Des oignons et des oiseaux

Mathilde à la plantation des bulbilles d’oignons

C’est rare qu’on ait des chantiers interminables aux Grivauds. Bon, d’accord, il y a le désherbage de nos fraisiers sous serre, qui est une vaste blague et qu’on ne fait faire qu’à ceux·celles qui ont le courage de supporter un long cours sur les adventices vivaces en MSV… Il y a néanmoins de vrais gros chantiers qui marquent la saison et c’est notamment le cas de la plantation des oignons. On en fait 2 buttes de 110m complètes sur 4 rangs. Dans la première, on installe des bulbilles. Dans la deuxième, c’est moitié bulbilles moitié oignons en motte (à partir d’un semis effectué en janvier). On se souvient nettement qui nous a aidé à démarrer la saison les années passées. En 2020, juste au moment du confinement, c’était Nicolas et sa moustache. En 2019, c’étaient Camille et Aymeric qui s’y étaient collés, avec une impressionnante célérité. En 2018, on avait fait ça tous seuls et ça nous avait pris une semaine entière… Cette année, le chantier démarre avec Mathilde, qui en profite pour se mettre à niveau sur le cycle de l’oignon. Par rapport aux années précédentes, on a choisi un itinéraire légèrement simplifié : on paille d’abord et on plante à travers (au plantoir à poireaux). C’est légèrement fastidieux mais ça se fait très bien. Et on est sûrs de ne pas déplacer les bulbilles en paillant. En quelques après-midi, on a déjà planté les deux tiers des bulbilles et un gros tiers des mottes. Bref, on avance bien.

Et cette semaine, retour de la rubrique naturaliste de Fabrice ! Où on entend parler de chants d’oiseaux et de vie aquatique…

L’écho du jardin nº2 – Par Fabrice

Je suis né à la fin de l’hiver et je renais à chaque début de printemps !

Entre douceur et fraîcheur, ces quatre dernières semaines sont à l’image du climat grivaldien que nous avons appris à affronter. De bonnes gelées à -4°C un matin suivi d’un +10°C le lendemain, une période douce avec un soleil bienfaiteur, une semaine grise et fraîche à ne pas mettre un maraîcher dehors et à nouveau du temps froid ! Bref, le printemps est là même si ça ne se voit pas, il n’y a qu’à entendre les chants se succéder dès la fin de nuit, le rouge-gorge familier, le merle noir et l’alouette lulu donne le la, le relais est pris par le pinson des arbres, le verdier d’Europe, le bruant zizi et le bruant proyer. Les mésanges bleues et charbonnières un peu moins matinales, accompagnées par le pouillot véloce et le tarier pâtre, s’égosillent à leur tour. La journée est rythmée par les chants, les cris de contact et d’alarme ; tiens, un vilain matou traînerait dans la haie que ça ne m’étonnerait pas ! Le soir venu, notre petite chouette si peu connue, la chevêche d’Athéna, trahit sa présence par son chant bref et répété. Dès le levé du jour les passages de migrateurs se succèdent, les vols de pigeons, suivis par les milans royaux et les buses variables, des tarins des aulnes s’attardent quelques minutes dans les bouleaux à la recherche de quelques graines oubliées et repartent. Et sur la dernière semaine les remontées vers le nord battent leur plein, le ballet des grives litornes avec leur cris si particuliers et les dernières grues cendrées observées annoncent l’arrivée de nouvelles espèces. Les jours se suivent et de nouveaux arrivants font leur apparition, les premiers milans noirs arrivent en ce début mars, la première fauvette à tête noire me gratifie de son chant le 14 au matin près de la fenêtre du salon, le premier rouge-queue noir, un joli mâle, apparaît le 17 avec un joli ver qui dépasse de son petit bec effilé ! J’attends avec impatience ma première hirondelle rustique, elle est tardive cette année !

Et dans la mare, le ballet des tritons crêtés a débuté dès les premiers 15°C, les mâles sont remarquables, ils arborent une crête dentée, on se croirait revenus au temps des dinosaures ! Et dans cette eau un peu trouble j’aperçois un petit triton palmé qui sort de la végétation aquatique dans laquelle évoluent de nombreux insectes dont le magnifique dytique bordé et plusieurs espèces de libellules au stade larvaire. J’aperçois ma première libellule de l’année, un leste brun, elle ne vole pas vraiment, elle est scotchée à une pierre bien exposée aux rayons du soleil ; il faut dire qu’il ne fait pas plus de 8°C en ce premier jour de printemps et le vent de nord est fort ! Les grenouilles vertes sont assez discrètes, la température n’est pas encore assez douce mais un amas d’œufs accroché aux typhas (plus connus sous le nom de massettes) et à la glycérie flottante, une graminée aquatique, est la preuve que la saison de reproduction est belle et bien engagée !

