Cette semaine, ça fait précisément trois ans que j’ai rejoint Fabrice aux Grivauds. Je me souviens du printemps 2018. Je me souviens des plants qui s’accumulaient joyeusement dans la petite pépinière. Il y avait là comme une promesse d’opulence à venir et c’était très stimulant. Mais, en quelques semaines, la situation était devenue plus ou moins hors de contrôle : on n’avait plus de place nulle part. Alors, on stockait nos plants où on pouvait : sur des planches libres de serre, parfois très éloignées de la pépinière, ou carrément dehors, à l’entrée du champ. Arroser les plants relevait d’une invraisemblable gymnastique : il y en avait littéralement partout. Je me souviens d’une caisse de roquettes qu’on avait un peu oubliée dans un coin et qui était tellement développée qu’on aurait pu la récolter directement sans la planter. À la fin de la saison, lors de l’hiver, on a décidé de monter une deuxième serre à plants. Ce serait une serre plus froide que la première, destinée à l’endurcissement. Dans cette nouvelle serre, les plants s’habituent progressivement au froid, à frisonner dans la bise, à anticiper du mieux possible leur plantation dans un sol pas toujours très réchauffé… Faute de temps, on avait limité l’aménagement du sol à la simple pose d’une toile tissée. Malheureusement, on s’est rapidement rendus compte que nos creux et nos bosses posaient quelques problèmes d’homogénéité : s’il y a un trou dans le sol sous une caisse de plants, alors l’air circule et le plant se dessèche rapidement.
Il nous a fallu attendre deux ans pour trouver le temps de terminer le nivellement de cette serre d’endurcissement. Après l’avoir complètement vidée et avoir désinstallé les bâches, on dépose une bonne épaisseur de sable (environ 5 cm) et on remet les bâches. Cette semaine, on a enfin pu commencer à vider notre serre à plants et à profiter de cette belle surface plane. Bon, il nous manquait un peu de sable, mais une simple annonce sur les réseaux sociaux nous a permis d’en récupérer chez Nadja, qui habite entre Diou et Pierrefitte, qui a une petite carrière derrière chez elle. Pratique ! En échange, on lui fait un joli panier de légumes.
À la fin de la semaine, on plante nos navets et nos choux de printemps. À la manœuvre, un certain Milan… Milan ? Mais si, vous connaissez : il a été wwoofeur chez nous en 2018 ! Figurez-vous que, par la suite, il a été vendeur de fruits et légumes chez un primeur parisien. On parle de son expérience de la vente, de la relation avec les clients, de jardinage. Et aussi de vélo et de cuisine. Dans le même temps, notre agenda de petites mains se remplit à une vitesse infernale : il n’y a déjà plus de places avant la fin du mois d’août ! Du jamais vu en février !
Un petit mot pour vous parler de la levée de nos carottes semées en serre 7. Il y a deux semaines, on vous avait expliqué (dans la galerie de cet article) qu’on était en train de changer de technique pour nos semis de carottes. Maintenant qu’on les voit lever, on est assez convaincus de l’efficacité de cette nouvelle technique ! Si tout se passe bien, cette planche donnera en début d’été (juin) et elle devrait être très très bien remplie !
Erza miaule. Je n’avais jamais entendu le son de sa voix jusqu’à présent. Elle trottine à notre rencontre pour réclamer un câlin. Mais, malheureusement, ça n’est pas le moment : Fabrice est en train de planter des arbres fraîchement greffés, particulièrement fragiles, et rien ne doit venir le déconcentrer et lui faire faire un faux geste. Ça y est, on peut le dire, l’un de nos plus anciens projets commencent enfin à prendre forme : on plante nos haies fruitières ! Tout va tellement vite ! Il y a une semaine, c’était l’hiver et il gelait à pierre fendre. Et cette semaine, on travaille en tee-shirt… Les planches de nos haies fruitières ont été paillées dans la semaine (merci Charly !). Fabrice ouvre la paille, il creuse un petit trou (pas plus profond que son fer de bêche), plante son arbre et place une grande collerette de jute autour. Plus tard, on viendra installer les gouttes-à-gouttes et on ajoutera une bonne épaisseur de BRF. Pour cette première fournée, il y a des pruniers, des pêchers et des kakis.
