La ferme aux insectes

Bourdon sur renoncule

Lorsque Fabrice a adopté la technique du MSV en 2017, il avait une intuition très forte : celle que le non-travail du sol participerait à l’augmentation de la biodiversité de l’ÉcoJardin. Il se doutait que la faune du sol s’en trouverait favorisée : vers de terre, cloportes, collemboles, etc. Le paillage permanent a rapidement servi d’habitat à nos amies les limaces, qui se sont mises à pulluler. Dès l’année suivante, on percevait déjà l’installation de nombreux prédateurs de limaces : vers luisants (lampyres), carabes et staphylins. On a longtemps eu les yeux braqués sur ces insectes auxiliaires. De la même façon, on est toujours extrêmement attentifs à l’arrivée des prédateurs de pucerons : larves de coccinelles et larves de syrphes, entre autres. Dans notre champ de vision, il y a aussi tous ces insectes et ces araignées qui se font beaucoup trop remarquer pour qu’on ne les oublie : les grillons et leurs stridulations, les majestueuses argiopes-frelons, les grandes libellules colorées (dont les libellules déprimées), les punaises gourmandes de concombre (Nezara Viridula), les bourdons et les abeilles, si précieux pour la pollinisation, etc. Mais il suffit d’un peu d’attention pour comprendre qu’on n’avait fait que percevoir la surface des choses. Le pari de Fabrice est correct : il existe une vie entomologique folle aux Grivauds et cette semaine, avec le retour de la chaleur, cette vie est facilement perceptible. On aurait tort de se limiter aux ravageurs et aux auxiliaires, le spectacle qui nous est offert est fascinant de diversité, tant dans ses formes, dans ses dimensions que dans ses couleurs. Comme toujours, le plaisir de la découverte est encore plus vif lorsqu’on va jusqu’à l’identification de l’insecte. À partir des nombreuses photos prises sur le terrain (voir la galerie ci-dessous), Hélène se charge d’identifier tout ce qu’on a pu croiser dans la semaine. Nous ne sommes pas les seuls à apprécier cette exubérance naturelle. On a pu observer les mésanges charbonnières faire des allers-retours sur nos bords de serre, à deux pas de nous, emportant une chenille ou un petit insecte à chaque vol. Mécaniquement, plus d’insectes, c’est plus d’oiseaux…

Plantation des tomates greffées : il faut travailler avec délicatesse pour ne rien casser. Céline et Fabrice à la manœuvre.

Les températures enfin printanières signent le lancement des plantations de tomates. Avec Céline (qui fait un bref retour cette semaine), on plante les premiers plants greffés. On prend bien soin à ne pas enterrer le point de greffe et à ne pas remettre de la paille sur le collet pour éviter tout problème sanitaire. On les surveille comme de l’huile sur le feu, on a hâte que les plants reprennent et s’étoffent pour résister à toutes les agressions de ce nouvel environnement (les coups de vent, l’humidité, les chats…). On complète cette première série avec du plant simplement repiqué (sans greffe) : on a décidé de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier et on s’assure un minimum de production de cette façon-là. Charly aussi est de retour et avec lui on plante des betteraves, des tomates cerise, des aubergines, etc. Pour la première fois depuis de mon arrivée aux Grivauds, on est à l’heure sur notre planning d’implantation et de semis. Du coup, on a décidé de s’offrir notre samedi après-midi ! Un évènement inédit à cette saison…

À la semaine prochaine !

Que le printemps vienne. Enfin.

Une bulle froide très «bien» située…

Que le printemps vienne. Que les gelées cessent enfin. Que les plantes se rassurent, qu’elles se sentent en confiance et qu’elles s’autorisent de nouveau à pousser. Que le jardinier dorme sur ses deux oreilles sans craindre pour ses haricots, ses courgettes et ses aubergines. Qu’il s’effeuille de ses lourds vêtements d’hiver. Qu’il s’active avec joie, que ses plants de tomates trouvent le chemin de la terre riche et nourricière, que sa conversation s’allège, que son cœur s’ouvre en même temps que les fleurs des champs et les bourgeons des arbres. Viens, printemps, viens ! N’aie pas peur, nous saurons t’accueillir, nous saurons te fêter.

