La 4ème règle

Je vais vous faire une confidence : je n’ai jamais trop aimé le nom de notre pratique. MSV – Maraîchage sur Sol Vivant, ce nom est problématique. Car, en réalité, tous les sols sont «vivants». Ou mieux : tous les sols accueillent de la vie[1]Il est bien plus pertinent de percevoir le sol comme un écosystème plutôt que comme un organisme.. Même les sols labourés, même les sols glyphosatés, même les sols maltraités. Ce qui compte, c’est la quantité et la diversité des organismes qu’on y trouve. Il faudrait pouvoir recenser tous les vers de terre, tous les insectes, tous les champignons, toutes les bactéries, etc. pour pouvoir caractériser la vie d’un sol.[2]En réalité, on se contentera souvent de se référer à la quantité de matière organique contenue dans le sol, aussi appelé Taux de MO. La vie qui s’y développe est corrélée à cette … Continue reading Un sol est donc plus ou moins «vivant». Le MSV fait simplement le pari que la vie du sol est une des principales conditions de sa fertilité. Plus il y a de vie, plus le sol «fonctionne» bien, et plus les plantes s’y développent bien. Mieux que dans un sol travaillé ? Parfois oui. Parfois non.

Révisons les fondamentaux ensemble. Pour maximiser la vie du sol, le MSV préconise trois règles :

  1. Ne pas travailler le sol[3]Certains puristes, dont nous sommes, poussent même le bouchon jusqu’à abandonner la grelinette., en particulier pour ne pas perturber les vers de terre et pour ne pas casser le réseau d’hyphes des champignons.
  2. Couvrir le sol, notamment pour limiter la déshydratation
  3. Nourrir le sol, en privilégiant les matières fortement carbonées, comme les pailles et le Brf, ainsi que les engrais verts

Rien de nouveau dans ces règles, tous·tes celles·eux qui sont déjà passés chez nous les ont déjà entendues. Sauf que l’expérience nous amène à la conclusion qu’il manque deux paramètres importants pour améliorer encore le fonctionnement du sol : la température et l’hydratation. Ce qui nous amène à formuler une 4ème règle pour le MSV :

  1. Réchauffer et hydrater le sol
Déshydratation d’un sol nu : comment voulez-vous qu’un ver de terre ait envie d’y venir travailler ? (Et, oui, cette photo a bien été prise cette semaine… Si vous aviez encore des doutes sur le fait qu’on traverse une forte sécheresse de printemps…)

Je ne prendrais qu’un seul exemple. Les vers de terre sont peu actifs dans un sol dont la température est inférieure à 12°C, ce qui fait que leur travail ne devient vraiment efficace qu’à partir du mois d’avril. Et ils détestent la sécheresse, ce qui fait qu’ils cessent pratiquement de travailler pendant l’été. Les courbes de minéralisation des humus[4]L’activité des vers de terre permet de rendre disponibles un certain nombre de nutriments, indispensables à la croissance des plantes, comme les nitrates et les phosphates. suivent leur activité :

Crédit : Gilles Domenech, dans Jardiner sur Sol Vivant, Larousse

Le travail du sol permet de réchauffer plus vite les sols et permet de gagner en précocité. Nous, en MSV, on part avec du retard, notamment à cause du fait que nos sols sont couverts : la paille, c’est un isolant thermique ! Alors, aux Grivauds, on s’est dotés de tout un arsenal technique permettant de pallier ce problème. On a notamment augmenté la surface sous serre, pour pouvoir lancer nos cultures de printemps (oignons, carottes, navets, choux, pois et courgettes). On installe des tunnels nantais en plein champ. Et on couvre toutes nos cultures avec des filets thermiques, jusqu’à la floraison (pois et fèves) ou jusqu’à la récolte (oignons, navets). Ce faisant, à la mi-avril, on atteint environ 17°C sous serre et 12°C en plein champ, sous paille.

Mais rien ne se passe jamais comme prévu. On a un printemps très lumineux, avec de fortes températures l’après-midi. Sous serre, la température monte vertigineusement. Mais, comme vous l’avez compris, les sols sont encore froids et les racines ne fonctionnent pas encore à plein régime. Insuffisamment pour lutter contre un tel stress thermique. Ce qui fait qu’une plante adorant la chaleur, comme un haricot ou une courgette, peut voir ses feuilles brûler alors qu’il ne fait « que » 20°C dehors. Chez nous, le matin, il fait encore très froid (entre 2 et 6°C), ce qui fait que la température moyenne reste basse. Il nous faut donc continuer à fermer les serres et à voiler certaines cultures (comme les courgettes) pour accélérer le réchauffement des sols qui les portent. Mais dès que la température monte, on se précipite pour ouvrir et éviter les coups de chaud. Toute une gymnastique.

