Il y a quelques semaines, Céline nous a posé la question suivante : «qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre travail ?» Fabrice et moi étions d’accord : produire de beaux et bons légumes. Ça doit vous paraître presque un peu décevant, compte-tenu du temps que nous passons à vous parler de notre écosystème, mais c’est parfaitement exact. Nous, ce qui nous fait nous lever tous les matins aux aurores, ce qui nous aide à supporter la chaleur, le froid, les amplitudes horaires délirantes, ce qui nous rend fiers lorsque nous nous couchons épuisés le soir, ce sont nos légumes. Leur goût, leur contribution à votre bonne santé, leur beauté, la gourmandise qu’ils suscitent en vous. Et plus on en a, plus on est heureux ! À Vichy, on adore quand on vous sent hésiter devant notre grand stand coloré, quand vous nous racontez comment vous vous êtes régalés la semaine passée avec les haricots, les tomates ou les courges des Grivauds. La saison avance et notre gamme se réduit petit à petit. Plus le temps passe et plus nos stocks s’épuisent. Car, en ce moment, nous vendons des légumes qui ont poussé l’été dernier. Quand il n’y a plus d’oignons, par exemple, c’est définitif. Du moins vous faudra-t-il attendre jusqu’à avril pour profiter des oignons nouveaux. Or nos stocks diminuent rapidement, trop rapidement à notre goût et nous nous sentons légèrement mal-à-l’aise. Il y a moins de variété, que ce soit dans les paniers d’Amap ou pour Vichy. Et notre stand est rapidement épuisé. Que s’est-il passé ? Que sont devenus les légumes des Grivauds ?
Il y a deux facteurs qui expliquent cette baisse de disponibilité. D’abord, nous avons plus de clients que les années passées. Certes, le nombre de paniers en Amap a augmenté après le premier confinement. Mais c’est surtout que, à Vichy, il manque un collègue à l’appel : le fameux Vincent… Depuis quelques mois, avec les autres producteurs, nous absorbons tant bien que mal son imposante clientèle. Du coup, notre stand se vide à grande vitesse et nos stocks diminuent inexorablement. Compte-tenu des problèmes que nous avions eu sur la conservation des carottes l’année dernière, nous avons fait le choix de les vendre rapidement et finalement… alors que nous n’en avons perdu aucune, nous n’en avons déjà presque plus. Globalement, nous avons mieux réussi nos légumes d’hiver que les années passées (notamment les navets, les poireaux, les betteraves et les courges). Il y a aussi eu quelques échecs (choux de Milan, radis d’hiver). Mais au final, si on se retrouve si rapidement dépourvus, c’est bien à cause de la hausse de la demande.
Ensuite, il y a les légumes «feuille» d’hiver. Nous avons été très sérieux cet automne et nous avons beaucoup planté de mâches, de salades, de chicorées, de mesclun et d’épinards. Sans exagérer, nos serres sont pleines ! Et pourtant, ça fait deux semaines qu’on n’arrive plus à mettre de salade dans les paniers. La faute à deux facteurs. Le premier, c’est que les taux de réussite en hiver sont plus faibles qu’en été (plus de problèmes phytosanitaires et plus de carences). La série de salades qu’on devrait récolter actuellement n’a pas du tout marché. Le deuxième, c’est que s’il fait trop froid ou trop sombre (ou pire, les deux en même temps comme ces derniers jours), alors plus rien ne pousse. Depuis deux semaines, les blettes et les épinards font du sur-place, les salades et les mâches se sont mises en grève et les scaroles ont même eu le toupet de geler sous leurs cloches ! Et nous, pendant ce temps-là, on trépigne d’impatience…
Je me pose la question suivante. Que faudrait-il faire pour satisfaire toute cette demande ? Faire un peu de revente ? Nous savons que certains d’entre vous froncent le nez à cette idée mais nous ne voyons pas d’autres pistes sur le court terme. Produire plus ? Ce serait oublier que nous sommes objectivement au maximum de nos capacités physiques, Fabrice et moi. Nous pourrions envisager de prendre un(e) saisonnier(e) toute la saison pour semer plus de carottes (par exemple). Pourquoi pas. Mais ce serait oublier que notre rentabilité est toujours très faible, compte-tenu de notre faible mécanisation notamment, et qu’un salaire, ça coûte très cher. Faire entrer quelqu’un d’autre dans le GAEC ? Ça nous est arrivé d’y réfléchir avec Fabrice et c’est une piste que nous laissons ouverte, qui a ses mérites et ses inconvénients. À Vichy, cette année, il y a deux nouveaux maraîchers qui se sont installés à l’étage. Pour l’instant, leur production hivernale ne permet pas de compenser l’absence de Vincent. N’empêche, on sent qu’il reste de la place pour de nouvelles installations. D’autant plus que la fraction de la population qui consomme local et bio reste encore faible. Le passage d’un certain nombre de «porteurs de projet» aux Grivauds nous rassure sur la dynamique actuelle. C’est sur cette réflexion un peu en suspens que je vous dis…
…à la semaine prochaine !