Cette semaine, le blog fait place à William pour un article à sa façon. Mine de rien, derrière le côté potache de l’idée initiale, il y a quand même quelque chose à méditer. Et si, finalement, tous ces petits dictons n’étaient pas finalement aussi un outil didactique ? Un moyen de transmettre une valeur, un concept, une exigence ? D’offrir à la personne qui le reçoit un moyen simple de le transmettre à son tour ? Je me suis permis d’ajouter des petites remarques en notes de bas de page pour expliquer l’origine de certains de ces dictons.
On est d’accord, un bon dicton c’est celui qu’on retient avant même d’en comprendre le sens.
Il nous permet de retenir une idée simple grâce à une phrase rythmée, qu’une fois entendue on aura bien du mal à oublier, comme un refrain de Jul. Et puis c’est encore mieux quand ça rime, comme un refrain de Jul. Et aux Grivauds, les dictons, on en use et on en abuse !
En voici un florilège, décrypté.
- Moins j’exporte, mieux j’me porte !
Probablement le plus cité au Jardin des Grivauds, il résume presque à lui seul la philosophie de travail de Fabrice et Denis. Pour expliquer l’idée, je vais prendre un exemple concret vécu cette semaine au Jardin.
Le moment était venu de désinstaller les tomates cerises et d’installer une nouvelle série d’épinard. Les derniers fruit soigneusement récoltés, les pieds de tomates, dépouillés de leur fruits et dé-tuteurés ont été laissés sur place. Une fois les rémanents broyés par les soins de Fabrice, on a pu, dans la foulée venir planter notre série d’épinards sur une toile tissée installée sur le résidu de culture.
Pour résumer, la culture d’été a été désinstallée. La matière organique laissée sur place sera restituée au sol et l’épinard pourra en profiter, CQFD.
- Coller, c’est planter ! (Et réciproquement)
Moins philosophique, mais tout aussi efficace. Lorsque l’on plante un jeune plant en motte, il faut s’assurer que ladite motte reste bien collée. L’enjeu ici est l’enracinement de la plante.
Pour se faire, un arrosage est ainsi réalisé avant et après la plantation. Lorsque l’on plante, on appuie (sans exploser la motte on est d’accord) avec les doigts, si on essaye de la soulever (délicatement, c’est pas du chardon) et que la motte ne bouge pas, c’est planté ![1]Cette technique nous épargne d’avoir à creuser un trou dans le sol pour enterrer la motte. Cela dit, ça ne fonctionne pas avec toutes les cultures : les plants de chou, par exemple, on les … Continue reading
- Feuille coupée, feuille mouillée !
Qu’on se le dise, les salades des Grivauds sont les plus belles, et personne ne m’a payé pour le dire !
Mais comment font-ils pour présenter des scaroles aussi croquantes, des épinards aussi verts, un mesclun aussi vigoureux ? L’astuce est, qu’une fois récoltés, les légumes consommés pour leurs feuilles sont abondamment arrosés le plus rapidement possible. Cette douche va leur faire croire qu’ils sont toujours bien vivants. Le vice est poussé encore plus loin avec le persil et le basilic dont les tiges sont systématiquement immergées dans un sot d’eau jusqu’au moment de la vente au client. Vous avez dit maniaques ?[2]Ce dicton, je l’ai appris à l’époque où j’étais ouvrier agricole, à Coulommiers. C’est en constatant son efficacité didactique que j’ai eu envie d’en … Continue reading
À force de faire n’importe quoi, on devient maraîcher
…Euh non c’est pas ça
- Un trou d’lumière, une digitaire !
Si comme moi, vous ne saviez pas ce qu’est une digitaire, une définition s’impose :
«Digitaria (les digitaires) est un genre de plantes herbacées de la famille des Poaceae, qui regroupe environ 300 espèces des régions tropicales et tempérées. Certaines espèces sont considérées comme des mauvaises herbes, en particulier dans les pelouses, les terrains de golf et dans certaines cultures.» Merci Wikipédia
Bien qu’on joue très peu au golf aux Grivauds, celle-ci pose quand même un problème, particulièrement l’été. A cette période, elle est trèèèèèèès présente sur la parcelle. L’avantage qu’on a, c’est que privée de lumière, elle ne pousse pas. Ce qui nous amène au prochain dicton.[3]Ce qui justifie qu’on cherche à faire des paillages bien occultants. Les digitaires profitent du moindre trou de lumière pour pousser. Ça explique aussi pourquoi on paille aussi nos … Continue reading
- Le plastique, c’est fantastique !