Quelques papillons virevoltent pendant les heures les plus chaudes de ce début de période, grande tortue, vulcain et robert le diable se laissent admirer quelques instants, puis disparaissent derrière les haies.

Violettes odorantes

Les floraisons sont assez discrètes, les premières pâquerettes émergent de la prairie sous le verger, les violettes odorantes, d’un violet intense, s’épanouissent en tapis, les prunelliers et les pêchers se couvrent de leurs premières fleurs. S’ensuit l’apparition des premières stellaires holostées et les ficaires le long des haies bien exposées.

Cette fin de période est à nouveau bien fraîche et notre petite faune se fait plus discrète, soyons patients avec le retour du soleil et de la douceur notre enthousiasme va renaître.

À la semaine prochaine !

L’Amap de Dompierre poursuit sa route sans nous

Il y a 10 ans naissait l’ÉcoJardin des Grivauds. On reviendra sur son histoire régulièrement cette année, en attendant des jours meilleurs pour que nous fêtions dignement cet anniversaire. Il y a 10 ans, les premiers légumes qui sortaient de ce jardin étaient vendus à l’Amap de Dompierre. Cette Amap a été créée autour de l’arrivée de Fabrice à Pierrefitte-sur-Loire. Un groupe d’habitants avait décidé de se saisir de cette opportunité pour monter cette association qui leur permettait à la fois de profiter de bons légumes bio de saison et de soutenir l’installation d’un paysan sur leur territoire. Parmi les membres fondateurs de cette Amap, il y avait notamment Jacques Debeaud (notre propriétaire), Laurent Desmytter (l’actuel président de l’association) et Annie-France Pouget (l’actuelle trésorière). L’année suivante est créée l’Amap de Bourbon-Lancy, sur l’initiative de Christian Desmousseaux, qui faisais partie des tous premiers adhérents de celle de Dompierre.

Dès le départ, la constitution des paniers a toujours été effectuée par un binôme (voire un trinôme) de maraîchers. Actuellement, nos partageons les distributions avec Jean-Baptiste Guinot (Jardin de la Gare à Sorbier). Tout aurait du se poursuivre tranquillement de cette façon-là, mais l’histoire récente de notre ÉcoJardin a changé la donne. En 2018, Denis vient rejoindre Fabrice et le GAEC est monté. À ce moment-là, il a fallu envisager un nouveau débouché pour nos légumes et c’est pour cela que nous avons réservé un stand sur le marché de Vichy. Vous le savez, ce stand a rapidement connu beaucoup de succès et nous n’arrivons pas à satisfaire toutes les demandes. Nous nous sommes retrouvés avec 3 temps de vente par semaine : le mercredi pour l’amap de Bourbon-Lancy, le jeudi pour celle de Dompierre et le samedi pour le marché de Vichy. Nous pensons que nous serions plus efficaces dans notre production en nous concentrant sur nos deux principaux débouchés. C’est pourquoi nous disons cette semaine au revoir à l’Amap de Dompierre, qui poursuivra donc sa route sans nous. Pour la partie légumes, Jean-Baptiste pense pouvoir assurer seul la saison haute. Reste à trouver quelques légumes pour l’hiver afin de compléter sa production.

Fabrice et moi-même tenons à remercier le bureau (Laurent, Patricia et Annie-France), les collègues producteurs et les adhérents de l’Amap pour ces dix années de soutien. Sans cette Amap, la commercialisation de nos légumes aurait sans doute été plus difficile lors des premières années du jardin. Nos besoins ont évolué depuis et c’est avec grand regret que nous vous quittons. Nous souhaitons que l’Amap connaisse encore de longues et belles années, pleines de légumes, de produits locaux et d’échanges amicaux. Encore merci !

Denis et Fabrice

PS : Vous trouverez un aperçu des travaux de la semaine dans la galerie :

Toi aussi, arrache des plantes…

(Cliquer pour agrandir) Zone où les épinards ont jauni (serre 2). Peu de racines sortent de la motte. Et celles qui tentent leur chance sont horizontales.

