Samedi après-midi, dans la cuisine de Fabrice, on est en train de faire les comptes du marché. On a peu de temps devant nous : il va falloir préparer la visite du jardin du lendemain. Il reste beaucoup de choses à faire en peu de temps et on est très fatigués. Et pour cause, on est levés depuis 4h40 du matin. Et là, sortis de nulle part, mes parents débarquent. J’ai toujours adoré les visites surprise, mais, là, en plus, mes parents tombent pile-poil ! Il fallait qu’ils soient là. Et alors, notre programme s’est déroulé à merveille. Même la pluie s’est fait discrète. Comble du comble, ma mère, Jacqueline, se propose de rédiger l’article de la semaine. Bon, j’avoue, j’ai un peu les meilleurs parents du monde, on ne va pas se mentir.
Dans un précédent article du blog, nous avons lu « Ça faisait longtemps qu’on en avait envie : vous inviter tous·tes au jardin, pour une grande visite collective ! Fin septembre, il y a la semaine «Bio et local, c’est l’idéal», organisée par la Frab AuRA. L’idée est de faire la promotion de la Bio, à travers des visites de fermes. Alors, on s’est dit, «et pourquoi pas nous ?» . Et nous, les parents de Denis, nous nous sommes dit « et pourquoi n’irions-nous pas ? ». Nous avons décidé de faire la surprise à Denis de notre venue dès le samedi. Nos retrouvailles ont été pleines d’émotions et de joie !
Denis et Fabrice étaient dans les préparatifs de la journée du lendemain : fabrication de grands panneaux indicateurs, préparation d’une planche de démonstration de plantation de mâche et aménagement d’un parcours à travers les cultures. Un pot était prévu pour les visiteurs en début et fin de visite. Bien vite, dans une bonne ambiance, nous avons participé à ces préparatifs, notamment par la cueillette de ces jolies et délicieuses tomates cerises « Datterini » pour agrémenter le pot.
Comme vous le savez, le jardin est cultivé selon la technique du Maraîchage en Sol Vivant (MSV). L’intérêt de la visite était aussi de découvrir des secrets de cette technique, de visiter un superbe jardin et d’écouter nos maraîchers préférés !
Le dimanche matin, dès 9h30 les premiers visiteurs arrivaient, sans crainte de la pluie !
Fabrice a commencé par nous montrer les pépinières. Les graines sont semées par leurs soins dans de petites mottes achetées chez un de leur confrère.
Dans une des serres, il y a les semis qui germent et dans l’autre, les semis en phase d’endurcissement. Dans les cageots nous voyons des petites mottes bien serrées les unes contre les autres avec des pousses de salades et du mesclun, des épinards, de la coriandre et bien sûr de la mâche.
Nous continuons la visite des autres serres dans lesquelles nous voyons ce qu’il reste des productions d’été : melon (les Amapiens ont adooooré !), des tomates cerises et pas cerises, des haricots verts, des aubergines, des poivrons, du magnifique persil au milieu des tomates. A propos des tomates, Denis nous montre les fameux pieds greffés conduits sur deux « têtes ». Une des têtes est le pied principal, celui que l’on plante tout jeune, et l’autre tête est un gourmand qu’on laisse pousser. Tous les autres gourmands sont enlevés au fur et à mesure de leur pousse. Il faut dire aussi que la tomate adore faire des gourmands, ce qui signifie que cultiver des pieds de tomate n’est pas de tout repos !
Heureusement, on ne fait pas la chasse aux gourmands sur les tomates cerises, alors ils forment d’immenses buissons colorés !
Pour plus de détails, consulter les articles « Le pari de l’année » et « Greffe des solanacées : vous reprendrez bien une deuxième dose de stress ? ».
Nous continuons la visite et nous nous intéressons aux méthodes de culture. « Maraîchage sur sol vivant » (MSV). Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il y a 3 règles à respecter :
1) On ne travaille pas le sol
2) On couvre le sol : toutes les planches sont couvertes de paille pour nourrir le sol. Aux Grivauds il en faut 12 tonnes par an ! On peut aussi bâcher par-dessus la paille afin de favoriser le réchauffement de la terre et de limiter un enherbement trop rapide.
3) On nourrit le sol : de paille, de broyat de végétaux.. et on laisse faire les vers de terre, tous les petits insectes qui vivent plus ou moins dans la terre ainsi que tous les micro-organismes qui se développent grâce à la décomposition des végétaux et de la paille.
Pour limiter leur consommation de paille, Fabrice et Denis testent la culture du sorgho fourrager. C’est facile : on sème du sorgho sur une planche qui sera cultivée en légumes l’année suivante. En hiver, le sorgho gèle et se dessèche comme la paille et ainsi nourrit la terre. Au printemps, on peut planter les mottes à travers le sorgho !
