACA qui ont déjà mis en place des actions, car déjà confrontés aux aléas climatiques et notamment à la chaleur excessive et au vent.
Notre dossier GIEE reconnaissance est déposé en avril et sera validé en juillet. L’intitulé exact, qui a évolué depuis mars, est désormais « la Synergie des Maraîcher(e)s Auvergnat(e)s face aux Changements Climatiques » (SMACC), avec pour sous-tire : Repenser sa ferme maraîchère pour anticiper, s’adapter et lutter contre le réchauffement climatique.
Convergences et mise en place des objectifs
La première rencontre de démarrage a lieu en novembre 2021. C’est sur la ferme de Marian, maraicher en Haute-Loire, que cette première journée se déroule. Pour ma part je suis en visioconférence ainsi qu’un autre maraîcher ! Il faut dire que cette pandémie aura eu le mérite de développer les échanges en visioconférence – auparavant nous nous serions faits excusés pour notre absence !
Au préalable à cette réunion Alexandre nous propose de remplir un questionnaire très détaillé (diagnostic amélioré) pour nous permettre de prendre du recul sur nos pratiques et pour lui d’en faire une synthèse afin de faire ressortir les points de convergence. Après un rappel sur ce que nous avions décidé en mars lors de la clôture, il nous propose quatre actions prioritaires, avec pour chacune d’elles, les objectifs et les moyens mis en œuvre, et un calendrier sur trois ans qui fixe les échéances.
Suite aux échanges de la matinée sur les actions présentées, sur le retour des questionnaires, nous décidons de nous focaliser sur 3 grands thèmes de travail, l’aménagement de sa ferme, la consommation d’intrants et les itinéraires techniques de production. Comme nous sommes 15, les groupes thématiques seront constitués de 5 maraîchers, dont un pilotera le travail. Pour ma part, je pilote le groupe sur les aménagements de la ferme, vous comprendrez pourquoi ! Dans ce groupe il y a Maud, Maxime, Martin et Marian, je décide donc de me renommer, désormais c’est Mabrice, tout le monde est d’accord, on peut se lancer !
Le véritable travail commence ! Chacun des groupes a un peu plus d’un mois pour lister les éléments à prendre en compte sur sa ferme pour tout ce qui concerne l’aménagement, l’utilisation d’intrants, les itinéraires techniques de production, et les catégoriser. En ce qui nous concerne, nous définissons 9 catégories dont les plus importantes sont le cheminement de l’eau, les aménagements spécifiques à la biodiversité (c’est là que j’ai toute ma place !), le rôle de l’arbre et la haie, le travail du sol (diminuer la fréquence et la profondeur) et les aménagements liés à l’ergonomie. Chacun des deux autres groupes mène un travail similaire.
Nous nous sommes retrouvés le 24 janvier dernier sur la ferme de Gabriel dans le Puy de Dôme pour faire le point sur le travail réalisé. Chacun des groupes présente aux autres ses réflexions, les catégories définies ci-dessus et échange sur ce qu’il pense proposer à l’ensemble des membres. A l’issue de cette journée, nous nous sommes engagés à réaliser un travail sur les 3 années, facilement réalisable en parallèle à notre activité de maraîcher. Pour cette année 2022 chaque maraîcher devra avoir une vue aérienne de son exploitation (idéalement une photo effectuée par drone pour le détail des éléments), repérer et lister tous les éléments favorables à la biodiversité (arbres, haies, mares, murets,…), connaître sa consommation en eau, connaître la pluviométrie sur sa ferme, avoir une analyse de sol récente (chimique et biologique), évaluer sa consommation d’énergie (carburant, électricité, gaz), et avoir une idée de sa consommation de carburant par poste d’itinéraires techniques (préparation du sol, entretien des cultures, récoltes,..). Le travail à réaliser cette année n’est pas insurmontable mais il faut s’accrocher et rester motivé ; l’enjeu est grand !
