Maraîcher, l’impossible métier

Avec un peu de soleil, les haricots décollent

Chaque semis, chaque plantation est un pari sur l’avenir. Et plus les années passent, plus le pari est risqué, plus les chances de réussir diminuent. La faute notamment à un climat rendu capricieux par l’activité humaine. Cette année, on nous demande souvent : est-ce qu’il y a tout de même des légumes qui profitent d’un temps froid et humide ? Oui, il y a des légumes qui poussent même les pieds dans l’eau, même dans une ambiance constamment automnale. Mais, n’empêche, même ceux-là – poireaux, choux et autres carottes – ont besoin de lumière pour faire de la photosynthèse. Sous les nuages, rares sont les plantes qui peuvent se dire parfaitement heureuses. Alors, nous, on s’enthousiasmait très fort du retour du soleil, dimanche dernier. Jusqu’à ce que…

Des blettes mal en point après le passage de la grêle

Le retour des normales de saison, les cultures et les maraîchers en avaient bien besoin. Notamment les tomates qui n’attendaient que ça pour mûrir. Tout l’aspect du jardin s’en trouve changé ! On se remet à prendre espoir : on va finir par sortir de cette mauvaise météo et on va avoir les légumes qu’on mérite ! Comme la croissance reprend, les sols se déshydratent et on lorgne sur les possibles orages de vendredi soir pour éviter d’avoir à arroser en plein champ la semaine prochaine. En voyant les premières gouttes tomber du ciel, on se dit que c’est gagné. Mais, finalement, on déchante : cette pluie d’orage est empoisonnée ! En quelques minutes, on prend 30 mm (plus une grosse dizaine de millimètres le lendemain) et, au milieu des gouttes d’eau, se cachent de gros grêlons. Rapidement, c’est la catastrophe. Le champ se retrouve de nouveau miné par la grêle, comme en 2019. Les dégâts sont très importants : les salades, les blettes, les courgettes, les courges, les haricots… De nombreuses cultures sont sévèrement touchées.

Une échalote molle avec une chaire translucide et une odeur d’oignon cuit : signe d’un choc thermique au moment du séchage

Jongler avec la météo, c’est quelque chose qu’on n’apprend jamais définitivement. Et parfois, il faut faire certaines erreurs plusieurs fois avant de tirer les bonnes leçons. Imaginez 105 m d’échalotes étalées sur le sol, séchant sagement en plein soleil. C’est beau. Et la récolte est bien moins mauvaise qu’on ne le pensait. Par contre, en sortant les échalotes de la paille humide, on se dit que ce serait une bonne idée de les faire sécher quelques jours dans le champ, comme c’est préconisé dans tous les bons bouquins de maraîchage. Sauf que, vendredi, en venant les ramasser, je constate, horrifié, que de nombreuses échalotes sont devenues molles. Et qu’elles sont brûlantes alors qu’il est seulement 11h et que le soleil est légèrement voilé. J’en ouvre une en deux par curiosité. Les tuniques sont translucides et elles dégagent une odeur sucrée d’oignon cuit. Oui, vous ne rêvez pas, malgré des températures très modérées (à peine 30°C, ce qui n’est vraiment pas méchant en été), nos échalotes ont brûlé au soleil. Mais comment est-ce possible ? J’ai une petite hypothèse qui vaut ce qu’elle vaut. Les échalotes, chez nous, poussent dans la paille. Elles ne reçoivent jamais de lumière directe. Elles ne sont pas du tout habituées à «gérer» des coups de chaud. Moralité, en MSV, quand on cultive sous paille, on fait sécher ses alliacées (ail, oignons, échalotes) à l’ombre ! On avait déjà fait cette erreur l’année dernière avec l’ail. Cette année, c’est l’échalote qui trinque. Normalement, là, on est vaccinés.

On est en juillet, c’est à dire à la moitié de l’année. Et on se dit déjà que l’année 2021 est la plus dure qu’on n’ait jamais eue à vivre au jardin. On essaie de se réjouir de l’arrivée tant attendue des tomates et on essaie d’oublier que Météo France nous prévoie de nouveau une quinzaine de jours froids et humides, pour changer…

À la semaine prochaine !

PS : Dans la galerie, vous ferez connaissance avec Amadou, un merveilleux stagiaire que nous avons accueilli cette semaine et qui nous a beaucoup aidé. Ça aurait été mal lui rendre hommage que de le présenter au milieu d’un article aussi maussade. Les photos parlent d’elles-mêmes.

Trop de courgettes fin juillet ?

Récolter tous les jours et récolter des fruits petits : une bonne manière de limiter la surproduction de courgettes en plein été.

