Les Grivauds par temps chaud et sec : l’endroit idéal pour vivre une expérience allergique de qualité

Les graminées, c’est aussi un élément paysager

Rien à faire, aux Grivauds, on a une grande tendresse pour les graminées. Vous savez, ces grandes tiges/feuilles que vous appelez «herbes» en mettant un peu tout le monde dans le même sac. Le genre de plantes, qui, dans une pelouse « bien entretenue », n’atteint jamais le stade de la floraison. Et de toutes façons, à quoi bon laisser fleurir puisque la floraison est si peu colorée, si peu spectaculaire. Encore, un coquelicot ou un bleuet, passons. Au moins, c’est décoratif. Mais un panic ou un dactyle, aucun intérêt. Sauf que … non, nous, on y trouve plusieurs intérêts. D’abord, les graminées sont d’excellents couvres-sols. Elles ont un rôle clé dans les écosystèmes prairials : elles produisent beaucoup de biomasse et leurs racines structurent le sol à toutes les profondeurs. Elles produisent force graines, ce qui présente une source de nutrition pour de nombreux oiseaux (comme les moineaux par exemple). Et en plus … elles ont la classe ! Non, mais c’est vrai, dès qu’on s’y intéresse un tout petit peu, on y détecte une foule de formes, de hauteur, structure. C’est riche. C’est beau. Tout simplement.

Panicule de Dactyle aggloméré au moment de l’anthèse (stade où les fleurs sont fonctionnelles)

Alors, du coup, vous vous doutez qu’on a tendance à ne pas entretenir nos bords de champ plus que nécessaire. On tond pour dégager des chemins. Éventuellement, on vient entretenir le tour des serres. Mais c’est à peu près tout. Forcément, les graminées en profitent pour s’exprimer joyeusement. La vague de chaleur que nous traversons a permis une précocité et une intensité remarquables des floraisons de graminées. C’est de moment idéal pour que ces plantes lâchent en masse leur pollen dans l’air chaud. Tiens, mais pourquoi font-elles ça, d’ailleurs ? Eh bien, tout simplement parce que leur pollinisation est anémophile : les pollens (gamètes mâles) sont portées par le vent, dans l’espoir qu’ils croisent les stigmates d’une autre fleur, parfois à plusieurs kilomètres de distance de la première, assurant par là même un bon brassage génétique. Compte-tenu du caractère aléatoire de l’opération, chaque plante a intérêt à émettre une quantité énorme de pollen pour avoir une petite chance de réussir une fécondation. Problème : ce pollen est allergène.

Cette semaine, on en a eu une illustration parfaite dans notre champ : Lucas, le wwoofeur brésilien et Mickaël, notre stagiaire du moment, nous ont donné un magnifique concert d’éternuements en stéréo ! Le rhume des foins dans sa plus belle expression, les histamines dans leurs œuvres, les mouchoirs au creux des mains, prêts à être brandis en signe d’abdication face à la violence de la poussée allergique. Il parait que la prévalence du rhume des foins est en augmentation ces dernières décennies. La pollution urbaine jouerait beaucoup (notamment l’ozone et le dioxyde d’azote, émis par le trafic urbain). L’hygiénisme aurait aussi un impact visiblement. Mais, normalement, les paysan·nes ne sont pas concerné·es, puisque iels n’ont pas le temps de faire leur ménage… Claire, wwoofeuse-cycliste multi-récidiviste, de retour pour quelques jours, assiste au spectacle en riant. Nos deux volontaires aux yeux rouges se moquent gentiment d’eux-mêmes et rient des excès de leur réaction immunitaire. L’ambiance reste légère, même sous un soleil d’une remarquable agressivité. C’est l’essentiel : c’est ça qui nous aide à garder le cap dans une période aussi dense…

À la semaine prochaine !

Voyager de jardin en jardin

Première tâche pour Mickaël, de retour aux Grivauds : planter du basilic. Et nous raconter ses autres stages.