Continuer à se former pour bousculer les idées reçues
Pour compléter ce temps d’échange nous prenons connaissance du calendrier des évènements prévus sur l’année (formations spécifiques, visites de ferme et bilan). La première formation se déroule du 31 janvier au 1er février sur le cycle de l’eau avec une figure incontournable pour les maraichers sur sol vivant, Hervé Coves et sa célèbre citation : « la vie est belle » ! Ces 2 journées, très riches en information, nous aident à mieux comprendre le fonctionnement du sol, le rôle des arbres et des champignons mycorhiziens dans la circulation de l’eau, dans le sol, les plantes et dans l’air. On aborde des sujets sur lesquels les scientifiques travaillent et qui apportent de nouvelles connaissances sur le fonctionnement très complexe du sol. Deux termes sont mis en avant, la trame ectomycorhizienne et la trame endomycorhizienne. Cette notion de trame de mycorhizes sera développée dans un prochain article.
Au moment où j’écris cet article, on peut lire dans le journal Le Monde que notre premier ministre annonce un développement du stockage de l’eau pour l’agriculture (quelle agriculture je vous le demande ?), notamment à travers la mise en place de « méga-bassines ». Pendant que nous petits paysans et petits consommateurs d’eau réfléchissons à optimiser et diminuer l’utilisation de cette précieuse ressource, notre gouvernement promet aux plus grandes exploitations très consommatrices (soutenues par leur puissant syndicat) de ne surtout rien changer et d’amplifier le gaspillage pour des cultures très gourmandes (dont le maïs), dont l’intérêt est plus que discutable !
Nous, petits paysans, en sommes conscients et nous engageons à être des modèles de ce qui peut être mis en place pour diminuer notre impact sur l’environnement. Mieux utiliser la ressource en eau en agissant sur le microclimat à l’échelle de sa ferme (créer une ambiance forestière), utiliser des techniques moins gourmandes en eau (paillages, irrigation localisée,…), diminuer l’utilisation des intrants en développant des techniques alternatives (engrais verts, moins de travail du sol,…). Nous sommes tous très investis et avons choisi de réfléchir et d’agir collectivement, même si ce n’est pas toujours facile de concilier notre travail de maraîcher avec ce projet. Notre certitude, c’est que cette démarche nous rend plus forts pour affronter ces changements et que, déjà, avec la prise de recul sur nos pratiques nous allons améliorer nos performances économiques et environnementales dès cette année !
Fabrice Landré
Ci-dessous, une galerie de photos pour illustrer le travail réalisé aux Grivauds cette semaine :
«Oh non ! ils vont pas nous refaire le coup des jours qui se rallongent, des fleu-fleurs qui s’ouvrent et des zozios qui gazouillent ?» Si. C’est comme ça. Et c’est d’ailleurs un peu ça qui nous motive à être autant présents sur le terrain à cette période de l’année : assister à la mise en place du printemps. Fleur par fleur, oiseau par oiseau, papillon par papillon. Les années passent, mais l’émotion reste la même ! – «Oh, ça y est les véroniques persicaires sont en fleur !» – «Oh, on entend l’Alouette lulu !» – La semaine a été exceptionnellement douce et agréable : le temps a été globalement couvert mais ponctué de magnifiques éclaircies. Un peu de pluie mais sans excès. On sent que toute la végétation répond favorablement à cette poussée printanière ! Les bourgeons enflent, les premières floraisons d’annuelles sont visibles (Véroniques de Perse, Érodiums, Cardamines hirsutes et Paturins annuels) et les prunelliers se préparent à entrer dans la fête. Mais la preuve la plus nette que la saison s’enclenche, ce sont les mésanges qui nous la donnent : on les entend chanter à tue-tête toute la journée (sauf quand le vent est trop fort). La Mésange charbonnière joue fièrement les klaxons à deux tons alors que la Mésange bleue siffle son motif descendant avec élégance. Ça circule d’arbre en arbre et tant que les feuilles ne sont pas là, c’est facile de voir leur petit manège.
Dans cette ambiance tiède, nous aussi on prépare le printemps ! Symboliquement, on effectue le premier semis de solanacées : les premières aubergines sont lancées ! On sème des radis à tour de bras et on plante de la salade. On se dépêche de planter nos derniers arbres de l’année (dont les figuiers) : bientôt, la priorité, ça va être d’installer tous les légumes nouveaux (oignons, navets, choux de printemps). Les serres d’intersaison vont de nouveau se remplir ! Avec nous, cette semaine, un ‘petit’ nouveau au jardin : Mickaël. Mickaël passe son Bprea et a prévu de faire quelques stages avec nous. Son projet n’est pas de s’installer comme maraîcher mais de chercher un poste salarié. On est impressionnés par son parcours, qui inclue de très longues périodes de wwoofing (dont une année complète chez une éleveuse de chèvres). Il a prévu de revenir courant mars : on aura l’occasion de vous reparler du gaillard.
