«Jamais sans mes navets»

Les navets nouveaux, c’est bientôt. Que fera-t-on des navets de conservation passés fin-avril ?

Il nous reste des navets. Plein de navets. De ceux qu’on a semés l’été dernier, qui ont gentiment passé l’hiver dans le champ et qu’on a fini par récolter en février, avant que les jours ne s’allongent trop et que les raves n’aient envie d’émettre leur tige. D’ici à fin avril, il y aura sans doute les premiers navets nouveaux, ceux qu’on vend en botte. Et les anciens seront alors boudés et condamnés à perdre l’espoir de finir dans vos assiettes. Soyez francs, les navets, vous les boudez un peu tout le temps, quelle que soit la saison. Sur notre étal, au marché de Vichy, la panière de navets fait partie de celles qui se vident le plus lentement. Avouez-le, à part bien caché au milieu d’une soupe ou d’une poêlée de légumes, vous ne savez pas trop quoi en faire. Mais moi, j’adore leur texture fondante, presque spongieuse. Leur goût est fin, discret mais typique. Rien ne pourrait les remplacer dans ma cuisine.

Commençons par enfoncer les portes ouvertes : oui, le navet peut se manger cru. Même le navet de conservation : si son odeur est plus forte que celle du navet nouveau, son goût reste léger. On fait des petites lamelles à tremper dans une sauce et on le sert à l’apéritif. Comme des bâtonnets de carottes, tout à fait. Ou alors on le rappe et on le met en salade. Une petite vinaigrette pas trop moutardée et voilà.

Le navet, ça peut aussi être un accessoire de mode. Ou pas.

Coupé en deux ou en quatre, il fait bonne figure au milieu d’un panier vapeur, avec quelques poireaux, des morceaux de butternut ou de pomme de terre. Mais c’est surtout sauté qu’il fait merveille. On en fait des petits dés, on le fait rissoler comme une pomme de terre. Sel, poivre. Et quelques minutes avant la fin de la cuisson, on rajoute quelques cuillerées de miel. On sert très chaud. Ne pas hésiter à déposer une noisette de moutarde à l’ancienne sur le coin de l’assiette.

Récemment, je me suis retrouvé en possession d’un fond de bouteille de vin rouge. Et le navet s’est alors retrouvé la pièce centrale d’un magnifique bourguignon de légumes. Imaginez : quelques gros dés de navets (des violets et des jaunes), de pommes de terre, de carottes et de tofu fumé, qui transpirent doucement au milieu d’une fricassée d’oignons à peine translucides. On mouille avec du vin rouge et du bouillon. Bouquet garni, ail écrasé. On laisse mijoter longuement, jusqu’au suicide de la dernière vitamine jusqu’à ce que tous les légumes soient parfaitement moelleux. On épaissit à la maïzena. On sert l’ensemble sur un tapis de tagliatelles.

Thibault, Nils et Manue plantent la deuxième série de navets nouveaux

Pour ce qui est du travail de la semaine : je vous invite à consulter la galerie ci-dessous. Vous y recroiserez Thibault, qui termine sa deuxième semaine de wwoofing. Merci infiniment à lui pour sa patience, sa curiosité et son endurance ! Mais aussi à Nils et Manue, venus passer trois jours avec nous et nous filer un coup de main pour planter nos oignons. Nils est en train de s’installer comme maraîcher en association (tiens tiens !) en région parisienne [1]La Ferme des Loges, aux Loges-en-Josas, dans les Yvelines. Manue se prépare à médiatiser la future ferme : site, réseaux sociaux, blog, etc. Bon courage à tous les deux !

À la semaine prochaine !

Denis Raffin (oui, comme c’est un article beaucoup plus personnel et polémique que d’habitude, je préfère le signer, pour ne pas engager la responsabilité de l’ÉcoJardin)

References

References
1 La Ferme des Loges, aux Loges-en-Josas, dans les Yvelines

Greffe des solanacées : vous reprendrez bien une deuxième dose de stress ?

C’est là-dessous qu’on enferme les greffes de soloanacées (aubergines et tomates), le temps qu’elles reprennent.