Difficile de rester concentrés sur le travail tant le jardin se métamorphose de jour en jour. Le printemps est littéralement explosif cette année : tout arrive en même temps ! Fabrice en profite pour lancer une petite initiative : il compte rédiger régulièrement une rubrique qui décrirait la vie sauvage du jardin. Voici donc la première édition de cet «écho du jardin» :
L’écho du Jardin (par Fabrice)
Après ce coup de froid bref et intense la nature se réveille ! Déjà en début de mois nous avions remarqué les balbutiements du printemps, quelques timides retours d’oiseaux migrateurs, des floraisons précoces et des changements d’état de certains bourgeons d’arbres. Mais cette semaine tout s’est accéléré. On sent poindre le printemps avec des retours massifs d’espèces d’oiseaux migrateurs tels les majestueux milans royaux qui nous survolent par petits groupes dès le début de matinée, quelques jolis vols de pigeons ramiers, un magnifique passage d’au moins 400 vanneaux huppés et de nombreuses autres espèces comme les tarins des aulnes, les bergeronnettes grises, les grives musiciennes et litornes qui font une halte aux Grivauds sur leur trajet ! Tiens, grives, Grivauds, y aurait-il un lien ? Certainement un lieu très fréquenté jadis par ces magnifiques oiseaux !
Et lorsque l’on tend l’oreille le matin, la petite alouette lulu nous gratifie de son joli chant et de ses parades, les mésanges bleues et charbonnières s’affairent déjà près des nichoirs fraîchement posés et chantent à tue-tête, le bruant zizi se perche au sommet des plus hauts arbres pour montrer à ses congénères que le territoire est occupé. Et cette semaine nous entendons le premier chant du pinson des arbres, du verdier d’Europe, du pouillot véloce (surnommé le compteur d’écus) et du merle noir. Chez les insectes on sent aussi que la température douce de ces derniers jours les a fait sortir de leurs abris, nous apercevons notre première abeille charpentière, les abeilles domestiques sont de sortie, et le papillon citron nous survole et vient se poser sur le buis pour attirer notre attention et se faire immortaliser par Denis !
Les floraisons se font moins timides, ce sont surtout les véroniques de Perse et les cardamines hirsutes qui exposent leur petits pétales fragiles et gracieux.
Les premières nuées de pollen des ifs se détachent des fleurs avec le vent et donnent l’impression d’un nuage de fumée, les bourgeons des pruniers et des pêchers se développent très rapidement ne laissant que peu de répit à mon programme de greffage. Il faut se hâter, il fait déjà trop chaud !
Lundi, on récupère du compost chez Pierre-Yves (Ferme Joca), notre collègue Pierrefittois. Mardi matin, autre grand moment, Bob et Quenelle se font parer (on leur retire une partie de leurs sabots). Pour Quenelle, ça faisait un certain temps que cette opération était devenue problématique : elle ne se laissait vraiment pas faire et le maréchal-ferrant n’arrivait pas à remettre les sabots en état. Cette fois-ci, on a fait venir une vétérinaire équine pour la tranquilliser. Pendant les jours qui ont suivi, on les a maintenu parqués pour que Quenelle ne marche pas trop et qu’on puisse continuer à lui donner un anti-inflammatoire, le temps de la cicatrisation. On admire la vitesse de son rétablissement, la beauté de son port et de sa démarche. On se sent fiers d’elle. Toujours mardi, on fait rentrer 4 tonnes de sable pour niveler notre serre d’endurcissement. Mercredi, on remet en eau notre circuit d’irrigation. On rencontre deux nouveaux soucis. D’abord, une de nos pompes (la plus vieille) décède lamentablement au cours de l’opération de ré-amorçage. On estime qu’on perd environ un tiers de notre capacité d’irrigation. Il faudra s’y faire : nos capacités d’investissement sont trop faibles en cette période pour acheter une nouvelle pompe. Ensuite, la vanne d’arrivée d’eau pour nos serres 1 à 4 s’est fendue au cours de la dernière gelée… On perd encore deux jours avant de réussir à la remplacer. Fin de semaine en beauté : vendredi on récolte plus de 30kg d’épinards pour le marché de Vichy…
Voilà, normalement, tout est en place pour le printemps : on a de la paille, du compost, du BRF, du sable, les ânes sont parés et notre station de pompage fonctionne ! Yapluka…
Les choses ne se passent pas toujours comme prévu… Quand on planifie une culture, on s’appuie sur des données moyennes, en terme d’ensoleillement, de températures. La tendance actuelle, c’est plutôt d’avoir des hivers doux. Alors on sème du radis en janvier, nos plants de choux semés en décembre sont repiquables mi-février et un simple P17 suffit à protéger nos petits pois. Sauf que, cette année, on fait face à une météo qui nous complique la tâche. D’abord, on a traversé une période sans soleil de plusieurs semaines de suite, ce qui est relativement inédit. À cette période, la lumière, ça change tout ! C’est plus de 10°C de différence sous serre ! Par exemple, ce matin, sous le soleil, à 11h, il faisait -1°C dehors et 11°C sous serre ! Sans soleil, les serres ne jouent pas leur rôle et tout pousse très lentement. Du coup, les plants prennent du retard par rapport aux années passées et il va falloir qu’on décale certaines de nos plantations de fin février. Mais il y a plus grave…
Sous les nuages, on échappe aux gelées matinales et nos jeunes plants ne s’endurcissent pas. Du coup, lorsqu’il gèle enfin, c’est très brutal pour nos plantations, qui ne sont pas vraiment habituées au froid. Moralité, nos semis de radis ont gelé (oui, gelé !) ainsi que de nombreux plants de petits pois. Heureusement, il nous reste du plant de petits pois en motte mais pour les premiers radis de la saison, c’est cuit ! Il faut dire que la gelée de la nuit de vendredi à samedi n’a pas été timide : quasiment -10°C. Une des nuits les plus froides que j’ai connues depuis mon arrivée aux Grivauds.