Qu’on se le dise : les Grivauds vont bientôt avoir besoin d’un·e nouvel·le associé·e ! Que la nouvelle se répande dans tout le bourbonnais et au delà ! Dans les lieux de formation, chez les porteurs de projet, partout où une envie de reconversion paysanne pourrait trouver une oreille sensible. Qu’on l’annonce comme une bonne nouvelle : une place de choix se libère dans un des plus beaux jardins maraîchers de l’Allier, une chance de transmission de connaissances et de savoir-faire, d’exigence et de passion ! Car dans un peu plus d’un an, je (Denis) vais partir[1]Mon départ est prévu pour mars 2023, après la dernière livraison de paniers de la saison..
L’ÉcoJardin des Grivauds, c’est un des jardins MSV[2]MSV = Maraîchage sur Sol Vivant les plus aboutis de la région. Pour rappel, il a été créé en 2011 (il y a 11 ans !) par Fabrice. Le passage en MSV a lieu en 2017 et mon arrivée en 2018. C’est un lieu d’expérimentation mais aussi un lieu où les itinéraires techniques arrivent à maturité. Où l’expérience permet d’être mieux préparés face au changement climatique. Où l’organisation du travail permet de limiter le stress sur le terrain et de diminuer progressivement la charge de travail. Où le gros des investissements est terminé et où l’équipement permet de se concentrer sur la production. Où on produit de beaux plants, où on paille et on plante à tour de bras, où on récolte généreusement ! Où les produits ont un goût inimitable. Ah ! les carottes et les tomates des Grivauds… Elles vont me manquer, c’est sûr ! Et puis, l’ÉcoJardin des Grivauds, c’est là que j’ai appris mon métier de maraîcher. Avant cela, je n’avais eu que des expériences de wwoofeurs ou de salariat agricole. Dernière chose, et pas des moindres, c’est là que j’ai attrapé le virus du naturalisme : mes rudiments de botanique, d’ornithologie, d’entomologie, c’est ici que j’ai tout appris ! Fabrice a été un excellent mentor pour moi et je ne serais pas le maraîcher que je suis sans son expérience et son sens de la transmission !
Dès lors, pourquoi partir ? Il y a environ un an, ma situation familiale a changé et je suis redevenu célibataire. Je me suis remis à rêver ma vie et j’ai fait remonter à la surface de vieux rêves bien enfouis. En particulier celui de vivre en communauté et/ou de travailler dans un cadre collectif. J’ai de nouveau des envies d’écovillage, de grandes fermes aux productions variées, de lieux de vie mêlant travaux des champs et activités artistiques… Je me sens encore jeune et je me dis que j’ai encore l’énergie de me lancer dans une nouvelle aventure. Quelques mois plus tard, je faisais la rencontre d’Hélène, que vous connaissez sans doute si vous lisez ce blog. Elle débarque chez nous comme wwoofeuse, avec l’intention de se former pour devenir maraîchère. Maraîchère dans un projet de ferme collective… L’entente est excellente et l’occasion est trop belle : je saisis la balle au bond et je prépare ma sortie des Grivauds.