Quand un·e de nos stagiaires est de retour aux Grivauds, comme c’est le cas de Mickaël cette semaine, il y a toujours un moment que j’attends avec gourmandise. Celui où le·la stagiaire va nous raconter ce qu’iel a vu dans ses autres stages. L’avancement des cultures, l’ambiance, ce qu’on y fait et ce qu’on y apprend. C’est pour moi déjà une façon de voyager. Mais, depuis mercredi, le dépaysement a augmenté d’un cran. Car en ce moment nous recevons Lucas. Et Lucas est brésilien. Pendant les deux premiers jours, je suis resté très concentré sur mon portugais, qui était très rouillé. Focalisé sur le fait de comprendre ce qu’il raconte. Obsédé par la réactivation du vocabulaire, de la conjugaison et des girias[1]C’est le mot portugais qui désigne les idiomatismes, c’est à dire les expressions propres à une langue, à un dialecte.. Et puis, petit à petit, à force d’entendre cet accent carioca[2]Relatif à Rio de Janeiro si délicieusement chuintant, les souvenirs ont afflué et la saudade[3]Le mot saudade désigne un sentiment complexe proche de la nostalgie. m’a enveloppé de sa douceur piquante. Oh oui, maintenant, je me souviens.

Lucas, les mains dans les petits pois

Je me souviens de mon premier wwoofing. C’était dans le Minas Gerais, à Rio Pomba. Je me souviens de la chaleur tropicale, des longues matinées de travail, des siestes sous un soleil brûlant, du soleil qui se couche à la verticale à 18h. Des soirées autour d’une guitare et d’un feu de camp. Je me souviens d’avoir récolté des bananes et des noix de coco. D’avoir cueilli des mangues et des baies de Jabuticaba. D’avoir bouturé des choux (!) et d’avoir palissé des tomates qui ressemblaient à des pieds de vigne (!!). Je me souviens des moustiques. Je me souviens de mes motivations à faire du wwoofing : apprendre le portugais et rencontrer des brésilien·nes. J’avais déjà un peu jardiné quand j’étais petit. Mais pas beaucoup. Je suivais alors ma mère au jardin avec un enthousiasme d’adolescent très mesuré. Je crois que c’est vraiment à Rio Pomba que j’ai attrapé le goût du jardinage. C’était en 2014, j’avais 31 ans. Dans l’année qui a suivi, j’ai refait du wwoofing. En Argentine, au Chili et au Pérou. Et puis en France. C’est en cherchant un lieu où venir donner un coup de main que je me suis retrouvé ouvrier agricole. De fil en aiguille, à force de voyager, je suis devenu maraîcher. Mais, oui, d’une certaine façon, c’est bien mon amour de la langue portugaise qui m’a amené là où je suis aujourd’hui.

Paillage des planches de courges

Lucas et Mickaël, bien qu’ils soient nés à 8000 km de distance, partagent une même trajectoire, qui semble propre à cette génération. Nous en avions déjà parlé dans l’article «Chercher et se chercher» de cet hiver. Lucas me raconte que cette précarité existentielle est devenue inévitable pour les jeunes, même au Brésil. Il y a la pression de la crise écologique. Et, dans le même temps, il y a déjà un cortège de publications et d’initiatives qui permettent rapidement de faire un pas de côté sans avoir à réinventer la roue. C’est tellement tentant…

Comme ça me fait drôle que ce soit à mon tour de montrer nos gestes et nos façons de faire à un brésilien… Je mesure le chemin parcouru en 8 ans et c’est vertigineux. Lucas n’est pas vraiment un perdreau de l’année, il a déjà pas mal d’expérience. Il sait planter, il sait récolter plein de choses, il sait palisser une tomate… Avec Fabrice, il communique avec les mains et avec quelques rudiments de français qui s’épaississent de jour en jour. Avec Mickaël, il parle anglais. Comme d’un fait exprès, l’été fait une entrée précoce au jardin et nous tanne gentiment le cuir. On se dépêche de planter les dernières tomates : l’énorme chantier «courges» nous appelle. Dans le même temps, une ombre trop bien connue rôde sur nos têtes : le blé fait un retour en force dans toutes nos cultures… Souvenez-vous, l’année dernière déjà

À la semaine prochaine !

