Allier Bio : se rassembler, s’organiser, peser

Quel est le point commun entre nos collègues de Layat (à Trézelle), des Mangetouts (à Saligny-sur-Roudon) et nous (ÉcoJardin des Grivauds) ? «Vous sentez tous la sueur à la fin de la journée ?» Non non, vous n’y êtes pas ! Sachez que nos trois fermes sont adhérentes à Allier Bio ! De même qu’une quarantaine d’autres fermes dans l’Allier. Avec nos journées de travail à rallonge, il est compréhensible qu’on manque d’énergie et de temps pour se structurer en réseau. Et pourtant… Notre agriculture, héritière d’un demi-siècle d’intensification à base de pétrochimie, n’en est qu’au tout début de sa révolution écologique. Si la société civile a une part à jouer dans la mutation de notre production agricole, ceux qui sont concrètement engagés dans des pratiques plus vertueuses sont aux premières loges pour défendre un nouveau modèle. Échanger, se former, confronter les techniques, voilà déjà un premier intérêt à se réunir. Et puis, il y a la promotion de la filière, sa structuration à un échelon local, encourager les conversions, aider les nouvelles installations. Et surtout, défendre les intérêts des agriculteurs bio.

Allier Bio a été créée en 1992. Je vous épargne un certain nombre de vicissitudes mais toujours est-il qu’en 2018, il n’y avait plus qu’une douzaine d’adhérents et l’association était moribonde. Sous l’impulsion d’un petit groupe motivé, l’association a alors commencé à retrouver le chemin de la lumière. Se réunir régulièrement de nouveau, constater le besoin d’une organisation départementale des producteurs bio, faire émerger des pistes de réflexion, tout ça prend du temps. Ceux qui sont passés aux Grivauds ces derniers mois ont pu voir Fabrice s’éclipser fréquemment, que ce soit pour des visio-conférences ou des déplacements. Un tel engagement de sa part aurait-il été possible à l’époque où il était seul à faire tourner la boutique ? Sans doute que non. C’est pour cela que vous ne m’entendrez pas râler en récoltant les haricots en son absence. Car, même si j’avoue avoir du mal encore à sortir du jardin, je soutiens pleinement la cause. Retournons à nos moutons. Allier Bio a reçu l’aide d’une des animatrices de Bio 63, l’association jumelle de la nôtre du côté Puy-de-Dôme. Sous son impulsion, une campagne d’adhésion est relancée et un processus de recrutement pour un(e) salarié(e) est mis sur les rails. Une assemblée générale a été tenue lundi et elle a réuni une trentaine de participants (producteurs, distributeurs, consommateurs, membres de la Chambre d’Agriculture, etc.). La nouvelle salariée (Julie Bourry), tout fraîchement recrutée, est aussi présente. Fabrice en ressort très enthousiaste : «il y a une vraie dynamique et chacun a pris conscience de la nécessité de se réunir de nouveau sur le département.» Les adhésions se poursuivent et il y a encore de la marge ; l’Allier compte tout de même 350 producteurs bio ! Rapidement, l’association doit être en mesure de proposer des formations, des visites, des colloques, de la documentation, etc. Il y a donc du pain sur la planche !

Cécile, ex-wwoofeuse, désormais ouvrière agricole aux Grivauds. Qu’on vienne pas nous dire que l’ascenseur social est en panne ! Notez que pour lui souhaiter la bienvenue, on essaie de l’amadouer avec de gros légumes. Car oui, c’est bien une betterave de 2,4 kg que Cécile vient de récolter ! Notez aussi que si ça continue comme ça, on aura bientôt des légendes de photo plus longues que l’article lui-même. Vraiment n’importe quoi !