Fabrice va donc avoir besoin d’un·e nouvel·le associé·e pour prendre ma relève. On a une pleine année pour y arriver. Idéalement, on rêverait d’un certain tuilage entre mon départ et l’arrivée du nouveau (de la nouvelle) collègue… Une annonce va bientôt être lancée mais nous pensons que le bouche-à-oreille n’est pas à négliger, et c’est la raison d’être de cet article. Vous voilà donc les dépositaires de la grande énigme de cette année : mais qui travaillera à l’ÉcoJardin des Grivauds l’année prochaine ?…
À la semaine prochaine,
Denis
Ci-dessous, quelques photos des travaux de la semaine :
Le plastique, c’est mal. C’est nul. C’est moche. Ça pollue. C’est fait avec du pétrole, et le pétrole, c’est caca. Faut le laisser dans le sol le pétrole, ça tout le monde le dit. Le plastique, c’est LA matière favorite du capitalisme. Facile à produire et rapidement périssable, c’est le symbole de l’industrie cheap par excellence. Dans les cercles msvistes[1]les groupes facebook sur le MSV ou quelques collègues anti-plastiques-100%-naturels-pasdeçachezmoi, j’ai fréquemment entendu dire que faire du sol vivant (MSV) et mettre des bâches plastiques sur le sol c’était antinomique. Que le plastique, ça asphyxie les sols. Que ça les pollue. J’aimerais leur donner raison. Vraiment. Mais, malheureusement, la réalité est bien plus complexe, comme toujours.
Il y a quelque chose qui m’a toujours fasciné, c’est de lever une toile tissée et de constater à quel point le paillage plastique dope l’activité des vers de terre ! Les planches qui sont bâchées l’hiver possèdent une densité de turricules[2]déjections que laissent les vers de terre anéciques au-dessus du sol bien supérieures à celles qui ne le sont pas. La paille y est plus dégradée, ou, du moins, plus ingérée par le sol. La raison est très simple : il fait tout simplement plus chaud sous une bâche noire, et les vers de terre peuvent travailler sur une période plus longue, car la température du sol descend moins bas en hiver que sous une simple paille. Et il n’y a pas que les vers de terre qui travaillent mieux : souvent, sous une bâche plastique, ça grouille de vie ! Cloportes, fourmis, araignées, carabes, campagnols, limaces, tout le monde s’en donne à cœur joie ! C’est aussi pour une question de réchauffement du sol qu’on installe une écrasante majorité de nos cultures d’intersaison sur toiles tissées. Les choux-fleurs, les navets, les salades, tous ces légumes peinaient à démarrer dans nos sols froids avant qu’on ne se décide à investir dans du plastique.
Une culture sur toile tissée (ou sur polyane), c’est une culture qui s’enherbe moins. C’est du temps de gagné pendant la culture, parce qu’on n’a pas besoin d’aller éliminer le mouron de 100% de la surface de la planche, mais juste des trous qu’on a ouverts pour planter les épinards. C’est aussi du temps de gagné lorsqu’on passe à la culture suivante : les potentilles et autres rampantes ne sont pas venues sournoisement s’inviter dans notre mulch et on peut rapidement transformer un mesclun en semis de carottes. Dernier avantage : dans une année humide comme celle qui vient de se terminer, la paille peut poser des problèmes sanitaires sous les salades. Au contact de la paille constamment mouillée, des champignons se forment sur les feuilles et on perd beaucoup de temps à nettoyer la salade avant de la récolter. Pour être parfaitement sincères, reconnaissons qu’au printemps, lorsqu’il commence à faire chaud dans les serres, les salades sur paille sont souvent les plus saines.
Pourquoi, alors, continuer à pailler nos cultures avec des matières organiques ? Eh bien, tout simplement pour nourrir le sol. Car c’est le principal défaut du plastique : si on se contente d’occulter sans nourrir, alors le sol perd en fertilité d’année en année. On peut placer un mulch organique sous les toiles tissées pour trouver un compromis entre nourrir et réchauffer (c’est ce qu’on fait pour les courgettes de printemps par exemple). On peut aussi utiliser un bâchage plastique après un engrais vert (c’est le cas de nos choux). On peut aussi choisir d’alterner, sur une même planche, des cultures sur plastiques et des cultures sur paille. Et puis, en plein été, au moment des canicules, les cultures sur paille prennent beaucoup moins de brûlures que celles sur plastiques, ce qui est logique.