Ouais, j’vous l’accorde ça dénote un peu avec les précédents dictons, on dirait le slogan d’une mauvaise pub des années 60. J’ai l’impression que Greta Thunberg me fusille du regard à ce moment même. Mais c’est une réalité, dans la pratique du Maraîchage sur Sol Vivant aux Grivauds et chez leur confrères en MSV, le plastique est la clé de la gestion de l’enherbement. Aux Grivauds, on a fait le choix de se passer d’engin thermique au maximum mais l’utilisation de toile tissée intervient sur la plupart des cultures, mise à part en été, où son pouvoir réchauffant n’est pas souhaité. Il s’agit de faire des compromis comme souvent (toujours non ?) dans la vie.[4]Il existe un article sur le sujet : Plastique et MSV, une dépendance paradoxale
Je plante, donc je suis
C’est un wwoofeur nommé Descartes qui avait sorti ça un jour. On n’a pas trop saisi ce qu’il voulait dire mais ça sonnait bien.
- Petit pied, petit fruit
Aller un dernier que je trouve très utile lorsque l’on se pose la question : Je récolte ou pas ?
L’idée c’est que si le pied est petit, sur une aubergine par exemple, et bien on récoltera les fruits plus petits sur ce pied là pour ne pas l’épuiser. Voilà simple et efficace comme un bon dicton ![5]Je complète : si on attend qu’une aubergine grossisse sur un petit pied, alors on prend le risque qu’elle se mette à faire des graines et qu’elle devienne amère. Idem pour les … Continue reading
- Moins de gestes, plus de gestes
Ça sonne comme un contresens, mais il faut comprendre le dicton comme tel : dans une journée au jardin, les petits chantiers se succèdent et la diversité des tâches est grande. Et chacune de ces tâches comprend son lot de petits gestes. Reprenons l’installation de la planche d’épinard par exemple. Il faut écarter la paille avec le bout du plantoir, faire un trou dans le sol, y déposer une poignée de compost, planter la motte, arroser… Et ça autant de fois qu’il y a de plants d’épinard. Ça prend du temps ! On doit donc rationaliser pour être efficace. Comment ? En isolant les gestes et en découpant chaque phase, on gagne de précieuses secondes qui, mises bout à bout, seront des minutes à la fin de la journée. Et puis on s’organise pour que les chantiers s’enchaînent avec fluidité. Ces attentions portées à nos gestes permettent aussi à nos corps d’être moins fatigués et de tenir plus longtemps physiquement. Cette fluidité, cette économie du geste font qu’à la fin de la journée on aura fait plus, en faisant moins.
BONUS : La récolte, c’est pas une science exacte
Toujours dans le registre de la récolte, cette fois-ci un dicton pour se décomplexer, parce qu’on peut parfois hésiter un peu trop et ne pas être sûr de soi devant un haricot vert. Alors dîtes-vous bien que la récolte c’est aussi très personnel ; le haricot ne vous en voudra pas. Le maraîcher peut être un peu plus.[6]Au départ, ce dicton, je l’avais inventé pour rassurer Cécile, wwoofeuse en 2020, qui était surprise que mes critères varient légèrement d’un concombre à l’autre…
Vous avez sûrement compris que je n’étais pas Denis, je suis William dit « Dubbleyou » stagiaire 2022 aux Grivauds, et Denis m’a fait l’honneur d’écrire l’article pour ma dernière semaine de stage.
Un grand merci à lui et à Fabrice qui ont été des maîtres de stages comme on en fait peu, qui font leur travail avec passion et la transmettent avec une grande bienveillance. Vous êtes au top !
References
↑1 | Cette technique nous épargne d’avoir à creuser un trou dans le sol pour enterrer la motte. Cela dit, ça ne fonctionne pas avec toutes les cultures : les plants de chou, par exemple, on les rentre profondément dans le sol. |
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↑2 | Ce dicton, je l’ai appris à l’époque où j’étais ouvrier agricole, à Coulommiers. C’est en constatant son efficacité didactique que j’ai eu envie d’en inventer d’autres. |
↑3 | Ce qui justifie qu’on cherche à faire des paillages bien occultants. Les digitaires profitent du moindre trou de lumière pour pousser. Ça explique aussi pourquoi on paille aussi nos passes-pieds. En réalité, ce principe n’est pas seulement vrai que pour les digitaires mais la rime était trop tentante… |
↑4 | Il existe un article sur le sujet : Plastique et MSV, une dépendance paradoxale |
↑5 | Je complète : si on attend qu’une aubergine grossisse sur un petit pied, alors on prend le risque qu’elle se mette à faire des graines et qu’elle devienne amère. Idem pour les concombres. Ce que Dubbleyou évoque, le fait de ne pas épuiser les pieds, c’est surtout vrai quand les pieds sont très jeunes et qu’on préfère qu’ils produisent des feuilles plutôt que des fruits. |
↑6 | Au départ, ce dicton, je l’avais inventé pour rassurer Cécile, wwoofeuse en 2020, qui était surprise que mes critères varient légèrement d’un concombre à l’autre… |