Et maintenant, la réponse à la question que tout le monde se pose depuis la semaine dernière : mais qui donc ont-ils employé(e) pour les aider pour les semaines à venir ? Résumons les épisodes précédents. Nous récoltons beaucoup (et en particulier des haricots) et nous faisons de gros marchés en ce moment. Nos wwoofeurs ne nous suffisent plus et nous devons passer à la vitesse supérieure en terme de main d’œuvre. Ajoutons à ça que le wwoofeur qui devait venir cette semaine et qui avait réservé sa place en mai… ne vient tout simplement pas et ne répond plus à ses messages. Bref, cette semaine, si on avait pas pris les mesures qui s’imposent, on aurait été tous seuls et on aurait sans doute passé l’intégralité de la semaine à récolter/préparer les Amaps/préparer le marché de Vichy. Et pendant ce temps-là, les plants traînent dans les caisses et poussent de petits cris lamentables à chaque fois qu’on passe devant : «plantez-nous ! plantez-nous !». L’horreur ! Alors ? Eh bien, on a appelé à l’aide celle qui a gagné le prix de la wwoofeuse la plus déjantée des Grivauds : Cécile ! Elle est déjà venue deux fois nous voir, elle connaît nos cultures par cœur, elle récolte les courgettes comme personne et elle nous fait très souvent rire ! Le CV parfait. On a évidemment une pensée pour Maxime, notre génial saisonnier de printemps, qui débute actuellement sa formation pour devenir maraîcher à son tour et qui est donc indisponible, de fait.

Avons-nous rattrapé notre retard cette semaine ? Non, malheureusement. Nous avons bien réussi à nettoyer deux planches en serre 5 mais nous n’avons planté que 4 caisses de mâches. Et le plant de mesclun est tellement haut que nous allons devoir le tailler avant de le planter… Mais ne désespérons pas : la semaine prochaine, nous serons 4 dans le champ. Car, nous recevrons pour deux semaines une stagiaire qui est déjà passée aux Grivauds en tant que wwoofeuse… Saurez-vous deviner qui ?

À la semaine prochaine !

«Ah non mais c’est pas vrai, ils nous refont le coup du suspens comme la semaine dernière ? Mais quel manque d’imagination !» Oui, bon, écrivez un article par semaine pendant 3 ans et ensuite vous viendrez me donner des leçons d’originalité.

Il était temps !

Plantation de salades, avec Yolande

On nous annonce de l’eau pour la semaine prochaine ! Enfin ! De l’eau ! L’eau, c’est une substance liquide qui mouille, vous voyez ? Nous, on a un peu oublié à quoi ça ressemble alors on est un peu fébriles. Bon, ne nous mentons pas, même sans pluie, on arrivait quand même à faire pousser nos légumes. Et même plutôt mieux que l’année dernière : plus de goutte-à-goutte, une aspersion plus efficace et plus rien ne semble vraiment en souffrance. Mieux encore : nos haricots donnent à plein, nos poireaux d’été sont magnifiques, on s’extasie devant nos carottes. Bref, on n’est pas vraiment à plaindre. Mais, par ricochet, on est aussi débordés par les récoltes et par la préparation de nos ventes (paniers d’Amap et marché de Vichy). Moralité : on peine à garder le rythme pour les implantations sous serre. Certes, on a réussi à planter un peu cette semaine : de la mâche, de la salade, une première série d’épinards et du persil. Mais ça ira moins vite pour la suite : on n’a plus de planches propres pour accueillir notre prochaine série de mesclun et notre prochaine série de mâche. Fabrice a réussi miraculeusement à dégager quelques heures entre deux récoltes pour commencer le nettoyage de la serre 5 et pour lancer un semis d’engrais vert pour les futures planches de choux mais on sent qu’on marche un peu sur des œufs. Heureusement qu’il y a Yolande, notre wwoofeuse-rédactrice d’articles qui impulse dans notre aventure l’énergie qui nous fait parfois défaut en cette fin de saison…

Oh mais c’est qu’il reste encore pas mal de poivrons à venir !!! Si ça pouvait faire oublier le fait qu’on n’ait plus de tomates…

C’est quand on se sent complètement épuisés le lundi soir après plus de cinq heures de récolte de haricots verts qu’on prend de grandes résolutions : il va falloir lever le pied plus tôt que prévu. Mais comment faire pour concilier ce besoin de modération avec un jardin qui est toujours autant exigeant ? La réponse est simple : il faut embaucher. Et cette fois-ci, on tergiverse moins qu’au printemps : nos finances sont de nouveau saines et les perspectives de vente pour l’hiver sont bonnes. Alors, oui, c’est reparti pour un emploi saisonnier ! Saurez-vous deviner vers qui nous nous tournons cette fois-ci pour venir nous épauler ?… Le suspens est intenable, n’est-ce pas ?