Il va s’écouler quelques semaines avant que le stress ne retombe aux Grivauds. C’est qu’il se joue en ce moment une partie serrée entre notre savoir-faire horticole et l’imprévisibilité des lois végétales. Entre d’autres termes : allons-nous réussir nos greffes de tomates et d’aubergines ? L’année dernière, nous avions (ou plutôt : Fabrice avait) eu de bons résultats avec les tomates mais pas avec les aubergines. Cette année, on retente notre chance. Ce qui a changé, c’est qu’on dispose désormais d’un caisson hermétique pour maintenir nos plants tout juste greffés dans une atmosphère chaude et humide. Pour faire simple, on a tendu un plastique de serre au dessus d’une structure métallique. Le plastique est lesté avec des tasseaux en bois. Par dessus, pour éviter les coups de chauds, on place une ombrière. Le tout est installé sur notre sol chauffant et recouvert d’un P17 (voile de forçage). Voilà.

Marchera ? Marchera pas ? Suspens…

Mardi, la première série d’aubergines a donc été greffée. Pour le moment, on a du mal à savoir si la partie est gagnée ou non. Les cotylédons sont souvent encore un peu mous mais les feuilles centrales ont l’air turgescentes. C’est angoissant de ne pas savoir. Et c’est seulement le début… En attendant, Miroux (entre autres) est considéré comme persona non grata dans la serre à plants : hors de question qu’il ne vienne tout gâcher avec un coup de patte malencontreux…

Alors, pourquoi greffe-t-on, me direz-vous. Plusieurs raisons à ça. D’abord, ça nous permet de contourner le problème du Corky Root (Racine Liégeuse). Ce pathogène nous posait de gros problèmes, notamment dans les tomates. Passé mi-juillet, le pied présentait des signes de faiblesse et aucun nouveau fruit ne se formait. En choisissant un porte-greffe résistant, on s’affranchit complètement du problème. Ensuite, pour les aubergines, ça nous permet de gagner en précocité. La greffe permet d’obtenir un système racinaire de tomate, capable de «fonctionner» à des températures plus basses que celles des aubergines. Enfin, la greffe lisse la production et augmente la vigueur générale des plants. Que du bon ! C’est pour cela qu’on se risque à cette délicate opération.

Oui ! On a des choux-fleurs en mars (variété Belot). Récolte avec Thibault et Mickaël.

La semaine a été particulièrement productive ! Outre les récoltes pour la dernière livraison de l’Amap et pour le marché de Vichy, il y a eu de nombreuses plantations (choux-fleurs, salades, choux-raves, choux-chinois et épinards) et préparation de planches (dont les premiers oignons et les premières carottes de plein champ). Il faut dire qu’on doit beaucoup de cette efficacité à nos petites mains de la semaine. D’abord, on a eu le droit au retour de Mickaël, qui effectue sa deuxième semaine de stage chez nous. Toujours aussi enthousiaste et curieux, on lui doit une belle récolte de mini-poireaux pour le marché (entre autres). Ensuite, il y a Thibault. Thibault, c’est un wwoofeur qui a déjà eu plusieurs vies et qui réfléchit à la suivante. Maraîchage ? Pourquoi pas. Mais en attendant, il visite et il «goûte» au métier. Il a toujours un petit carnet sur lui et il prend des notes un peu toute la journée. Du coup, ça nous donne l’impression de dire des trucs intelligents. Le soir, il recopie ses notes au propre… Quand on vous dit que les petites mains ne plaisantent pas ici !… Mentionnons que Guillaume (wwoofeur 2021) est passé faire un petit saut, en voisin, pour assister Fabrice dans le chantier des greffes d’aubergine. Bref, on s’est sentis une nouvelle fois très bien entourés cette semaine !

À la semaine prochaine !