Non, non, rassurez-vous, le blog n’a pas changé de propriétaires… D’accord, le titre de l’article est légèrement provocateur mais on est bien toujours les mêmes : à respecter tant et tant notre sol qu’on n’ose même pas déraciner les adventices qu’on y extrait (sauf quelques exceptions, comme les fameuses potentilles). Mais des fois, cette attitude radicale nous porte préjudice. Par exemple, en n’allant pas étudier les racines des plantes les moins en forme, on se prive d’une clé de lecture simplissime pour comprendre leur manque de vigueur. En arrachant un pied d’épinards jaunis de la serre 2, on constate que les racines partent uniquement horizontalement, et pas verticalement. Comment expliquer ça ? Cette semaine, on a eu une révélation : on ne connait finalement que les premiers centimètres de nos sols. En dessous, c’est une boite noire. C’est Alexandre Barrier-Guillot, le conseiller maraîchage Bio de la FRAB qui nous a aidés à y voir plus clair. Mais que venait-il faire aux Grivauds ? Oui, vous avez raison, commençons par contextualiser son intervention.

Le groupe GIEE Climat en visite aux Grivauds. Au centre, Alexandre Barrier-Guillot, conseille maraîchage biologique de la Frab.

Au sein de la FRAB[1]Fédération Régionale d’Agriculture Biologique, il s’est formé un groupe GIEE[2]Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental autour de la question de l’adaptation des pratiques maraîchères au changement climatique. Composé d’une douzaine de membres, le groupe commence ses activités en venant identifier des problématiques et des solutions sur le terrain. Et comme Fabrice en fait partie, c’est tout naturellement qu’il a proposé de faire visiter les Grivauds pour montrer quelles actions y avaient été mises en place pour limiter l’impact des agressions climatiques sur les cultures (sécheresses, canicules, grêles, tempêtes, etc.). C’est donc dans ce cadre qu’Alexandre se met à creuser des trous dans notre sol à l’aide d’une tarière. L’objectif est triple : étudier l’évolution de la composition du sol en fonction de la profondeur (les différents horizons du sol), détecter la présence de compaction et étudier l’hydratation des différentes couches. Sans surprise, dans les serres 1 et 2, on tombe rapidement sur de l’eau libre (dans les argiles profonds, vers 50 cm) : signe d’hydromorphie. Ça rend le sol peu appétant en profondeur et ça explique pourquoi on y trouve peu de turricules (et donc peu de vers de terre anéciques). Par contre, ce qui est plus surprenant, c’est de découvrir que, passés quelques centimètres bien hydratés, l’hydratation du sol décroît rapidement. Voilà pourquoi les épinards ont des racines horizontales : ils ont été plantés dans un sol qui n’était hydraté qu’en surface : la couche immédiatement en dessous étant sèche, elle s’est comportée comme une semelle, empêchant les racines de passer. Du coup, l’épinard épuise les ressources minérales du premier horizon et devient jaune au bout de 2-3 coupes seulement. Verdict : à la sortie de l’été, après une culture asséchante (comme la tomate), il faut envoyer beaucoup d’eau dans le sol pour le recharger. La tarière nous permettra désormais de vérifier l’homogénéité de l’hydratation du sous-sol.

Cette semaine, un léger vent de folie traverse les Grivauds…

Il ne faudrait pas croire qu’on a passé la semaine à s’extasier sur cette grande révélation, on a aussi fait avancer beaucoup de chantiers ! Ce serait fastidieux de tout lister. Retenons peut-être la mise en place du tunnel nantais pour les carottes, la plantation des choux-fleurs, les premières greffes d’aubergine (vous aurez des photos plus tard, là, on n’est pas très sûrs d’être fiers de ce qu’on a fait…). On fête aussi le retour de deux têtes connues des Grivauds ! Céline, d’abord, qui termine son 4ème stage chez nous et qui nous a beaucoup fait rire tout au long de la semaine. Parce que c’est aussi ça un beau jardin : un lieu où on se sent bien et où on peut laisser libre cours à sa bonne humeur. Bien entendu, on parle aussi plantes sauvages, floraison, itinéraires techniques. Elle profite qu’on a le dos tourné pour faire le mur et aller visiter le verger d’Aurélie Cleenewercke à Saint-Aubin [3]Les Jardins de la Brouette Bleue. Mentionnons ensuite le passage de David, notre collègue des Jardins de Mirloup dans le Morvan. Il est venu discuter, poser quelques questions, passer du temps avec nous et en profite pour filer un coup de main non négligeable (plantation des choux-fleurs et paillage des rhubarbes) ! Merci à tous les deux pour cette belle semaine !