Réponse la semaine prochaine !

De la chaise à la terre

Cette semaine, changement de rédacteur pour notre article de la semaine : c’est Yolande, de passage aux Grivauds pour deux semaines de wwoofing, qui s’y colle ! Sa formation universitaire en biologie et en écologie lui permet d’avoir un regard singulier sur notre ÉcoJardin. Alors, Yolande, explique nous pourquoi tu as eu envie de faire une pause dans tes études qui, semble-t-il, se passent plutôt bien pour toi ?

De la chaise à la terre, du bureau à la serre, des cahiers aux semis, du cartable à la cagette, de la théorie à la pratique ; les Grivauds sont pour moi synonymes du passage de l’abstrait au concret.

2 années de classe prépa bio + 1 année de L3 biologie santé + 1 année de master d’écologie = 4 années supplémentaires à étudier après le bac. De Grenoble à Cachan ou encore Orsay (sud de Paris), j’ai simplement changé de salles de classe, de professeurs, de noms religieusement donnés à des cours dispensés hors sol. Une formation riche, passionnante dans l’ensemble, mais bien loin de la vie réelle d’où sont pourtant issues toutes ces connaissances qu’on m’a transmises.

Connaissances docilement ingurgitées dans la perspective première, il faut l’avouer, d’être bêtement restituées aux examens. De ces années est progressivement né un sentiment de décalage, de manque de sens et de cohérence, une impression d’avancer sans but précis. Une année de pause s’imposait. Ainsi, poussée par une intense curiosité, une soif d’apprendre et de découvrir autre chose, j’ai décidé de consacrer un an de mes études en quête de moi même, de la vie que j’ai envie de mener, du monde dans lequel je veux vivre, de la société et du futur en lesquels j’ai espoir. Une année afin de me reconnecter à ce qui est pour moi essentiel et me fait vibrer, avancer. Une année pour prendre du recul, fonctionner différemment, aller à la recherche de l’autrement.

Une année lors de laquelle j’ai décidé de réaliser des expériences de bénévolat en écologie, principalement alpine, domaine qui, férue de montagne, me passionne. J’en profiterai pour me lancer dans mon projet de faire de la communication scientifique : médiation, sensibilisation et éducation à la nature et à l’environnement. Je réaliserai aussi des wwoofings en parallèle. Ils alimenteront ce projet avec un volet axé sur l’agriculture et ses produits. Ces wwoofings ont avant tout pour objectif d’aller à la rencontre de ceux qui cultivent le sol et que j’admire profondément et d’apprendre comment se nourrir à partir de la terre. Cette compétence si élémentaire est pourtant de nos jours réservée aux agriculteurs au sens large du terme. Je trouve cela aberrant que le système scolaire n’inclut pas un apprentissage des bases de jardinage. De manière générale, apprendre à me servir de mes dix doigts au quotidien me tient également à cœur car l’école n’apprend pas non plus à cuisiner, coudre ni à se servir de son sens pratique et manuel. Enfin, les hôtes que j’ai choisis ont fait un pas plus ou moins grand vers la décroissance, avec des modes de vie simples et proches de la nature que j’aimerais expérimenter. Mais il est facile de rêver sans jamais rien entreprendre, place à l’action!

Ainsi ai-je atterri à l‘Écojardin des Grivauds, mon premier Wwoofing. Ce lieu a été créé en 2011 par Fabrice qui vit sur place et qui m’accueille. Je suis logée dans une chouette caravane aménagée tout près des serres et des légumes (peut être une stratégie afin de maximiser les chances que je sois opérationnelle le plus tôt possible…).