Ça fait quand même quelques temps qu’on mange de la courgette. Et donc, on finit par se lasser un peu, c’est naturel. Et nos clients, c’est pareil … ils ont envie d’autre chose. De tomates, par exemple. Alors, tous les ans c’est la même chose : on se retrouve en surproduction de courgettes en juillet. En plus, les jardiniers commencent à en avoir dans leur carré potager. À ce moment-là, plusieurs stratégies sont possibles. 1) Chercher à les vendre en demi-gros. L’année dernière, on en avait placé quelques dizaines de kilos auprès d’un magasin bio à Cusset mais c’est beaucoup de travail (conditionnement, livraison) pour vendre un produit au rabais. 2) Ne plus récolter tous les pieds. Nous, typiquement, on arrête de récolter les séries de printemps, celles qui ont été plantées sous serre. Cette année, c’est frustrant, parce que ces séries ont peu donné. Mais nos courgettes de plein champ nous suffisent amplement. 3) Récolter avec des calibres plus petits. On récolte les courgettes tous les jours et on prélève les fruits deux ou trois jours après la floraison. Ça permet de n’avoir que des petites courgettes bien savoureuses, bien concentrées, qui rendent peu d’eau à la cuisson. Le must de la courgette ! 4) On transforme. Et c’est là que Manon intervient.

Antipastis de courgettes (merci Manon)

Manon ? Eh oui, Manon est de retour pour une nouvelle semaine de wwoofing ! Et Manon, quand elle voit nos courgettes invendues partir au compost, ça lui fend le cœur. Alors, elle profite de sa jeunesse encore pleine de foi et d’énergie pour se lancer dans un peu de transformation : des antipastis de courgettes. Le principe de la marinade de courgettes, on retrouve ça dans les fameux «pickles de courgettes au curry» : des courgettes en dés, des oignons et un mélange de vinaigre, de sucre et de curry. On met le tout dans des pots qu’on stérilise et les ressort à l’apéro tout au long de l’année. Bon, sur notre ferme, l’idée, ça n’est pas de les vendre mais plutôt de sauver quelques kilos de courgettes vieillissantes.

Clélia, Paul et Miroux s’intéressent à la leçon de choses autour de la mare

Est-ce qu’on vous fait un point sur la météo de la semaine ? Non, hein ! Vous aussi, vous avez eu froid, n’est-ce pas ? Le temps était si moche qu’on a décidé d’annuler la venue d’une famille de wwoofeurs qui devait camper dans le verger toute la semaine. Et pas n’importe quels wwoofeurs ! Figurez-vous qu’il s’agissait de la famille d’Adeline, une de nos clientes régulières sur le marché de Vichy. En guise de compensation, elle a pu tout de même venir sur la ferme y passer une journée avec Damien, son mari et leurs deux enfants, Clélia et Paul. Tous ensemble, on a fait quelques récoltes (pommes de terre, betteraves, fèves, persil, basilic, etc.) et … on a tiré du blé dans les betteraves, les poireaux et les fenouils. Les enfants ont adoré les chats et les ânes, vous vous en doutez… Beaucoup de rires et de fraîcheur, de quoi nous faire oublier un temps la grisaille de ces derniers jours…

Des cultures sous le blé

Denis s’exclame : «je vois plus de blé que de betteraves sur cette planche !»

Enfin ! Figurez-vous que mercredi s’est tenue l’AG de l’Amap de Bourbon-Lancy ! Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas réunis et ça nous manquait un peu. De pouvoir se parler, faire le bilan de l’année écoulée, donner des perspectives. Ça nous a fait drôle de parler de 2020. Vous vous souvenez de la sécheresse ? Des canicules ? Difficile de se rappeler de cette sensation de chaleur écrasante qui nous a accablés quasiment trois mois durant, entre juillet et septembre. Difficile de se souvenir qu’on passait notre temps à arroser un sol qui se déshydratait à une vitesse terrifiante. Que tout cela est si loin. Désormais, on considère chaque éclaircie comme une simple accalmie entre deux pluies, entre deux orages. L’année 2021 est finalement encore plus difficile à négocier, notamment à cause du froid. Et à cause d’un trouble-fête qui s’est invité dans nos paillage : le blé.