References

References
1 C’est le mot portugais qui désigne les idiomatismes, c’est à dire les expressions propres à une langue, à un dialecte.
2 Relatif à Rio de Janeiro
3 Le mot saudade désigne un sentiment complexe proche de la nostalgie.

Le pari de l’année

Des cultures en bord de butte et des tomates greffées en rang central ; une expérimentation en cours aux Grivauds ! (Cliquer pour agrandir)

Il y a une expérimentation en cours aux Grivauds. Une expérimentation qui pourrait changer la donne en terme de densification des cultures. Vous savez déjà que tous nos plants de tomates et d’aubergine sont greffés. L’année dernière, on a pu constater l’étonnante vigueur de ces plantes. La théorie précise qu’il est possible de diminuer la densité des tomates par deux et de les mener sur deux têtes[1]Au lieu d’une seule, comme c’est le cas généralement. Plus précisément, ça consiste à tailler tous les bourgeons axillaires de la tomate (les fameux «gourmands») pour forcer le … Continue reading. Les tomates sont alors plantées sur un seul rang. Au moment de la taille, on conserve le gourmand le plus vigoureux, en plus de la tête principale et on palisse les deux têtes de façon séparée. Le pari que nous faisons cette année est le suivant : est-ce qu’une tomate greffée menée sur deux têtes peut donner autant que deux pieds séparés ? On a donc produit deux fois moins de plants que les années passées. Ce qui fait déjà moins de travail pour entretenir les plants et pour les planter. Mais surtout … ça fait de la place en serre !

Plantation de tomates sur bâche, au milieu des salades (Simon à la manœuvre)

Ben oui, songez-y : on a désormais de la place de part et d’autre des tomates (et des aubergines) pour planter tout un tas de petites choses qui auraient galéré dehors autrement. Des betteraves, des salades, des fenouils, du persil, du basilic. Et plus tard, quand tout ça sera récolté, on pourra même y semer des haricots nains ! Bon, ça demande quand même d’être malins, notamment pour le paillage de la planche. Dans certains cas, on a paillé avant d’implanter les cultures latérales. Dans d’autres cas, on paillera après les avoir récoltées. Les tomates et les aubergines sont plantées sur une petite toile tissée de 50 cm de large, ce qui permettra de calmer les liserons et les chardons sur cette partie de la planche. Deux gouttes à gouttes courent entre les rangs ainsi formés : on a pensé à tout ! Et même à fertiliser un peu plus généreusement que d’habitude : du compost et du fumier. C’est que la planche doit produire autant de tomates que d’habitude et supporter une petite culture annexe en plus.

William et Simon ; stagiaires printemps-été 2022

Ces deux dernières semaines, les implantations ont été très importantes. C’est le début du rush de plantation pour nous. Rush qui se termine en général mi-juillet, lorsque tous les choux sont plantés. Et cette année, on a décidément droit à des petites mains plutôt exceptionnelles[2]Oui, comme tous les ans en fait… ! William et Simon sont deux nouveaux stagiaires que vous aurez l’occasion de voir plusieurs fois dans notre jardin. Tous deux sont à des stades très différents de leurs projets agricoles. William n’en est qu’au début de sa reconversion, alors que Simon a déjà une idée assez précise de ce qu’il veut faire. Avec eux, on parle beaucoup technique, mais aussi un peu cuisine. L’occasion de se souvenir pourquoi on s’acharne à faire pousser tous ces légumes : pour les manger, tout simplement. On les remercie bien chaleureusement tous les deux, en attendant de les retrouver à la saison chaude.

À la semaine prochaine !

References

References
1 Au lieu d’une seule, comme c’est le cas généralement. Plus précisément, ça consiste à tailler tous les bourgeons axillaires de la tomate (les fameux «gourmands») pour forcer le pied à monter le plus haut possible.
2 Oui, comme tous les ans en fait…