Fabrice et moi, on adore le céleris rave. On le prépare en gros bâtonnets crus qu’on trempe ensuite dans une sauce à la crème ou dans de la mayonnaise. Le goût est soutenu mais plus léger que si le légume est cuit. On y distingue même de légères nuances anisées. La consistance peut dérouter ; c’est croquant, mais pas autant qu’une carotte, et ça n’est pas juteux du tout, contrairement à un radis. On pourrait faire un long inventaire des légumes qu’on gagnerait à manger plus souvent cru, tant la mise en œuvre est simplissime : navet, chou-rave, chou blanc, chou-fleur, betterave, fenouil, etc. Préparer quelques bols de crudités, histoire de mettre un peu de couleurs, de saveur et de vitamines sur la table, c’est vraiment un geste quotidien pour nous. Le temps qu’on y consacre est minimum. À ce stade, je devine, cher lecteur, que vous avez le sourcil froncé. «Mais où veut-il en venir ?» Patience.
Combien de fois avons-nous entendu, sur le marché, à l’Amap, dans nos propres cercles intimes : «mais ça, je ne sais pas comment ça se prépare» ? Et de nous demander une recette. Personnellement, face à un nouveau légume (oui, ça m’arrive encore), je ne commencerais pas par aller feuilleter frénétiquement mes livres de recettes ou me ruer sur internet. Je le sens, je le découpe, je le rappe et ensuite seulement j’essaie de le cuire. Et la plupart du temps, pour un premier contact, l’histoire se termine dans le panier vapeur de ma cocotte. Ces étapes sont importantes : ça me permet de mieux cerner la personnalité du légume et d’en exploiter plus tard le potentiel gustatif. C’est comme ça que j’intégre dans mon propre répertoire culinaire des légumes comme le cerfeuil tubéreux, le rutabaga ou une nouvelle courge. Attendez ! Quoi ? Même la courge se mange crue ? Oui. Et je me souviens de Pierre-Yves, le collègue de la ferme de Joca, qui me fait goûter une fine tranche crue de Galeuse d’Eysine en me lançant «alors ? ça a un goût de pomme, non ?». Ma cocotte, c’est vraiment une arme redoutable pour s’approcher de la vérité toute nue du légume. Je découpe de gros quartiers (pommes de terre, carottes, courges, panais, navet, etc.) et je fais cuire une dizaine de minutes à la vapeur. Au moment du service, on peut faire très simple : un filet d’huile d’olive, un tour de poivre du moulin, une noix de fromage à pâte persillée qui viendra fondre langoureusement au contact du légume tout chaud. Je ne cesserai de vous le répéter : si le légume est bon, foutez-lui la paix !
«Bon, mais à part discuter cuisine, vous faites quoi aux Grivauds ?» Bon, d’abord, je vous signale qu’on a toute une saison dans les pattes, alors, on a le droit d’aborder de temps en temps des sujets plus légers, et toc ! Et donc aux Grivauds, cette semaine, on a fait avancer plusieurs chantiers, comme le débâchage des courges ou comme la désinstallation des aubergines. Mais l’essentiel n’est pas là ! Non, l’essentiel c’est que je me suis offert deux jours de congés ! Et que lundi, Fabrice a passé la matinée les yeux en l’air pour compter les passages de pigeons en migration. Ça y est, après sept mois d’une rare intensité, on commence enfin à relâcher un peu le rythme…
À la semaine prochaine !