Même en serre, on garde les vêtements chauds…

Il a gelé tous les jours cette semaine. Avec des valeurs systématiquement comprises entre -3°C et -4,5°C. Ces gelées ont des conséquences immédiatement perceptibles pour nous : tout est en retard, tout est stressé. Petits pois, radis, choux-fleurs, courgettes, haricots verts, salades. On note partout des colorations suspectes : des blancs et des jaunes, chloroses typiques de carences ou de stress thermique, ou du violet, signe que les plantes émettent force anthocyanes pour lutter contre le froid récurrent, détournant temporairement le fruit de la photosynthèse pour créer de coûteux tannins. Chez nos collègues, les mauvaises nouvelles pleuvent : là des fèves en fleurs qui capitulent, là des petits pois fraîchement sortis de leurs poquets qui abdiquent sans tambour ni trompette, là des fruitiers qui ne donneront rien… C’est très difficile pour nous de dire quelles seront les conséquences à terme de cette interminable vague de froid. Les rendements de fin de printemps seront affectés, c’est certain. Et la précocité des légumes d’été s’en trouve fortement hypothéquée. On sent que c’est de nouveau une année où va falloir beaucoup communiquer avec nos amapiens et nos clients de Vichy pour expliquer pourquoi les paniers et le stand tardent à se remplir.

Plantation et paillage de pommes de terre en plein champ : Adeline et Hélène à la manœuvre.

Je ne peux pas m’empêcher de ressentir une légère déception vis-à-vis de cette situation météorologique. Cette année, on avait pourtant anticipé beaucoup de choses (voir l’article de la semaine dernière) et on était enfin à l’heure sur notre calendrier de plantations. On aurait aimé un démarrage de saison un peu plus calme, un peu plus clément avec nous… Tant pis. On essaie du mieux qu’on peut de rester légers et de continuer à travailler d’arrache-pied pour la suite de la saison. L’efficacité de nos petites mains de la semaine nous aide énormément : Adeline et Hélène forment un binôme solide et leurs expériences respectives leur permettent d’être rapidement autonomes. La journée est émaillée de petites coupures pour prendre le temps d’examiner une plante ou de photographier un insecte. Hélène se charge ensuite de terminer l’identification de retour à la maison. Une exploration minutieuse de notre jardin qui nous permet d’oublier un peu le vent glacial qui nous oblige à récolter des poireaux en manteau mi-avril…

À la semaine prochaine !

Vague de froid : on était prêts !

À 8h10, alors que le jour est levé depuis une heure, il fait encore -7°C en serre…

«Denis, as-tu remarqué que les épinards sont plus sucrés après une vague de gel ?» C’est Hélène, notre nouvelle wwoofeuse qui me fait remarquer que la synthèse de sucre est une façon pour les plantes de se préparer au froid : car l’eau sucrée gèle à une température plus basse que l’eau pure. En bon lecteur de Marc-André Sélosse[1]Dont le dernier livre «Goûts et couleurs du monde» traite des tannins. , je savais que les plantes émettaient des tannins appelés anthocyane pour lutter contre le froid. Ce colorant rouge est visible partout dans la nature en ce moment, compte-tenu des températures très basses que nous venons de vivre. On est tout de même descendus en dessous de -7°C, ce qui est un record à cette date !

Conséquence du gel : nos petits pois ont jauni (et même blanchi par endroits).

Aux Grivauds, la problématique du gel en avril devient récurrente. Voire, elle s’accentue. Du coup, on commence à développer aussi nos propres stratégies pour traverser avec sérénité ces dernières vagues de froid de la saison. Bien entendu, il y a des voiles thermiques partout dans nos serres et dans notre champ, ça, c’est le minimum. Ensuite, il y a beaucoup de cultures qui ont été implantées sur toile tissée. Par exemple, 7 planches sur 8 sur bâchées dans les serres 6 et 7 (nos serres d’intersaison). Car sur ce genre de surface sombre, il gèle moins fort que sur de la paille claire et brillante. Si on doit pailler une planche avant avril, alors, soit on couvre la paille avec une toile tissée, soit un broie la paille pour qu’elle soit plus fine, moins épaisse, et qu’elle ne ralentisse pas trop le réchauffement du sol. À quoi on ajoute les tunnels nantais en plein champ pour faire pousser nos épinards et nos carottes. Il y a là un ensemble de dispositifs assez laborieux à mettre en place mais qui sont devenus indispensables pour affronter à la fois les gelées de fin de saison et la lenteur de réchauffement du sol en MSV. Une dernière stratégie que nous avons mis en place consiste tout simplement … à ne plus planter de cultures sensibles avant le 10 avril. On va perdre sans doute en précocité mais on y gagne en stress. Au final, en terme de dégâts, on a surtout perdu des blettes fraîchement implantées et nos petits pois à ramer ont curieusement pâli. Mais on ne perd aucun plant, ni aucune courgette.