Jeudi, tous les sites de météo sont unanimes : il va neiger vendredi et il y aura du verglas sur la route samedi. Dans la journée, on nous place en alerte orange. Bigre ! On décide de ne pas prendre de risque, on annule notre venue sur le marché de Vichy et on arrête de récolter. Bon, finalement, il n’a quasiment pas neigé (quelques flocons) et les routes étaient praticables (en tout cas autour de Pierrefitte). On se sent un peu bêtes mais au moins on profite d’une matinée sèche et lumineuse pour nettoyer les abords de notre plan d’eau.
Au final, on a l’impression d’avoir traversé une drôle de semaine, très chaotique et assez peu productive. Charly, de retour chez nous pour la troisième fois, en a profité pour faire avancer son rapport de stage. On désherbe mollement nos fraisiers, on prépare une nouvelle planche en serre 5, on papote longuement autour d’une tisane à la pause de 10h30… Ne vous inquiétez pas, la semaine prochaine, on aura plein de choses à vous raconter, c’est promis ! À commencer par le parage de Bob et Quenelle prévu pour mardi. N’hésitez pas à leur envoyer des mots d’encouragement, on leur transmettra.
Cette semaine, c’est de nouveau Fabrice qui prend le relai sur le blog. Et cette fois-ci, il nous a concocté un bilan météorologique de l’année 2020, ainsi que de l’ensemble de l’histoire de l’ÉcoJardin, depuis sa création en 2011, jusqu’à aujourd’hui.
Monsieur météo, voilà un surnom qui me colle à la peau ! Quel temps fera t-il demain, la semaine prochaine ? Combien a t-il plu hier, le mois dernier ? Autant de questions qui me sont posées depuis plusieurs années par des voisins, des collègues, des clients… Je suis parfois un peu gêné de dire les choses… Oiseau de mauvaise augure !
La climatologie est une de mes passions, certainement la plus ancienne. J’ai commencé à consigner certaines observations à partir de 1985[1]une année très particulière qui a marqué ma mémoire, un certain mercredi 16 janvier 1985 aux alentours de 7h30 le pont de Sully sur Loire (Loiret) s’effondrait dans le fleuve ; ce matin là la … Continue reading. J’ai très vite récupéré un pluviomètre que j’ai installé dans le jardin de mes parents à Saint Benoit sur Loire dans le Loiret. Mon père continue de relever les quantités de pluie depuis mon départ en 1997. J’ai poursuivi à Manglieu, petit village du Puy-de-Dôme dans lequel j’ai passé une dizaine d’années. Et depuis 2011 je consigne les données de Pierrefitte sur Loire. L’intérêt est personnel mais il participe aussi à la mémoire collective ! Et comme pour tout jardinier, le temps qu’il fait, qu’il a fait ou qu’il fera a une incidence sur notre travail et nos choix techniques !
Mais venons-en au sujet qui nous intéresse aujourd’hui : le bilan météorologique de l’année écoulée.
Une année 2020 encore une fois marquée par un très fort déficit pluviométrique qui débute après un hiver particulièrement sec (gros déficit de janvier à mars). Des températures assez douces sans véritable excès à part des journées caniculaires qui deviennent récurrentes ! L’année démarre très vite par un fort ensoleillement et des températures douces sans pluies significatives jusqu’à fin avril puis une petite période plus humide et plus grise suit jusqu’à mi-juin (58mm dans la journée du 12 juin!). Ensuite nous avons encore une période bien sèche et ensoleillée jusqu’à la mi-septembre, suivie d’un mois très pluvieux (160mm sur 30 jours !). La fin d’année est encore une fois particulière avec quasiment aucune pluie en novembre et à nouveau du temps gris (18 jours de pluie en décembre). En ce qui concerne les températures minimales que nous suivons également, 57 jours de gel le matin, tout à fait dans la normale ici, la dernière gelée le 14 avril avec -2,3°C et la première le 19 octobre (-0,5°C). La température la plus basse de l’année, -6,1°C, a été enregistrée à deux reprises, le 21 janvier et plus étonnamment le 1er avril !