Des fraises et du compost

Pour une fois, on va faire court. Oh, c’est pas les sujets de discussion qui manquent en ce moment, hein ! Ça me démange d’ailleurs de vous donner mon avis sur le plan européen de réduction des dépendances énergétiques[1]REPowerEU, dans lequel on cherche des sources d’énergie alternatives au gaz russe sans évoquer une seule fois l’hypothèse de la sobriété – et je n’ai même pas parlé de décroissance, qui semble être un concept qui a tout simplement disparu de l’espace politique… Pourtant, nous, aux Grivauds, on aime bien cette idée de sobriété : faire simple, avec peu d’énergie fossile, peu de mécanisation et une dose raisonnable de temps humain. La sobriété, on la retrouve dans nos modes de vie et de consommation et elle ne fait pas de nous des gens à plaindre, bien au contraire ! Il y aurait là quelque chose à creuser, mais ça nous éloignerait un peu du jardinage.

Là, désormais, il y a un tas de 12 tonnes de compost…

Faire simple, c’est aussi ce qui nous a guidé pour notre approvisionnement de compost[2]compost de déchets verts. La plateforme de compostage la plus proche est celle du Sictom Nord-Allier, à Chézy. Mais ils ne livrent pas en dessous de 28 tonnes, avec des gros camions qui n’auraient pas la place de manœuvrer dans notre parcelle. On envisage d’abord la location d’un petit camion benne pour faire des allers-retours à Chézy et récupérer péniblement quelques tonnes du précieux or noir. Finalement, Fabrice a l’idée de contacter une entreprise du Puy-de-Dôme, Écovert Boilon, spécialisée dans le recyclage des déchets. Eux acceptent de nous livrer 12 tonnes dans un camion benne de taille raisonnable. Et nous voilà avec de quoi couvrir nos semis de carottes et de radis pendant 6 ans ! Et un problème de réglé !

Sont-ils pas vigoureux ces plants de fraisiers !

Au rang des chantiers qui ne sont plus à faire, il y a la plantation des fraisiers en plein champ. Ça fait bien quelques années qu’on en parle et qu’on n’avait jamais franchi le pas. C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai mis en terre tous ces magnifiques plants ! Pour rappel, nous avons multiplié les fraisiers cet automne en utilisant les stolons produits par nos plantations de fraisiers historiques. Ils ont tranquillement développé leurs racines tout l’hiver et les voilà prêts pour affronter la dure vie qui sera la leur. Oui, parce que le printemps, ici, il n’est pas toujours de tout repos. Notamment sur le plan météorologique… Et où sont-ils plantés ? Eh bien, tout simplement sur une de nos buttes d’arbres fruitiers. Le temps que les arbres se développent, on n’a pas à craindre la concurrence et ça permet d’occuper la butte de façon productive. Tout simplement.

À la semaine prochaine !

References

References
1 REPowerEU
2 compost de déchets verts

Inflation et légumes

Faudra-t-il encore augmenter les légumes sur le marché ? Et à l’Amap ?

Oh non ! Pas eux ! Pas les légumes ! On aimerait tellement que l’inflation actuelle les épargne, qu’ils restent cette denrée populaire qu’on peut se mettre sous la dent sans craindre de jamais se ruiner[1]Sauf si vos légumes préférés sont les asperges, les haricots verts et la salade en mesclun…. L’année 2022 ne fait que commencer mais il y a gros à parier que les prix des légumes devront augmenter assez fortement. Pourquoi ? Tout simplement parce que les charges de fonctionnement des maraîcher·ères vont augmenter. En cause, deux facteurs distincts. D’abord, la hausse du prix du pétrole, dont on vous a déjà parlé précédemment. Et ensuite le fait qu’on sorte d’une mauvaise année agricole, ce qui augmente le prix des graines, des plants de pomme de terre, des bulbilles d’oignons, etc. Pour vous donner une idée, on s’est amusés à relever quelques prix tirés de nos factures de cette année et de l’année dernière. Pour chaque référence, on a été piocher chez les mêmes fournisseurs, histoire de comparer ce qui est comparable.