Dès mon arrivée, le décalage entre la nature et les savoirs que j’ai assimilés me saute aux yeux. Le premier jour, en compagnie de Denis je me remémore tant bien que mal mes cours de botanique lors desquels j’ai appris à réaliser des dissections et présentations florales (schéma d’une dissection organisée), du vocabulaire mais aussi à reconnaître les principales familles d’angiospermes (les plantes faisant des fleurs) à l’aide de quelques caractéristiques clés. C’est cette dernière compétence que j’essaie d’appliquer dans le monde réel. Je parviens à attribuer à quelques plantes leurs familles mais mes critères sont souvent insuffisants. D’autres critères se révèlent être évidents sur le terrain mais il ne m’ont pas été appris. Ainsi les Lamiacées par exemple, (famille de la sauge, de la lavande ou encore du thym) possèdent souvent une tige carrée. Cependant des individus d’autres familles partagent ce caractère, il n’est donc pas un indicateur suffisant. Denis m’apprend alors que ces plantes possèdent souvent des organes odorants : feuilles, tiges, fleurs. Cette particularité que je connaissais pas est bien plus immédiate pour les reconnaître mais… à condition d’être au contact des plantes ! Les livres sont certes bientôt numériques mais pas encore connectés à notre sens olfactif… Denis est calé en identification florale. Il connait très bien les plantes qui l’entourent et pas que celles cultivées ou liées aux cultures. Fabrice a contribué à ce savoir notamment en lui transmettant ses connaissances de naturaliste à propos des plantes sauvages.

Avec Denis nous formons un binôme très complémentaire, il a l’expérience du terrain et j’ai les explications théoriques de certains phénomènes et le vocabulaire pour nommer et décrire les végétaux (morphologie, anatomie). J’étais ravie de pouvoir lui indiquer que les pétales qu’il remarque à l’extrémité du concombre à chaque fois qu’il en cueille un, sont un indicateur de position de l’ovaire.

Concombre portant à son extrémité libre des restes de pétales

Observez, les restes de pétales sont à l’extrémité la plus éloignée du plant. Cette position indique que le fruit s’est développé sous le réceptacle floral (zone portant les pétales), ainsi l’ovaire qui s’est transformé en concombre était situé sous la fleur.

Récolte de concombre du 11 septembre.

La présence de ces restes de fleur indique que les concombres sont jeunes. Ils se sont développés récemment, les pétales sont tout juste fanés (fraicheur, croquant et douceur garanties lors de leur dégustation!).

Le fruit est en effet le résultat de la transformation de l’ovaire (partie du pistil, organe reproducteur femelle) après fécondation. Les graines du concombre sont elles issues des ovules, les gamètes ou cellules reproductrices femelles.

L’ovaire est dans ce cas dit infère (en dessous de). Vous l’aurez deviné, à l’inverse un ovaire supère sera situé au dessus du niveau d’implantation des pétales. C’est le cas de la tomate, de la famille des Solanacées. Remarquez en effet les restes de sépales (organes positionnés sous les pétales et verts le plus souvent) au sommet de la tomate. Cette fois les restes de fleur sont sur la partie du fruit la plus proche du plant.

Fruits d’un plant de tomates indigo, une variété ancienne.

D’autres récoltes peuvent aussi être agrémentées de petites touches de biologie végétale. Ainsi Denis sait maintenant que les feuilles des oignons se nomment tuniques. Connaître ce terme est purement informatif et totalement inutile dans la pratique ; n’aidant absolument pas à savoir quand planter ou ramasser l’oignon, ni quelles conditions physicochimiques ou météorologiques sont favorables à son bon développement. Il révèle l’obsession humaine de tout nommer. Il aurait été plus profitable que je sache la raison de la mauvaise productivité des plants cette année ! Cependant il est possible d’aller au delà du vocabulaire et de chercher ce qu’il désigne afin de lui donner du sens. En effet les organes qu’il décrit sont particuliers et les étudier permet de comprendre leur rôle et pourquoi cette architecture de l’oignon a été sélectionnée positivement lors de l’évolution. Les tuniques sont des feuilles transformées, adaptées au rôle d’organe de stockage de l’oignon. Elles sont desséchées à l’extérieur, leur accumulation par couches concentriques joue un rôle protecteur contre le froid notamment. Les tuniques charnues d’épaisseur croissantes en allant vers le centre, sont situées à l’intérieur. Elles contiennent des réserves pour le développement du futur individu ayant lieu à la fin de l’hiver. Cette plantule est sous forme d’embryon avant qu’elle ne germe et que vous puissiez la voir. C’est cette petite pousse verte au centre de votre oignon lorsqu’il n’est plus de première jeunesse et qu’il croit qu’il doit vite faire une pousse pour repartir au printemps!