Dans une des serres, a été préparée une petite planche où vont être installés des pieds de mâche. La planche est déjà paillée. A partir d’un petit bloc de terre prélevé sur cette planche, Denis nous montre les différents éléments qui la compose ; elle s’égraine comme du couscous ! Puis, avec son plantoir spécial, il écarte la paille, secoue légèrement la terre, et enfouit les petites mottes de mâche ! Les gestes sont précis, nous sommes très impressionnés. J’ai remarqué aussi que se dégageait une bonne odeur d’humus dans la serre.
La pluie qui s’était arrêtée un moment, est revenue en force, obligeant le groupe à se mettre à l’abri dans une serre. Alors Denis nous a proposé de désinstaller des pieds de haricots grimpants. Chacun s’est amusé à couper ces grandes tiges et à les séparer de leur ficelle ! Une belle occasion de travailler dans la bonne humeur.
Et puis, peut-être à cause de la pluie sont venues des questions sur l’arrosage. Nos maraîchers nous ont montré les tuyaux d’arrosage automatique placés sous les cultures. S’ajoutent à cela des asperseurs au-dessus des cultures, qui arrosent tout le sol une fois par semaine. Cet arrosage permet à la terre de rester humide et de continuer le lent travail de décomposition des végétaux : ainsi la terre continue d’être nourrie. Les racines des plantes vont également mieux se développer et aller chercher de la ressource plus loin.
La promenade s’est prolongée dans l’environnement du site. Aux trois premiers principes du MSV, on pourrait en ajouter un 4e que l’on pourrait appeler « favoriser la biodiversité ».
En étudiant son terrain, Fabrice a décidé de créer un environnement favorable à la biodiversité : creusement d’une mare, modification de la taille des haies, arrêt des tontes trop fréquentes, laisser pousser des plantes et des fleurs de toutes sortes. Ainsi, s’est créé un écosystème vertueux : les plantes aquatiques de la mare accueillent des insectes (Fabrice a recensé jusqu’à 25 espèces de libellules !), des animaux (nous avons bien entendu le coassement des grenouilles !). Des oiseaux se sont installés ou viennent faire une pause lors de leur migration. Dans les herbes hautes et grâce aux fleurs du verger situé à côté de la mare, les sauterelles, les grillons et autres insectes peuvent venir s’abriter, se nourrir et se réchauffer. Les fleurs qui sont présentes partout et en toutes saisons attirent les pollinisateurs : abeilles, bourdons, syrphes….Les haies désormais plus diversifiées et plus hautes permettent la nidification des oiseaux (plus de 25 espèces ont été dénombrées). On en voit en photo dans presque tous les articles du blog !
Dans l’article « Notre ÉcoJardin, un îlot de biodiversité, une terre d’accueil pour la vie ! » Fabrice nous donne des détails plus précis
Et puis, n’oublions pas Bob et Quenelle, les deux ânes fétiches (en plus des chats bien sûr !) qui viennent nous saluer si on prend le temps de les attendrir !
A la fin de la visite, nous nous sommes retrouvés autour d’un pot « nature » : pétillant et jus de pommes achetés à un confrère sur le marché de Vichy, bière locale et tomates cerises. Des Amapiens, des professionnels, des stagiaires, des lecteurs assidus du blog ou tout simplement des personnes curieuses de connaître le site et ses secrets, ont pu échanger et partager leur enthousiasme. Nos deux maraîchers n’étaient pas de trop pour répondre à toutes leurs questions !
Un ancien agriculteur « conventionnel » a félicité Fabrice et Denis pour leur sérieux et la qualité de leur travail et des légumes produits. Plusieurs ont affirmé qu’ils avaient raison de travailler ainsi et qu’ils représentaient l’avenir. Au cours de la visite, la question des revenus a été posée. Le montant de leur salaire au vu de leurs 50 heures de travail par semaine est accablant. J’ai senti la tristesse des visiteur·euse·s. J’attends le jour où les critères pour allouer des subventions seront basés sur la qualité sanitaire, environnementale et gustative. Là, ils gagneront peut-être une fortune ! En attendant, les deux maraîchers précisent qu’ils ne sont pas malheureux non plus. Leur métier leur offre d’autres gratifications : une forte reconnaissance sociale, la joie de travailler dehors, dans un cadre exceptionnel, le sentiment de bien-faire et de ne pas rester les bras croisés face à la crise écologique.
Enfin, autour du petit stand de vente, nous avons parlé recettes, qualité et parfum des légumes. Nous avons parlé de nos préférences autour des courges colorées et des pots de sauce tomate fabriqués grâce aux surplus de production (300 pots de sauce tomates fabriqués par Podarno). Quelques détails ici et là.
J’ai trouvé que cette visite nous faisait un bien fou. Parce que le lieu est beau, les légumes appétissants, la nature plus vraie que nature et les maraîchers passionnants. Merci à vous pour cette belle journée au cours de laquelle nous avons pu aussi saluer la pluie qui a tant manqué cette année.
Jacqueline
La galerie ci-dessous inclut des photos des activités des deux semaines écoulées. On y voit Charlène et William (dit «le Dubbleyou»), qui nous ont beaucoup aidé ces derniers temps. Merci à tous les deux !