C’est l’été ; les journaux font la météo des plages, ou se plaignent que les guêpes, trop nombreuses cette année, viennent pirater le melon de l’honnête touriste venu se la couler douce sur son lieu de villégiature privilégié. On aurait tort de gâcher la fête. Surtout pour vous parler de néonicotinoïdes. D’abord, parce que ce mot – néonicotinoïde – est imprononçable, avouez-le. Ensuite parce que lorsque vous en entendez parler, c’est toujours en rapport avec une histoire de «Jaunisse de la betterave», un virus qui affecte les plantations de betteraves sucrières. Et que un virus par an, c’est déjà bien suffisant. Bon, passons à autre chose. Qui reprend des merguez ? Tututut ! Pas si vite ! En fait, on va quand même vous gâcher l’apéro avec un machin polémique et on va même monter un peu le ton. Et pas seulement pour se plaindre de la météo (ça, on l’a déjà fait la semaine dernière). Non, on va se plaindre du retour en France d’un des pires pesticides qu’on ait jamais inventés. Pire que le glyphosate ? Oui.
Les betteraves se sont choppé la jaunisse à cause des pucerons. En agriculture, le puceron, c’est une valeur sûre : tout est toujours plus ou moins de sa faute. Il faut dire qu’ils pullulent cette année… Notamment à cause du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique, le gouvernement n’y peut rien ; la priorité du moment, c’est de relancer la croissance. Commencez pas à faire les fines bouches avec vos histoires de CO2, on vient tout juste de survivre à une pandémie planétaire, alors c’est l’heure de faire la fête, de consommer massivement et de retourner au boulot (non mais). Alors, on fait comme la FNSEA le demande : on autorise de nouveau les insecticides néonicotinoïdes. Le genre de truc tellement efficace qu’il dégomme aussi au passage tout plein d’autres insectes, comme les abeilles et les bourdons. Bon d’accord, c’est extrêmement persistant, on en retrouve partout (y compris dans les sols et les nappes phréatiques) et ça porte atteinte à des espèces vivantes qui n’étaient pas ciblées : insectes (abeilles, papillons…), prédateurs d’insectes (oiseaux, souris, taupes, mulots, chauve-souris), vers de terre, êtres humains. Êtres humains ? Oui, accessoirement, il semblerait que ces charmantes molécules agissent sur le développement de notre cerveau. Et pas dans le bon sens visiblement… Notez le paradoxe du cas français : les néonicotinoïdes ont été interdits en 2016 grâce à … Mme Pompili, alors Secrétaire d’État à la Biodiversité. Et ils sont de nouveau autorisés en 2020 grâce à … Mme Pompili, devenue Ministre de la Transition Écologique. Et, histoire d’en rajouter une couche, ajoutons qu’on autorise ces poisons pour sauver la filière de la betterave, c’est-à-dire pour sauver une industrie qui nous file des caries et qui nous colle du diabète. Joie. Bon, d’accord, me direz-vous, mais qu’est-ce qu’on y peut ? Si c’est pour se faire des nœuds au cerveau, autant aller se resservir un pastis.
Mais nous, aux Grivauds, on aime bien se faire des nœuds au cerveau. Le gouvernement et la FNSEA font le choix de simplifier le problème : un parasite -> un produit phyto. Nous, on préfère le complexifier. On prend le temps d’étudier le parasite (ici le puceron) sous tous les angles : que mange-t-il ? Comment se reproduit-il ? Comment se déplace-t-il ? Et surtout… par qui est-il mangé ? Et là, on découvre qu’il y a une myriade d’acteurs qui peuvent contrôler le puceron : les larves de syrphes, les coccinelles, les chrysopes, les cécidomyies et même certaines guêpes et certaines punaises. Et le puceron n’est qu’un exemple parmi d’autres. De manière générale, l’agriculture conventionnelle paie le prix d’un manque flagrant de biodiversité. La monoculture, les grandes parcelles, la destruction des haies, tout ça agit de façon préjudiciable sur les auxiliaires de culture et force les agriculteurs à dépendre toujours plus de la chimie. Et à empoisonner ce qui reste de biodiversité au passage. Un vrai cercle vicieux dont il est temps de sortir.
Quant on ne râle pas, aux Grivauds, on fait un peu avancer le boulot dans les champs : désherbages des carottes, des panais, des poireaux, etc. On prépare la future planche de mâche et la prochaine plantation de navets. Et surtout, on récolte ! Le marché nous prend quasiment deux jours à préparer et nos clients vichyssois y ont découvert pas mal de nouveaux légumes : du céleris-branche, du maïs doux, des piments et … des melons ! Le mardi, on note un certain chasser-croiser dans notre ÉcoJardin : le matin, on dit au revoir à Gwen et Claire, nos deux bretons sur tandem ; l’après-midi, on accueille la relève : Camille et Sergio. Ces deux-là sont d’authentiques urbains venus de la grande ville, mais ne vous y méprenez pas : ils s’y connaissent déjà en légumes. Ils ont déjà effectué un wwoofing avant d’arriver ici et Camille a même eu d’autres expériences maraîchères, dont un stage sur des toits albertivillariens pour y faire pousser des légumes. Avec son expérience dans la pharmacie, Camille a déjà une certaine connaissance des plantes et sa reconversion est déjà bien engagée. On profite des origines espagnoles de Sergio pour faire des allers-retours entre nos deux cultures. Un dépaysement qui nous fait du bien et qui nous aide à supporter les derniers coups de chaud de l’été…
À la semaine prochaine !
En matière d’environnement (mais pas que), on avance à trop petits pas mais on recule bien plus vite, dès que de grosé interets sont menacés… Grrrrr. À ce rythme, on n’est pas prêts de sauver mère Planète ! Il y a vraiment de quoi avoir la rage #Grrrrr #solidaires #sauvonslesabeilles
Ah Denis, la colère sert ton style d’écriture et c’est un plaisir de lire cet article. Indirectement merci Mme Pompili …! Plus sérieusement bravo pour votre engagement et pour votre sens de l’accueil qui participent à semer les petites graines de l’écologie. Bonne continuation et à bientôt.
Amitié agricole
Bon. Je passe une semaine en Bretagne comme soutien aux bretons qui sont ostracisés dans ce jardin, apparemment ! À bas la stigmatisation des minorités visibles ! 🤣🤣🤣