Brûlure sur haricots

Tout ça pour vous dire qu’on s’est fait bêtement grillé nos haricots-rame, par un beau dimanche ensoleillé… Voilà, voilà. Moralité : méfiez-vous des dimanches.

À la semaine prochaine !

PS : En dehors de ce petit incident, il s’est passé plein de choses très chouettes dans nos champs cette semaine, comme en témoigne la galerie ci-dessous :

References

References
1 Il est bien plus pertinent de percevoir le sol comme un écosystème plutôt que comme un organisme.
2 En réalité, on se contentera souvent de se référer à la quantité de matière organique contenue dans le sol, aussi appelé Taux de MO. La vie qui s’y développe est corrélée à cette valeur. Voir notre article Premier bilan de l’analyse de notre sol.
3 Certains puristes, dont nous sommes, poussent même le bouchon jusqu’à abandonner la grelinette.
4 L’activité des vers de terre permet de rendre disponibles un certain nombre de nutriments, indispensables à la croissance des plantes, comme les nitrates et les phosphates.

Les choses sérieuses peuvent commencer

Des oignons bien au chaud sous leur filet anti-insectes. On commence à voir les rangs. On voit aussi que de nombreux grains de blé sont venus se mêler à la fête…

Aux Grivauds, le printemps se divise en deux parties. Deux parties qui ont des saveurs et des charmes différents. La première phase va de mi-mars à mi-avril. Elle concerne quelques gros chantiers laborieux : planter les oignons et les échalotes, semer les petits pois et les fèves, et produire les plants des légumes d’été (tomates, aubergines, courgettes, poivrons, haricots verts). Les chantiers oignons et fèves se sont terminés cette semaine. Ce sont donc 4 planches de 85 m qui ont été utilisées pour nos alliacées. Ce qui donne environ 9 000 bulbilles d’oignons, 2250 plants d’échalotes et 1600 mottes d’oignons rouges. Le genre de chantier où on est ravis d’être accompagnés par nos wwoofeur·euses… En fèves, on s’est contentés d’une vingtaine de mètres sur 2 rangs. On sait que c’est un légume assez clivant et qu’on n’en vend que quelques poignées à Vichy. La première série de betterave et la première série de persil sont aussi installées en serre. Nos courgettes commencent à émettre des fleurs, les pommes de terre sortent de la paille, les choux prennent leur envol : pour le moment, cette première séquence printanière se termine plutôt bien !

On est prêts pour rebâcher la serre 3 !

La deuxième séquence va principalement concerner l’installation des solanacées (tomates, aubergines et poivrons) sous serre. Le plant a un peu de retard mais, nous, on est prêts ! La première butte de tomates est déjà fertilisée, paillée et bâchée. Mais la semaine prochaine commencera surtout par un chantier spectaculaire : installer la nouvelle bâche de la serre 3. Vous vous en souvenez, la tempête Diego avait fait des dégâts dans cette serre, qui est désormais à ciel ouvert. Cette semaine, Fabrice a méthodiquement retiré la bâche déchirée et notre voisin éleveur a été contacté pour qu’il nous aide à monter la bâche au faîtage avec son manitou télescopique.

Histoire de couronner la fin de cette période, les pommiers ouvrent leurs fleurs et les premiers rossignols pétaradent leurs trilles à travers tout le jardin. Ajoutons à ça le retour de Nicolas et de ses improvisations délirantes, les gentilles taquineries de Claire et on a la sensation d’avoir passé une semaine joyeusement productive !

(Avant de voir la vidéo ci-dessous, il est recommandé d’avoir vu la première improvisation de Nicolas : ça se passe ici !)

À la semaine prochaine !

Déchirement

Ça devient difficile de trouver un fil directeur entre toutes nos activités de la semaine. On a l’impression de se démultiplier pour mener tout un tas de petits chantiers de front. On se sent aussi ubiquistes qu’un chiendent, aussi omniprésents qu’un chardon, aussi omnipotents qu’une potentille. Avec Adriel·le et Claire (une wwoofeuse-cycliste aux mille vies), on paille, on plante, on paille, on plante, on paille… Vous avez compris. Il y a eu l’AG de l’Amap de Bourbon-Lancy, qui a été un moment fort. La plupart des contrats pour l’année prochaine sont signés : nos adhérents ont massivement renouvelé leur adhésion et ça fait toujours chaud au cœur. Il y a la poursuite des greffes de solanacées et son lot d’incertitude, de tâtonnement et de stress. Il y a cette eau qui stagne au fond des serres 2 et 3. Il y a les oiseaux, il y a les fleurs, sans cesse plus nombreuses. Il y a le retour de la pluie. Il y a cette gelée qui s’annonce. Et puis, il y a le vent.