Denis à son tour au fil des plantations attire mon attention sur des caractéristiques ou des états anormaux de plantes. Je les ignorais totalement mais en essayant de les rattacher à ce que je sais je peux retrouver l’explication au niveau cellulaire grâce à mes cours d’histologie ou même au niveau moléculaire parfois ! Je peux aussi toucher et observer en détail les maladies provoquées par différents pathogènes ou nuisibles. Je connaissais pour certaines par cœur les modes d’attaque du végétal en ayant à peine une idée des conséquences sur le feuillage, les racines, les rendements. J’étais capable de décrire les mécanismes de défense de la plante sans savoir s’ils étaient efficaces, leurs coûts pour la plante ni comment les repérer.

Ce partage de connaissances est magique. Je découvre comment se manifestent à l’échelle macroscopique (du visible) des processus étudiés et comment les détecter. Je fais des liens entre des descriptions lues et la plante sous mon nez ou encore entre les agencements cellulaires, les échanges moléculaires et leurs implications dans les champs.

Il est tellement plus facile et ludique d’apprendre en pratiquant. Je réveille l’enfant au fond de moi, toute fière de voir qu’elle connaît un peu des choses et qui a envie d’en apprendre encore bien d’autres! Et pour ça je peux compter sur Denis et Fabrice et à toute la vie qui s’épanouit sur leurs terres!

Une Graphosoma italicum alias punaise arlequin en pleine exploration d’une Apiacée (famille anciennement nommée Ombellifères) du jardin.

Yolande

Ô mon beau plantoir

Traverser la paille, travailler la terre sur une minuscule surface, creuser des trous coniques, couper des racines, cet outil sait faire tout ça !

Régulièrement, on nous pose la question de la mécanisation en MSV (Maraîchage sur Sol Vivant) et on nous demande s’il n’existe vraiment aucun outil intermédiaire entre nos plantoirs tout-pourris et les gros tracteurs qui puent. Alors, qu’on se le dise une fois pour toute : oui, aux Grivauds, on est sans doute sous-équipés. Mais on est devenus tellement performants avec nos outils qu’on hésite à investir dans les fameuses «cannes à planter». Dans nos champs, il y a deux outils qu’on utilise quotidiennement : le sécateur et le plantoir. On ne parlera pas aujourd’hui de nos sécateurs (je vous réserve un petit article sur l’enherbement pour l’hiver, bande de veinards) mais je voudrais m’attarder une seconde sur nos plantoirs. D’ailleurs, quand on dit «plantoir», c’est un peu inexact. Certes, le plantoir conique nous sert de temps en temps (notamment pour les poireaux) et d’autres collègues en MSV n’utilisent que ça. Mais ce sont surtout des transplantoirs que nous utilisons. Les gros, en forme de pelle, nous servent pour planter les grosses mottes (tomates, courgettes, haricots, etc.). Si vous jardinez un minimum, vous en avez forcément un comme ça chez vous. Par contre, nous disposons ici d’un mini-transplantoir, adapté à la plantation des mini-mottes de 3,5×3,5 cm. Cet outil a été conçu pour extraire une carotte de sol en vue de déposer la motte dans le sol. Et de fait, c’est de cette façon que nous procédons pour les choux. Par contre, pour tout le reste, on utilise une autre propriété de ce plantoir : sa pointe est très dure et elle nous permet d’effectuer un petit travail du sol très localisé, juste à l’endroit où la motte doit être plantée. Ensuite, on vient appuyer la motte sur cette terre meuble et ça doit coller. Lorsque j’étais ouvrier agricole, on m’a appris que «coller, c’est planter». À l’époque, je plantais sur sol travaillé mais avec notre plantoir, on retrouve les mêmes sensations. Il y a deux choses supplémentaires à signaler. Premièrement, nous plantons généralement après paillage de la planche, ce qui signifie que l’outil puis la motte doivent traverser la paille, mais sans trop l’écarter si possible. Avec notre petit plantoir, on peut atteindre le sol simplement en secouant rapidement (vibrant) la pointe dans la paille. À ce moment-là, on tapote le sol deux ou trois fois et on ressort du paillage. Le cône ainsi formé a juste la taille de la motte et il n’y a plus qu’à planter. Quand l’opération est bien réalisée, il n’y a que le terreau de la motte qui voit la lumière, le sol reste caché sous la paille, ce qui évite plus tard que des graines d’annuelles (genre mouron ou chénopode) ne germent autour du plant. Dernier détail, l’outil est si solide que je peux attaquer une racine de vivace avec, si elle me gène : pas besoin de changer d’outil si je tombe sur un pissenlit ou un rumex. Et si vous persistiez à trouver ça rudimentaire, sachez que de nombreux jardiniers sur Sol Vivant plantent … à la fourchette. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai commencé lorsque j’ai découvert le MSV. J’étais wwoofeur à l’époque. Mais c’est une autre histoire.