Alors, si le MSV demande une certaine dose de plastique, peut-on tout de même dire qu’il s’agit d’une pratique vraiment écologique ? Il faut se souvenir que le travail du sol est une activité à la fois consommatrice d’énergie fossile (quand elle est mécanisée) et polluante, du fait de la dégradation des sols qu’elle engendre. Le MSV limite l’érosion et le lessivage des éléments minéraux. Et permet d’y stocker plus d’eau et plus de carbone. Notre pratique du MSV nécessite un peu de plastique, certes, mais réduit énormément notre consommation de carburant. Un mal pour un bien ? À vous de juger…
De retour aux Grivauds, de retour sur le blog. Oui, j’ai vécu un petit moment de déconnexion. Déconnexion de notre ÉcoJardin. Je me suis offert une semaine de vacances ! J’ai donc quitté Fabrice, les chats et les cultures pour aller vivre d’autres aventures en de lointaines contrées. Une courte semaine qui s’est hélas terminée dans des vapeurs covidées et qui a retardé mon retour au jardin. Si bien que lorsque mes pieds ont de nouveau foulé la terre collante de nos chemins détrempés, j’ai d’abord ressenti un sentiment étrange de dépaysement. Suis-je bien de retour ? Le jardin est rangé de fraîche date seulement et je n’ai pas eu le temps de m’habituer à la nouvelle conformation des lieux. Par ailleurs, Fabrice a continué à travailler pendant mon absence et le verger a lui aussi été sérieusement rafraîchi ! Même dans les cultures : malgré le temps très froid, j’ai la sensation que tout le monde a un peu profité de mon absence pour se développer : l’ail, la mâche, les scaroles…
Il y a des choses qui ne changent pas aux Grivauds, et auxquelles je suis confronté immédiatement. Par exemple : la météo est vraiment toujours aussi agressive ! En ce moment, on traverse une période sèche, qui alterne entre deux types d’ambiance. La première, celle qui domine, est à dominante nuageuse, ou brumeuse, avec une gelée matinale modérée (-1°C) et une amplitude thermique extrêmement réduite. Avec si peu de lumière, la température ne monte pas vraiment en serre et la végétation stagne. La deuxième, plus claire, permet d’avoir de franches éclaircies et de voir le ciel étoilé la nuit. Les gelées sont alors beaucoup plus prononcées au petit matin (jusqu’à -7°C il y a deux semaines) et le mercure peine à atteindre 4°C l’après-midi, avec une bise légère mais suffisamment présente pour donner une sensation thermique piquante. Par contre, grâce à la lumière, ça chauffe en serre et on peut relever des 10°C l’après-midi, ce qui permet de remplir les cœurs des feuilles de chêne et de faire pousser les épinards. Ce qui est décourageant, c’est que les phases météorologiques sont très longues : on a l’impression d’avoir à attendre souvent plusieurs semaines de suite avant de constater de vrais changements. Pour cette vague, Météo France nous prévoit un retour à un temps humide à partir du dimanche 30 janvier. Mais ça a le temps de changer d’ici-là…
Pour conclure en beauté cette reprise de contact, je vous propose de faire un point sur l’état de nos cultures au cœur de l’hiver à travers les photos qui illustrent cet article. Et, qu’on se le dise, c’est bon de vous retrouver !
On va vous avouer quelque chose. Attention, vous allez être surpris·es. En fait, eh bien, on aime beaucoup les plantes. Voilà. Toutes les plantes, même. Et des plantes, on en trouve même en hiver dans les jardins. Sauf dans ceux qui sont méticuleusement retournés et qui passent tout l’hiver le sol à nu. Mais ça n’est pas le cas aux Grivauds. Bref. En hiver, il y a une plante très présente dans nos serres, c’est le célèbre Mouron des oiseaux – aussi appelé Mouron blanc ou Stellaire médiaire. Cette plante est considérée comme une mauvaise herbe par les jardiniers : elle vient s’installer au pied des épinards et elle leur joue tout un tas de tours pendables. Cette plante transpire énormément et crée un climat très humide au ras du sol, propice à l’installation de maladies dans les cultures. Elle a un caractère concurrençant (pour l’eau et pour l’azote) et elle est même allélopathique : elle empoisonne légèrement le sol autour d’elle avec des substances phénoliques qui ont des effets négatifs sur les graminées. La coquine. Facile à désherber au stade plantule, elle développe rapidement un système racinaire fasciculé qui l’attache solidement au sol malgré une tige principale ridiculement fine. Impossible de l’arracher sans emmener une grosse portion de sol. Et quand elle est très développée, ses nombreuses tiges s’emmêlent sur le sol et n’autorisent plus le passage de la houe, qui se retrouve vite empêtrée de mouron.