C’est mal rangé, ça.

Vendredi soir, difficile de trouver le sommeil. La tempête Diego balaie l’Allier avec une violence rare. La station de Paray-le-Monial a enregistré des rafales allant jusqu’à 94 km/h, ce qui est vraiment fort, si loin dans les terres. J’entends mes volets mal attachés qui claquent. J’entends les arbres se plaindre des rafales. J’entends mon portable qui vibre : c’est Fabrice qui craint pour les serres. Il a en tête 2012, année où il a perdu une serre dans une tempête similaire. C’était en avril aussi. Au petit matin, le verdict est impressionnant mais moins sévère que prévu. De nombreuses toiles tissées errent lamentablement en travers des planches de culture, les cagettes sont éparpillées un peu partout, certains jeunes arbres ont été abîmés. Une matinée de travail plus tard, tout rentre à peu près dans l’ordre. Mais la séquelle la plus impressionnante réside dans la serre 3, où la bâche est déchirée de façon irréversible. Heureusement, on avait prévu de changer cette bâche dans quelques jours et elle est déjà en commande. Il n’y a encore aucune culture sensible dessous et il peut pleuvoir tranquillement sur nos épinards jaunissants. On est passés à côté du pire.

Bon, ben, la serre 3 est déjà débâchée, du coup.

Chaque année semble apporter son lot de surprises climatiques. On le sait, le réchauffement de la planète s’accompagne de l’augmentation de la fréquence des épisodes extrêmes : orages, canicules, tempêtes, inondations, etc. L’année ne fait que commencer. On aimerait croire qu’on ne vivra rien de plus fort dans les mois à venir…

À la semaine prochaine !

Avril aux doigts blancs

Au lever du jour, il y a une lumière de conte de fée sur le village de Pierrefitte-sur-Loire.

Pourquoi faut-il toujours que le printemps ait des ratés ? Qu’il hésite, qu’il fasse des allers-retour ? Qu’il tousse du grésil, qu’il se déplume de flocons, qu’il blanchisse de nouveau les prairies et les toits ? Le froid en avril, c’est dur à vivre, ça joue avec les nerfs. On s’était mis à se dévêtir, on avait sorti les shorts des placards, on avait même pris quelques couleurs sur les pommettes et au bout du nez. Nos corps s’étaient préparés au chaud et on sent qu’on a de nouveau un travail d’adaptation au froid à faire. Les doigts piquent, les nez coulent. Mais, surtout, ce qui est compliqué, c’est que c’est la saison où on devrait commencer à implanter nos légumes d’été. Notamment les courgettes.

La neige qu’on attendait en janvier est tombée en avril.

Notre météo agricole nous annonce -7°C lundi matin, hors de question d’implanter quoi que ce soit en ce moment. Même des légumes réputés non-gélifs pourraient y laisser des plumes. On en a fait les frais l’année dernière, où les gelées d’avril avaient été particulièrement sévères : on avait perdu des plants de blettes fraîchement repiqués. Ainsi que des radis au stade plantule, sortis de terre depuis seulement quelques jours. Le gel peut aussi faire exploser les côtes des blettes à cardes. Et va donner un coup de frein à toutes les cultures en train de pousser… Parce que, contrairement à la semaine dernière, où il gelait aussi régulièrement, ce sont surtout les températures de l’après-midi qui sont en chute libre. 5°C comme maximale, c’est très très faible. D’ailleurs, c’est bien le signe que les gelées ne sont pas provoquées par le même phénomène. Les gelées de la semaine dernière, par temps clair et sec, sont un phénomène radiatif : la chaleur monte pendant la nuit et le sol peine encore à réchauffer suffisamment l’air ambiant pour empêcher la gelée. Par contre, cette semaine, c’est un phénomène d’advection : c’est le déplacement d’une masse d’air froid venue du nord qui fait plonger le mercure.

Un lit à baldaquin ? Non, un cabanon anti-gel dans la serre à plants.

Concrètement, sur le terrain, comment faire pour se protéger ? Simple : on garde les serres bien fermées pour profiter de la moindre éclaircie et faire monter la température. On met une double couche de voile sur toutes les cultures sensibles (dont les blettes). On retarde la plantation de courgettes. Et… on crée un cabanon anti-gel dans la serre à plants, pour les solanacées qui ne trouvent plus de place sur le sol chauffant. Ah, et, en plus, on serre les dents en espérant que ça suffise.

Dans la galerie de photos, vous constaterez qu’Adriel·le est de retour ! Vous l’aviez croisé·e sur notre blog en novembre. Cette fois-ci, iel a eu l’insigne honneur de participer au marché de Vichy. Et de récolter des épinards par des températures à peine positives… Les joies et les peines du maraîchage.

À la semaine prochaine !