Pour les maraîchers que nous sommes, c’est le nombre de jours de gel entre le 1er mars et la fin avril qui nous impacte le plus, l’effet est immédiat sur le démarrage de la saison de production. Cette année ce sont 18 jours de gel (13 en moyenne sur les dix dernières années). Autant dire de belles nuits de stress quand on sait qu’il va geler mais qu’on ne sait pas à quel point ! Et tous les ans son lot de stress ! Le vent, le gel, la grêle, la sécheresse et l’excès d’eau sont des choses auxquelles se confronte tout paysan, et depuis 10 ans il s’en est passé des choses !
Des évènements météorologiques sont venus perturber le jardin durant ces années. Un énorme coup de vent le 28 avril 2012 réduit à néant une de mes serres de 50m de long et en endommage une deuxième, tout est à replanter et reconstruire dans l’urgence ; un an après la création du jardin c’est un coup dur ! Les 2 années qui suivent sont très humides et je peine à cultiver d’autant plus que je travaille le sol et que la parcelle n’est pas drainée ! Le 6 juillet 2019 c’est un orage de grêle qui vient nous assommer en pleine saison, décidément le climat n’est pas tendre pour l’humain qui l’affronte !
Sur les 3 dernières années on accuse un déficit de plus de 500mm de pluie, c’est à dire 20% de pluviométrie en moins par an ! Les conséquences sont très importantes sur nos cultures mais bien plus sur les plantes pérennes comme les arbres fruitiers qui souffrent énormément ; de nombreux pommiers sont morts depuis 2 ans sur le site des Grivauds, et d’autres arbres aussi, des érables sycomores notamment.
Il n’en a pas été de même sur les dix dernières années. Le climat est assez changeant : des successions d’années globalement sèches ou humides se suivent à un rythme variable.
Et côté températures ? Même si je ne note pas tout je peux dire que d’une année sur l’autre il y a des constantes comme les hivers doux, à part les 3 premières semaines de février 2012 ou les nuits sont très froides avec des minimales entre -10 et -15°C durant 11 jours ! Un autre phénomène notable est une période froide récurrente entre la fin février et début mars qui arrive bien souvent après une longue période douce. Et pour finir, les périodes de canicules deviennent fréquentes et ne sont plus concentrées sur juillet/août.
Sur les 10 années depuis la création de l’écojardin, nous avons eu 5 années très sèches, 3 très humides et 2 dans la normale.
C’est quoi la normale à Pierrefitte ? Eh bien c’est en moyenne une pluviométrie annuelle de 807mm, 118 jours de pluie (oui c’est peu finalement!), 53 jours de gel et des amplitudes importantes dans une journée (souvent 20°C entre le matin et le soir !) de mars à octobre. C’est ce qu’on nomme un climat océanique à tendance continentale.
Le climat est naturellement changeant mais ces changements deviennent globalement imprévisibles et brutaux, c’est un fait ! La nature encaisse tant bien que mal et le jardinier doit s’adapter. Cette adaptation passe par des changements dans le choix des variétés de légumes, des décalages dans les dates de semis et d’implantation des cultures, des protections spéciales quelque soit la saison et une utilisation réfléchie de l’eau d’irrigation. Des programmes de recherche/action sont en cours, nous sommes inscrits dans un de ces programmes au niveau de l’Auvergne, ce sera le sujet d’un prochain article !
Allez, je vous donne un bon tuyau, et c’est gratuit ! Il existe 4 jours dans l’année durant lesquels il n’a jamais plu en 10 ans : le 14 avril, le 29 août, le 3 et 10 septembre ; c’est le moment de prévoir un barbecue !
À la semaine prochaine !
PS : Vous trouverez un aperçu des chantiers de la semaine dans la galerie ci-dessous.
une année très particulière qui a marqué ma mémoire, un certain mercredi 16 janvier 1985 aux alentours de 7h30 le pont de Sully sur Loire (Loiret) s’effondrait dans le fleuve ; ce matin là la température descendait à -21°C, point culminant d’une vague de froid qui dura plus de 2 semaines. Heureusement pour moi et plusieurs dizaines d’autres collégiens, il n’y avait pas cours les mercredis ; c’était l’heure de passage des bus sur ce pont ! Je crois que c’est à partir de ce moment-là que je me suis intéressé à la climatologie et la météorologie.