Mais nous, le Mouron, on l’aime bien. Avec ses délicates petites fleurs blanches en forme d’étoile, typiques des stellaires, on la trouve craquante ! D’ailleurs elle est parfaitement comestible : c’est même une excellente salade d’hiver, douce et sans aucune amertume. Et puis, elle nous apporte une information importante sur nos sols : comme c’est une plante nitrophile, sa bonne santé nous indique si notre sol est bien fertile. Jaune et chétive, elle nous avertit que nos salades d’hiver risquent de rester petites si on ne fertilise pas rapidement notre sol. Comme son zéro végétatif se situe à 2°C, elle est capable de pousser tout l’hiver et fleurit dès janvier, si on ne la désherbe pas avant. C’est donc une des floraisons les plus précoces de l’année. On essaie de limiter son installation en veillant à ce que nos sols restent bien paillés en automne. Mais, visiblement, ses graines peuvent germer même avec très peu de lumière et même si elles ne touchent pas le sol. On se retrouve donc condamnés à désherber toutes nos cultures (y compris celles sur bâche !) au moins une fois entre novembre et janvier si on ne veut pas risquer d’être envahis. Petit travail d’hiver pas bien méchant à condition de s’y prendre à temps.
À côté de ça, il y a les GROS chantiers d’hiver, ceux qu’on repousse toute l’année en ce disant que ça fera de quoi occuper nos calmes semaines de fin décembre. Par exemple, il y a le rangement et le nettoyage de tous nos espaces de travail, champ y compris. Le processus est simple : on choisit un lieu, on rassemble tout le matériel et les déchets qui s’y trouve, on trie et on range. Si c’est un espace ouvert, alors Fabrice en profite pour tondre la végétation. Progressivement, les Grivauds gagnent en clarté, en lisibilité, en ergonomie («tel outil a définitivement plus sa place ici qu’ailleurs»). À nos côtés, Hélène fait de nouveau des merveilles. Multirécidiviste sur notre ferme, qu’elle connaît désormais comme sa poche, elle prend de nombreuses initiatives et rend ce moment de remise à neuf du site prodigieusement ludique. Après cette semaine très dense et très productive, on se sent prêts à affronter 2022 sur de bonnes bases. En espérant que la météo suive notre enthousiasme.
Bonne année à toutes et tous et bonne salade de Mouron !
On a beau fixer le plant de mâches droit dans les yeux en lui murmurant des encouragements, il semblerait qu’il a décidé de faire une pause et de ne pas respecter notre calendrier de plantation. Et nous voilà errant dans le jardin, avec cette drôle d’impression de ne plus rien avoir à y faire… On est en pause de plantations, on est en pause de paniers d’Amap, on est en pause de désherbage : toutes les planches d’hiver (épinards, mâches, salades) sont propres… Les fraisiers ne nécessitent plus d’entretien depuis qu’on les a déménagés et c’était quand même un gros marronnier d’hiver pour nous. En plus, on est secondés par des wwoofeurs d’enfer (aaaaaahhhh, Nicolas…), qui nous donnent l’impression que le jardin pourrait tourner tout seul sans nous.
La météo nous le crie dans les yeux, dans les bottes et dans les gerçures de nos lèvres depuis 1des semaines : on est en hiver ! Mais nous, on avait du mal à y croire, comme si ce moment de flottement était illégitime, comme si on n’avait pas le droit de réduire la voilure, d’en faire un peu moins au cœur de la basse saison. Du coup, on termine notre comptabilité, on passe les commandes de graines, on fignole le plan de culture. Et on profite du retour d’un temps un peu plus sec pour tailler nos haies. L’occasion, comme toujours, de petites conférences gesticulées autour de l’écologie des Grivauds. «Bon, Nicolas, aujourd’hui, on parle des rosacées/des mycorhizes/des plantes pionnières/etc.» Et Nicolas riposte en me retraçant l’histoire du reggae ou en se lançant dans une séance d’impro théâtrale. D’ailleurs, j’avais envie de vous offrir une petite vidéo du lascar, en train de préparer un argumentaire de vente pour notre matériel agricole :