Quoi ?FournisseurPrix début 2021Prix début 2022Taux d’augmentation
Gasoil (1 litre)Bi11,38 €1,73 €+ 25 %
Plateau de mottesSabio d’Argile3,00 €3,00 €
1000 plants de poireaux TadornaEarl Fleury50,60 €52,60 €+ 4 %
25 kg de bulbilles d’oignons SturonMonJardin81,30 €89,00 €+ 9,5 %
25 kg de plants de pomme de terre Agata (cal. 28/35)MonJardin43,80 €45,00 €+ 2,7 %
250 Graines enrobée de Laitue AnalottaAgroSemens16,20 €16,70 €+ 3,1 %
Toiles tissées 130g/m2 1,65m x 100mChipier85,80 €114,10 €+ 33 %
Gants Maxidry T9Triangle Outillage10,20 €8,50 €– 17 %

Ce tableau ne prétend pas être très rigoureux : nous avons choisi quelques produits, sans méthode particulière. Néanmoins, on a la nette sensation que la hausse des charges de fonctionnement qui pèse sur les activités agricoles est bien supérieure à l’inflation (1,6 % en 2021). Et c’est particulièrement vrai pour ce qui est directement issu des industries pétrochimiques (gasoil +25% et toiles tissées en plastique +33% !). Cette hausse s’ajoute à celle des cotisations MSA. Cette année, la cotisation intègre les résultats 2020, qui ont été plutôt bons pour tout le monde. Sauf que … l’année 2021 a été nettement plus difficile et les trésoreries, à la sortie de l’hiver, ne sont pas toujours prêtes à affronter toutes ces augmentations. Donc, oui, malheureusement, il y a gros à parier que les maraîcher·ères répercuteront ces augmentations sur les prix des légumes… Est-ce déjà perceptible ? Je vous propose un deuxième tableau, présentant les prix moyens au kilo de certains légumes bio en décembre 2019, 2020 et 2021, pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les données sont issues des sondages effectués par la Frab AuRA auprès des producteur·ices bio.

LégumesPrix décembre 2019 (en €)Prix décembre 2020 (en €)Variation 2019/2020Prix décembre 2021 (en €)Variation 2020/2021
Carotte2,762,75-0,4%2,85+3,6%
Betterave2,802,82+0,7%2,89+2,4%
Blette3,063,12+2,0%3,23+2,9%
Chou lisse2,682,78+3,7%2,79+0,4%
Courge Butternut2,732,72-0,4%2,77+1,8%
Pomme de terre chair ferme2,332,26-3,0%2,33+3,1%
Oignon jaune3,083,07-0,3%3,14+2,3%
Salade au poids4,404,32-1,8%4,57+5,8%
Poireau3,373,42+1,5%3,40-0,6%

Ces variations sont à comparer avec l’inflation moyenne de 2020 (+0,5%) et celle de 2021 (+1,6%). On le voit, 2020 a été une bonne année pour les producteur·ices et certains prix ont pu baisser. Par contre, en 2021, à part l’inexplicable baisse des poireaux, quasiment toutes les variations de prix sont au dessus de l’inflation. Mais elles restent modérées pour le moment. La hausse des charges n’a pas encore été complètement répercutée. Le sera-t-elle ? Les producteur·ices attendront-ils de savoir si leur année est bonne avant de modifier leurs prix ? Sur le marché de Vichy, nous, on a commencé à augmenter légèrement certaines références, ne le cachons pas. Tant que nos finances ne nous permettent pas de tirer des salaires régulièrement, on se considéra légitimes à le faire. Mais ça n’empêche pas qu’on n’a pas envie de nous couper d’une clientèle populaire et d’être considérés comme des «maraîchers luxueux»… Aussi, pour continuer à maîtriser nos prix, nous aussi, nous tablons sur une meilleure réussite de nos cultures cette année. Néanmoins, il reste une incertitude sur nos débouchés estivaux. L’année dernière, nos ventes s’étaient brutalement contractées en été et en automne, une tendance constatée à l’échelle nationale pour l’ensemble du secteur de la Bio[2]https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/l-essoufflement-du-bio-ne-signe-pas-la-fin-du-marche-mais-sa-necessaire-remise-en-question-150592.html. Un contexte difficile donc pour établir une stratégie à long terme.

À suivre…

References