Beaucoup de manipulation de voiles thermiques cette semaine. Mathilde, pour sa dernière semaine de stage aux Grivauds, apprend à les rouler rapidement.

Cette semaine, quand on s’approche des serres, on entend de drôles de chants. Et pour cause, notre nouvelle wwoofeuse, Hélène, a décidé de faire chanter en canon notre petite équipe. Mathilde et Roman, qui savent aussi chanter, se frottent eux aussi à l’exercice et le liseron disparaît de nos oignons et de nos carottes au son du «Bruit doux de la pluie» ou du «mighty tree of Yggdrasil». Nos chants du matin nous donnent du courage pour les longs chantiers de semis de printemps : petits pois, pois mangetout et fèves. On dit au revoir à Mathilde et Roman, dont c’était le dernier stage aux Grivauds. On se console en préparant joyeusement les prochaines planches en serre de légumes d’été (haricots, aubergines et poivrons).

À la semaine prochaine !

References

References
1 Dont le dernier livre «Goûts et couleurs du monde» traite des tannins.

Course à l’échalote en plein soleil

Il fait tellement chaud qu’on est obligés de faire de l’ombre (avec des cagettes) à nos courgettes après repiquage ! Du jamais vu à cette date.

Ce matin, alors que le soleil est déjà levé depuis longtemps, je frissonne dans le vent du nord. Incapable de me réchauffer, je fais le constat que je ne suis pas assez couvert, alors que je porte un pull et une écharpe. Et pourtant, je me souviens avoir travaillé tous les après-midi de cette semaine en tee-shirt et en short (!). Ai-je rêvé cet épisode estival au beau milieu du printemps ? L’étonnante vigueur de nos plantations de printemps vient en soutien de mes souvenirs : oui, le temps a été poussant, ces derniers jours. Mais la parenthèse est déjà terminée et c’est un épisode de froid particulièrement préoccupant qu’on nous prévoit pour la semaine prochaine. En seulement deux jours, on a déjà perdu 12°C sur la maximale (24°C jeudi contre 12°C samedi). Les gelées sont de retour et elles s’annoncent dangereuses pour nos courgettes et nos plants de tomates… Pour couronner le tout, il ne pleut toujours pas ! L’épisode de sécheresse printanière ressemble beaucoup à celui qu’on a connu l’année dernière, pendant le premier confinement.

Le retour du bambou dans les petits pois

Tout autour de moi, je perçois les traces récentes d’une activité intense : il y a eu du boulot d’abattu ! Et pour cause, on était 4 dans les champs ! Car cette semaine, Mathilde, notre stagiaire du moment, a été rejointe par Roman, son compagnon. Ensemble, on plante à tour de bras ! Des oignons, des échalotes, de la salade, des choux rouges, des pommes de terre, des betteraves et … des courgettes ! On paille toujours beaucoup, on désherbe un peu et on trouve même le temps de palisser les petits pois, qui ont bien poussé. Deux lignes d’aspersion sont installées dans le champ pour arroser les oignons. Bref, les choses avancent dans le bon sens !

Par contre, il y a une chose aux Grivauds qui nous tire en arrière, c’est notre camion. Car figurez-vous qu’il est encore en panne ! Impossible de passer les vitesses, alors que la boite de vitesse et l’embrayage sont neufs… On en a franchement marre. Si ça n’est pas réparable, ou si c’est trop cher, il faudra d’abord trouver un véhicule pour emmener nos légumes à Vichy samedi prochain. Et ensuite… eh bien, cette fois-ci, c’est décidé, on va sans doute emprunter pour acheter un nouveau camion. Un incident dont on se serait bien passé à cette période, où nous avons besoin de nous concentrer sur nos plantations…

À la semaine prochaine !