«Il est beau notre sol, hein ?» Vous nous avez déjà certainement entendu nous exclamer d’enthousiasme devant nos sols cultivés. Leur texture souple et grumeleuse, leur belle couleur foncée, leur douce odeur d’humus. D’ores et déjà, on sent, notamment lors des plantations, que les choses évoluent dans le bon sens : on tapote à peine le sol de la pointe de notre petit plantoir, que déjà c’est prêt à recevoir la motte de terreau. La reprise des plants est rapide, quasiment systématique. Nos rendements et nos taux de réussite augmentent année après année. On a l’impression de faire les choses correctement et d’être justifiés dans notre pratique. Cependant, ça faisait longtemps qu’on parlait de faire une analyse de sol. Le suspense était fort, on avait envie de savoir ! Savoir si notre pratique du MSV (Maraîchage sur Sol Vivant) avait réellement un impact sur la qualité de nos sols. Savoir si, depuis trois ans que nos sols ne sont plus travaillés et nourris à la paille, nos efforts pouvaient être quantifiés. Cet hiver, on passe le pas et on profite d’une opération groupée d’analyses organisée par la FRAB pour soumettre nos échantillons de sol. Il y a notamment un indicateur qui nous intéresse au plus haut point, c’est le taux de matières organiques (MO). On vous explique pourquoi.
En MSV, la fertilité est assurée par l’activité biologique du sol : les minéraux (azote, phosphore, potassium, etc.) sont mis à la disposition des plantes grâce aux champignons, aux bactéries, aux vers de terre, etc. Sans parler du fait que les vers de terre contribuent à l’aération et la décompaction du sol. Une des manières de quantifier cette activité biologique, c’est de connaître la quantité de matière organique présente dans le sol. Cette matière est issue de la décomposition des déchets végétaux (rémanents de culture, engrais verts, racines, pailles, etc.) et animaux présents dans le sol ou juste au dessus (dans la litière). Lorsque les apports sont suffisants, la matière organique se retrouve stockée dans le sol sous forme d’humus. Je vous la fais courte[1]Pour en savoir plus, je vous renvoie à ce document : https://occitanie.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Occitanie/GuidePO_Tome1_chapitre_2.pdf mais, en gros, on considère que les sols de forêts (5% de MO) ou de prairie permanente (4% de MO) sont autofertiles. Alors que les sols agricoles (1 à 2 % de MO) ont besoin d’être fertilisés en permanence (avec du fumier ou du compost, quand ça n’est pas des engrais chimiques…). Pourquoi les sols agricoles sont-ils plus pauvres ? Principalement parce que le travail du sol dégrade la matière organique et qu’elle l’empêche de se stabiliser sous forme d’humus. En MSV, on ne travaille pas son sol et on cherche à se rapprocher d’une dynamique de prairie en déposant continuellement des matières très carbonées (pailles, BRF) sur le sol. Les pionniers du réseau, à force de nourrir leurs sols, obtiennent des taux de MO supérieurs à 5 et récoltent des choux de taille impressionnante…
Les prélèvements ont eu lieu à deux endroits de la parcelle : à gauche de la serre 5 (échantillon appelé Grivauds-2-haut) et à droite de la serre 5 (Grivauds-1-bas). On vous met les deux documents à disposition pour que les plus experts d’entre vous puissent les étudier (cliquez sur les images ci-dessus pour télécharger les pdf fournis par le laboratoire). Si on se limite au taux de MO, on note que l’échantillon Grivauds-2-Haut annonce 2,6% alors que l’échantillon Grivauds-1-Bas donne 3,7%. La différence entre les deux valeurs s’expliquent par l’histoire de ces deux zones : l’une a connu beaucoup plus de travail du sol que l’autre. La valeur la plus basse nous interpelle et semble expliquer la différence de performance constatée entre les deux parties de notre champ. À la lecture de cette valeur, on s’est sentis un peu déçus. Après trois années de paillage, on s’attendait à quelque chose de plus spectaculaire. On n’a jamais caché que notre pratique agronomique était un peu faite «au doigt mouillé», sans véritable mesure. Même dire précisément quelle quantité de paille nous apportons sur chaque planche de culture est délicat. Un calcul approximatif nous donne une fourchette entre 10 et 15 tonnes par hectare et par an. On comprend maintenant que, dans cette partie du champ, nos paillages ont bien réenclenché une vie du sol (il n’y a qu’à voir la formidable activité lombricienne pendant les inter-saisons) et ont légèrement amélioré le taux de MO (qui était descendu en dessous de 2% au moment du passage en MSV). Par contre, pour ce qui est d’une véritable aggradation, on sent confusément qu’il nous faudra employer les grands moyens : semer des engrais verts, laisser en jachère ou apporter du BRF. Le document ci-dessous confirme la bonne activité microbienne de notre sol ainsi que son excellente capacité à mettre à disposition de l’azote pour les plantes.
On reviendra sans doute plus tard sur ces analyses de sol, car elles sont riches d’enseignement. En attendant, en plantant nos salades de printemps, on salue avec respect les vers de terre qui s’ébattent sous nos yeux, vaguement dérangés par la vibration occasionnée par nos petits coups de plantoir. On admire leur longueur impressionnante, leur ondulation ; on les sent chez eux, nourris et protégés par notre paille. Notre pratique agricole améliore la vie souterraine et cette vie, par ricochet, nous enrichit et nous encourage à poursuivre dans cette voie. Il y a là un cercle vertueux qui suscite en nous un enthousiasme qu’aucune pluie d’hiver, si froide fut-elle, ne viendra doucher.
À la semaine prochaine !
References
↑1 | Pour en savoir plus, je vous renvoie à ce document : https://occitanie.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Occitanie/GuidePO_Tome1_chapitre_2.pdf |
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