Oh ! Un clone de notre merveilleux plantoir !

Mais cet outil magique, me direz-vous, où peut-on le trouver ? Bonne question, d’autant plus qu’on a un certain nombre de stagiaires qui se sont posés la même question ; on leur apprend à utiliser notre mini-transplantoir, alors autant qu’ils en disposent à leur tour lorsqu’ils seront installés. Malheureusement, notre plantoir adoré est … un outil artisanal ! Impossible à trouver dans les catalogues professionnels ou dans les magasins de jardinage. Qui plus est, depuis quelques mois, après deux grosses années de bons et loyaux services, notre outil a commencé à présenter des signes de faiblesse : le bois s’est élargi autour de l’axe et le rivet supérieur s’est cassé. Moralité : il me blesse la main et il m’oblige à une plus grande dépense d’énergie. Sans parler de l’angoisse profonde qui nous saisit à chaque fois qu’on l’égare. On s’imagine alors planter des séries de 1344 mottes de mâche à la fourchette… Il était temps qu’on prenne des mesures ! Et on n’y a pas été par quatre chemins : on a cherché un ferronnier autour de chez nous pour lui refiler le bébé. Coup de chance, il y en a un à Beaulon (M. Fontverne, Artemis Métal) et il a accepté immédiatement de relever le défi. Finalement, on se retrouve avec 5 nouveaux plantoirs et l’ancien se fera prochainement réparer. On va désormais pouvoir planter à plusieurs, laisser des plantoirs à différents endroits stratégiques du jardin, en refiler aux collègues (ou futurs collègues). Bref, tout est permis et l’avenir s’éclaircit subitement ! On va pouvoir de nouveau planter comme des fous à une cadence frénétique ! À nous les grosses planches de mâches, à nous les interminables séries de navets ou de betteraves ! À nous le succès, à nous le bonheur. Si avec ça on ne devient pas maîtres du monde, ah ah ah ah ah ah.

Cécile et Sandra mettent en terre la dernière caisse de plants destinés au plein champ ! En l’occurrence, il s’agit d’une série de mâches.

Pardon, je m’égare. L’enthousiasme, vous comprenez. Alors quoi de neuf cette semaine ? Eh bien, justement, on a joliment planté ! Des radis et des mâches en plein champ, d’abord. Ce qui, d’ailleurs, constitue notre dernière plantation de plein champ pour cette année (si on exclut l’ail). Et puis, on a commencé à remplir nos serres d’intersaison avec des scaroles, des frisées, des laitues et du mesclun. À nos côtés, on retrouve Sandra qui termine cette semaine son stage inaugural de BPRAPH (la même chose qu’un BPREA mais pour l’horticulture) et … le grand retour de Cécile, la wwoofeuse bretonne joyeusement délurée qu’on avait reçue en juillet, en même temps qu’Alice, avec qui elle formait un binôme mémorable. Bref, Cécile a un millier d’histoires à nous raconter après ses deux précédents wwoofings (dont un à Terre et Humanisme) et son séjour a un goût de trop court. Et aussi un bon goût de glace bio…

À la semaine prochaine !