Et à la semaine prochaine !

References

References
1 Fédération Régionale d’Agriculture Biologique
2 Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental
3 Les Jardins de la Brouette Bleue

Sprint de fin d’hiver : la deadline de l’oignon

Il fait moche mais il ne pleut toujours pas ! Donc, on remet en place l’irrigation pour arroser notre semis de carottes avant de les couvrir avec un tunnel nantais.

On est en mars. Si, je vous assure ! C’est pas parce que les températures plongent et qu’on voit plus le soleil depuis trois jours qu’il faut l’oublier : le printemps est inéluctable. Pour nous, il y a un moment où tout s’accélère d’un coup, c’est lorsqu’on commence à planter nos oignons de conservation. Ça a lieu aux alentours du 20 mars. À ce moment-là, on enchaîne sur les semis de petits pois et de fèves et on prépare les premières planches de courgettes et de tomates sous serre. Passé le 20 mars, donc, tous les chantiers annexes sont repoussés à l’hiver suivant. Autant dire qu’on commence à sentir monter l’adrénaline. Car on a encore beaucoup de choses à terminer avant de tourner définitivement la page de l’hiver. Et en particulier, il faut qu’on plante nos arbres le plus vite possible. Et on ne vous parle même pas du paillage des fraisiers, des artichauts, des rhubarbes, etc.

Trop d’herbe a poussé à travers les bâches de choux : qu’à cela ne tienne, on re-bâche !

La serre d’endurcissement est enfin terminée : le sol est bien plat désormais. Reste à changer la bâche des pignons qui part en lambeaux, mais ça n’est pas grand-chose à faire. Le chantier rhubarbe est commencé aussi. De quoi s’agit-il ? Au cours de ces deux dernières années, on a planté deux séries de rhubarbe. À chaque fois, on s’est plus ou moins contentés de pailler la butte et de planter à travers. Mais comme on manque de temps, les rhubarbes se retrouvent en concurrence avec les vivaces qui viennent se réinstaller (potentilles, chardon, chiendent, etc.). Il faut donc réussir à les bâcher par dessus et à ouvrir la bâche précisément à l’endroit où il y a des pieds. Pour les repérer, on a une astuce : on plante un crampillon à côté de chaque rhubarbe avant de pailler. Ensuite, une fois que la bâche est déployée, on repère en tâtonnant la position des crampillons et on ouvre la bâche au cutter. Autre chantier enfin terminé : la désinstallation des choux. En fait, ce qui prend du temps, c’est surtout que si on veut pouvoir récupérer les bâches sans trop les abîmer, alors, il faut se débarrasser des grosses thalles d’herbe qui ont poussé dans chaque trou. Pour cela, on teste une nouvelle technique : on installe des bâches par dessus les bâches enherbées…

Milan et Adeline récoltent des épinards. Devinez qui aura la caisse la plus pleine à la fin de la récolte…

Milan est encore là cette semaine, d’une bonne humeur à toute épreuve, conciliant avec souplesse travail au jardin, vélo et développement web – c’est ça aussi faire du wwoofing, c’est aussi prendre du temps pour soi. Et puis, il y a une autre revenante : Adeline ! Adeline a été wwoofeuse chez nous il y a deux ans et on se souvenait surtout que son séjour avait un goût de «trop-court». Entre-temps, elle été wwoofeuse chez nos collègues de la ferme de Layat, a décidé de se lancer dans une formation en compagnonnage (4 fois 2 mois de stage, tout de même !) et finit par passer un BPREA, tout en continuant à faire du wwoofing dans une grosse ferme maraîchère du Var… C’est dans le cadre de son BPREA qu’Adeline est stagiaire aux Grivauds. Nous, on se sent tout à coup un peu «légers» pour un tel profil mais il faut peu de temps pour qu’elle nous rassure. L’ambiance est tantôt sérieuse, tantôt plus décontractée et le travail avance vite. Milan ose une comparaison entre notre passion pour les plantes et la chasse aux Pokemons. Tout est permis aux Grivauds, même de se moquer des maraîchers !

À la semaine prochaine !