Xavier, de l’Amap de Bourbon-Lancy, venu en renfort samedi après-midi pour nous aider à désherber nos haricots

On vous l’a déjà expliqué : la paille de cette année est très sale. La moisson ne s’est visiblement pas bien passée et la paille est pleine de grains de blé. Comme il pleut énormément, la paille est constamment mouillée et tous les grains se mettent à germer. Et notre champ est devenu un vaste gazon vert ! On est un peu perdus et on se sait plus comment réagir. Au début on s’astreignait à venir désherber régulièrement, planche par planche. Mais on a constaté, éberlués, que de nouveaux grains continuaient à germer après notre passage, notamment après une forte pluie. Il faut y retourner deux ou trois fois pour qu’une planche soit définitivement propre. Et des planches contaminées, il y en a beaucoup trop ! Pour limiter la catastrophe, on délite désormais notre paille au bord du champ. Et on cherche désespérément des petites mains pour nous aider. On a lancé un appel auprès de nos amapiens et un d’entre eux, Xavier, a répondu présent pour quelques heures intenses dans nos haricots. En début de semaine, on a eu le plaisir de voir débarquer une revenante : Hélène, que vous avez vue ce printemps pendant le confinement. Bon, à la vérité, on ne lui a pas fait que désherber du blé, elle a aussi planté des choux-fleurs, palissé des tomates et paillé les futurs poireaux. Et pendant qu’on s’active, elle nous raconte ses précédentes expériences de wwoofing. «Figurez-vous que je suis tombée chez des maraîchers qui ne mangeaient pas de légumes !» – «Nooooon ! Sacrilège !». Isabelle, la compagne de Fabrice nous aide aussi quelques heures à retirer le blé d’une planche de salades. La semaine prochaine, on pensait compter sur toute une petite famille de wwoofeurs mais la météo annoncée est si catastrophique que leur venue est compromise : hors de question de faire du camping dans ces conditions. Mais ne vous inquiétez pas, on a déjà un plan B…

Parmi les bonnes nouvelles de la semaine, on notera que la plantation des poireaux d’hiver est faite (merci Fabrice) : on a environ 8000 poireaux en terre pour l’automne et l’hiver. Et on a enfin mangé des aubergines ! L’été va finir par arriver…

À la semaine prochaine !

PS : Une partie des photos de cette semaine a été prise par Hélène, qu’on remercie pour ces beaux clichés !

Paye tes 200 millimètres

Il y a de l’eau qui stagne dans les passes-pied des serres. (Cliquer pour agrandir)

Et ne vous plaignez pas : j’avais prévu un titre un peu plus dark. Mais une bonne amie à moi l’a trouvé trop «violent». Et pourtant, il y aurait matière à être grossier, à éructer, à vociférer. Après qui ? Mais après le climat bien entendu ! Après un printemps froid et humide, voici un été … humide et froid (tiens, un chiasme, ça fera plaisir à Margaux). La pluviométrie totale du mois de juin flirte avec les 200 mm d’eau, ce qui est quasiment le record absolu relevé aux Grivauds depuis que Fabrice fait ses relevés. Nos sols ont clairement du mal à tout absorber et ça ruisselle énormément. La saturation répétée du sol commence à provoquer des asphyxies racinaires. On le voit très bien sur les tomates de la serre 2, dont les feuilles jaunissent. Dans cette ambiance de fin du monde, les tomates n’osent pas mûrir, les aubergines peinent à fleurir et les poivrons stagnent au ras du sol. Les pailles sont gorgées d’eau, les grains de blé y germent joyeusement, transformant notre champ de légumes en prairie…

Un échantillon de notre stand sur le marché de Vichy : la gamme est de plus en plus large ! Fenouils, artichauts, fèves, blettes sont des nouveautés de cette semaine.

Cette semaine, figurez-vous qu’on n’a pas de petites mains avec nous. Et ça nous fait tout bizarre d’avoir de nouveau à mener notre petite barque tous seuls. Les récoltes commencent à prendre de la place dans nos routines : il y a les courgettes, les concombres, les haricots (qui donnent encore vraiment trop peu) et les petits pois. Préparer le marché de Vichy tous seuls, c’est aussi quelque chose qui ne nous était pas arrivé depuis longtemps. On est fiers de sentir qu’on n’a pas perdu la main et qu’on en s’en sort encore comme des grands, et ce malgré une gamme de plus en plus grande (voir photo). Les tomates nous demandent encore beaucoup d’attention : il faut passer toutes les semaines sur chaque pied pour accompagner la croissance en clipsant le pied sur sa ficelle, en éliminant les gourmands et en coupant le liseron qui tente de prendre de la hauteur sur ces tuteurs providentiels. Entre deux pluies, on plante quelques caisses de choux. Et puis, encore et toujours, on tire le blé qui pousse insidieusement un peu partout.

C’est d’ailleurs cet enherbement imprévu qui justifie le retour d’une de nos petites mains emblématiques en début de semaine prochaine… On espère qu’il y aura suffisamment d’accalmies pour lancer l’opération «débléyage» d’urgence…

À la semaine prochaine !